Synopsis : La jeune Europe est abordée devant les portes de son école par Jupiter, un mystérieux et beau jeune-homme. Elle se laisse séduire par ses récits envoûtants sur des dieux qui tombent amoureux de jeunes mortelles. Il l’invite à le suivre pour se plonger dans des mythes devenus réels.
Acteurs : Amira Akili, Sébastien Hirel, George Babluani, Mélodie Richard, Damien Chapelle, Matthis Lebrun, Samantha Avrillaud.
Christophe Honoré revisite et actualise l’œuvre poétique latine en quinze parties d’Ovide.
Je n’ai (malheureusement ?) pas vu le film en projection presse. j’espère pouvoir en faire une critique lors de sa sortie en salle. Sachez cependant que certains confrères ont un avis pour le moins mitigé si pas négatif par rapport à ce dernier film d’Honoré et notamment avec le choix de mauvais acteurs/actrices amateurs, jeunes encore, qui ne savent pas jouer mais qu’il prendra plaisir à dénuder dans certaines séquences. A vous de voir donc, mais vous aurez été prévenus (NB : étrangement, le film est annoncé tous publics par Cinebel !) !
Mise à jour le 31 janvier 2015
Voilà donc ce que j’écrivais il y a quelques semaines... Depuis j’ai vu le film en salle, avec du public, dans des conditions "classiques" donc. Et finalement, je suis sorti de la salle avec l’impression d’avoir fait une heureuse expérience de cinéma... et j’aurai donc un autre avis que celui des confrères journalistes que j’appelais à la barre à l’époque.
Une précision, d’emblée : j’ai un a priori favorable pour Christophe Honoré et pour les films qu’il réalise (avec toutefois des réserves pour L’Homme au bain). Christophe est un homme de lettres, cela se sent dans ce film, comme dans d’autres qui l’ont précédé. C’est à un monument doublement millénaire de la littérature classique qu’il s’attaque avec Les Métamorphoses homonymes d’Ovide, ou du moins une partie de l’oeuvre qu’il revisite.
Ces textes que l’on pouvait penser lettres mortes prennent vie grâce à Honoré qui nous (me) donne l’envie de (re)lire Ovide ! Ce dernier faisait surgir un temps où les dieux et les déesses côtoyaient les humains sur terre. Il les res- suscite pour nous en ce XXIe siècle grâce à ce film qui est un itinéraire en trois parties. Au-delà d’un éventuel découpage artificiel il y a là matière à et manière de nous faire (re)découvrir ces grands récits et mythes anciens grâce à Europe qui va faire de bien singulières rencontres.
Avec Métamorphoses, nous sommes aux frontières : celles entre la ville et la campagne, entre l’homme et la femme, entre le sacré et le profane, entre la foi et le doute, entre l’humain et l’animal, entre le passé et l’actuel.
De jeunes acteurs et actrices, pour la plupart non professionnels, se mettent à nu, symboliquement et parfois physiquement, pour donner corps et voix à ces récits merveilleux. Ce qui pourrait irriter le professionnel, à savoir le côté amateur du jeu, de la diction de ces acteurs - qui ne sont pas nécessairement représentatifs des canons de la beauté et de l’esthétique antiques - donne ici un vent de fraicheur et de naïveté (au sens noble du terme) à cette relecture et cette mise en scène, dans notre siècle, de ces histoires auxquelles on ne croit pas ou plus, au risque d’en sortir... transformé !
Tant de noms anciens, oubliés parfois, emplissent notre mémoire : Jupiter, Europe, Junon, Bacchus, Orphée, Actéon, Syrinx, Tiresias, Narcisse, Atalante... et beaucoup d’autres s’inscrivent dans un monde contemporain, dans la ville, dans la forêt, dans l’eau pour conjuguer humanité et animalité, voire passer de l’un à l’autre, passage apparemment irréversible.
Tout commence sur un terrain de chasse au bord d’une autoroute, pas loin de la Cité. Un chasseur voit ce qu’il ne doit pas voir. Troublant. Une colère va se déchainer et un cerf sera mis à mort à la frontière avec la route, celle de la modernité. Jupiter arrivera sur un char... bien moderne. Lui et d’autres raconteront tant de légendes anciennes qui prennent vie, qui s’actualisent devant nos yeux. La durée ne se vit que dans l’art de la narration alors même que le temps reste au présent pour les protagonistes qui entendent l’histoire tout en y étant partie prenante.
Impossible de reprendre ici chacun de ces récits mais notons cependant celui de Narcisse, complètement revisité ; celui de la relation fougueuse d’Atalante et d’Hippomène.... dans une mosquée avant de devenir lions parce que Vénus n’a pas été remerciée pour le dons des trois pommes d’or du jardin des Hespérides. Est-ce qu’Honoré a tourné dans une vraie mosquée ou bien a-t-il reconstitué celle-ci ? Peu importe après tout. Nous sommes là presqu’aux frontières d’un autre tabou religieux. Le religieux est présent également par l’évocation des rites orphiques et les bacchanales. Un religieux qui fonctionne sur le mode de la rétribution ou de la punition mais également sur celui de la croyance. Maudit sera donc celui qui doutera de ces dieux modernes dont la rencontre peut se faire sur des lieux de chasse (ou de drague ?) aux frontières de la ville...
Mise à jour (25/10/19) :Une analyse de la Revue belge du Cinéma - Le Rayon Vert
Une (auto)présentation de Damien Chapelle