Synopsis : Camille et Georges dansent tout le temps sur leur chanson préférée "Mr Bojangles" de Nina Simone. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Jusqu’au jour où la mère va trop loin, contraignant Georges et leur fils Gary à tout faire pour éviter l’inéluctable coûte que coûte. Adaptation du roman éponyme d’Olivier Bourdeaut.
Acteurs : Virginie Efira, Romain Duris, Grégory Gadebois et Solàn Machado-Graner.
Voici le troisième long métrage de Régis Roinsard, après Populaire en 2012 et Les Traducteurs l’an dernier. Il s’attaque cette fois-ci à un roman d’Olivier Bourdeaut, publié il y aura bientôt 6 ans. Roman adapté en bande dessinée et ensuite au théâtre. Ceux et celles qui ont lu le roman pourront se dire que l’adaptation est impossible. L’histoire d’une famille déjantée, vue et racontée à travers les yeux d’un enfant, Gary, âgé d’une dizaine d’années, mais un enfant qui pense comme un adulte et qui, même embarqué dans la folie d’une famille fantasque, est toujours proche de celle-ci tout en en prenant distance, tant par la raison que par les sentiments. Et l’on comprend alors que le petit Gary soit interprété au théâtre par un adulte (avec une âme d’enfant !?). Ce qui (au-delà et en deçà des contraintes de jouer une pièce de théâtre par un jeune mineur) traduit assez bien tout le personnage du roman.
L’on ne vous contera pas les péripéties de cette famille qui est toujours en représentation, au-delà du réel, fantasque où il faudra composer avec une Camille (Virginie Effira) qui sombre dans la folie tandis que Georges (Romain Duris) est au-delà du réel. Ceux-là sont dans une quatrième dimension qui échappe aux contraintes du monde, ils sont en surjeu permanent , en théâtralisation de leur existence, où seul Charles (Grégory Gadebois) qui arrive à faire le lien entre cette famille et le monde extérieur, point de tangence paradoxal entre ce cercle de famille où il s’insère et le cercle du monde extérieur dont il fait partie et auquel Georges et Camille ne peuvent que se confronter via la provocation permanente.
En exergue du livre, l’auteur écrivait : "Ceci est mon histoire vraie, avec des mensonges à l’endroit, à l’envers, parce que la vie c’est souvent comme ça." Et cette histoire, c’est le film (contenu déjà dans les premières pages du roman !). Pour exprimer cela, il fallait bien des acteurs qui pouvaient eux aussi théâtraliser leur jeu et ils y arrivent très bien. Il faut bien sûr accepter cette façon d’interpréter leur rôle et c’est ainsi que le film nous a souvent fait penser à Michel Gondry avec notamment L’Ecume des jours où, en 2013, il adapte le conte homonyme de Boris Vian. En effet nous sommes constamment dans des univers fantastiques, fantasques, où les adultes ne sont pas sérieux, ne se prennent pas au sérieux, mais où un enfant découvre les vicissitudes de l’existence, sert d’interface entre ses parents et le monde extérieur avec son âme d’enfant, mais un regard d’adulte ! Et cela jusqu’au moment où il est confronté à deux pertes radicales. Et c’est un jeune acteur fabuleux qui joue comme un adulte que nous avons découvert en Solàn Machado-Graner [1]. Habituellement c’est un reproche que l’on doit faire à un film lorsque l’enfant joue comme un adulte. En revanche, dans le cas présent, ce "sur-jeu" de l’enfant sied à merveille pour l’interprète de Gary.
Il invite ainsi à lire le livre de la vie de son père comme il le signale dans le roman. Un film à (re)voir dans l’esprit du roman qui se termine [2] ainsi (c’est toujours Gary qui s’exprime) : "Les gens lisaient Bojangles sur la plage, dans leur lit, au bureau, dans le métro, tournaient les pages en sifflotant, ils le posaient sur leur table de nuit, ils dansaient et riaient avec nous, pleuraient avec Maman, mentaient avec Papa et moi, comme si mes parents étaient toujours vivants, c’était vraiment n’importe quoi, parce que la vie c’est souvent comme ça, et c’est très bien ainsi."
C’est en effet ainsi qu’il nous semble que le film doit être vu et reçu. Si on le prend au sérieux, au premier degré, à la lettre, la désespérance peut nous gagner, l’incompréhension de l’immaturité des adultes, la mise en cause de la façon dont Gary réagit aux moments les plus sombres et qu’il se demande "Comment font les autres enfants pour vivre sans mes parents ?", car il fallait bien qu’ils soient à deux pour porter la folie de sa maman.