Genre : Drame
Durée : 85’
Acteurs : Nastya Budiashkina, Thea Brogli, Sabrina Rubtsova, Caterina Barloggio...
Synopsis :
Exilée en Suisse, Olga, 15 ans, est une gymnaste ukrainienne très prometteuse. Comme tous les athlètes au sommet de leur art, elle rêve d’une médaille olympique. Elle fait de son mieux pour s’intégrer dans sa nouvelle équipe nationale mais, à l’approche du championnat d’Europe, la révolution de Kiev ébranle son monde et met sa volonté à l’épreuve.
La critique de Julien
"Olga", c’est le premier film du jeune réalisateur français Elie Grappe, établi en Suisse depuis ses études en Lausanne. Sélectionné en compétition à la 60ème Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2021, son premier long métrage est une fiction qui raconte l’histoire d’une adolescente ukrainienne et sportive de haut niveau alors en exil en Suisse pour les besoins de ses entraînements pour l’Euro. Mais la révolution qui éclate dans son pays natal va la troubler dans sa pratique, d’autant plus que sa mère, journaliste, est de plus en plus en danger. Olga devra alors gérer la violence que provoque en elle le fait d’être loin de chez elle...
Après un court-métrage sur la danse classique sorti en 2015, Elie Grappe a coréalisé un documentaire dans l’univers des conservatoires, qu’il connaît bien, et au travers duquel il a pu filmer une violoniste ukrainienne arrivée en Suisse juste avant Euromaïdan (du 21 novembre 2013 au 22 février 2014). Et c’est l’histoire de cette dernière, face à cette révolution née de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer un accord d’association avec l’Union européenne au profit d’un accord avec la Russie, qui a profondément touché le jeune cinéaste de 27 ans, lequel a alors ressenti le désir de filmer le lien entre frontières géographiques et intimes. Il confronte alors ici une athlète de haut niveau (en devenir) face à la responsabilité qu’incombe d’une part, son choix indirect de quitter son pays, fortement motivé par sa mère, afin d’intégrer l’équipe nationale suisse, et dès lors devoir changer de nationalité (sachant que tu perds ton passeport en Ukraine si tu en prends un autre ailleurs), sans se sentir en plus à sa place, et d’autre part son impuissance face à la situation géopolitique qui touche son pays, envers laquelle elle se sentira démunie, alors que son corps, lui, est également en plein changement. Voilà qui fait donc beaucoup de poids pour des épaules, et même pour ceux d’une gymnaste...
En filmant la passion d’une adolescente et son corps en action face à des enjeux individuels et collectifs, Elie Grappe nous montre le quotidien tiraillé entre deux mondes d’une athlète, et dès lors le conflit intérieur qui se joue en elle. En résulte une tension permanente à l’image, d’autant plus vis-à-vis du sport très cinégénique et en perpétuel mouvement qu’il filme, mais où la blessure est à portée de main. Pour appuyer l’authenticité de sa démarche, Elie Grappe a fait le choix de travailler avec des actrices et acteurs non-professionnels, Nastya Budiashkina (Olga) faisant elle-même partie de l’équipe nationale de réserve en Ukraine. Aussi, le personnage principal est confronté, depuis le véritable lieu d’entraînement des athlètes olympiques suisses (à Macolin), dans les hauteurs de Bienne, à des images d’Euromaïdan, alors filmées par des manifestants eux-mêmes. Or, ces dernières sont de véritables prises de vues filmées à l’époque avec des téléphones portables, au cœur de l’événement, traduisant dès lors l’urgence collective et politique qui se jouait au sein de cette société fracturée.
Alors que l’écriture du film a commencé en 2016, et que son tournage s’est vu interrompre à cause la crise sanitaire, avant de s’achever neuf mois après son démarrage, "Olga" est un puissant témoignage intime, certes fictif, mais quasi-documentaire dans sa démarche d’aborder avec une proximité assez incroyable les tourments d’une jeune femme qui ne se sent pas légitime d’être là où elle est, alors que son pays est terrassé par des violences inouïes, touchant alors ses proches au plus près, tout en étant quant à elle au plus loin d’eux...