Genre : Drame, thriller
Durée : 86’
Acteurs : Guillaume Canet, Virginie Efira, Laetitia Casta, Mathieu Kassovitz, Nathalie Baye, Patrick Chesnais, Gilles Cohen...
Synopsis :
Un compositeur en mal d’inspiration, qui vient de quitter femme et enfants, pense trouver refuge dans une vieille maison à flanc de falaise, sur une île bretonne déserte. Dans ce lieu étrange et isolé, il ne va trouver qu’un piano désaccordé et des visiteurs bien décidés à ne pas le laisser en paix.
La critique de Julien
En mai 2020, pendant le premier confinement, stoppé net par l’arrêt de la préparation de son prochain film de commande "Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu", Guillaume Canet s’est mis à écrire quelques pages, dont les trois premières lettres étaient "LUI". Écrit en trois semaines, et tourné en quatre avec une équipe réduite en septembre de la même année, ce scénario est né d’un travail d’introspection, qu’il s’est alors obligé durant cette période particulière, au travers de laquelle il a ressenti le besoin d’avancer, de passer à autre chose, et donc d’écrire, tel un ouragan qui bouillonnait en... lui. Motivé par Marion Cotillard elle-même, laquelle a fait, à la lecture des premières lignes, le rapprochement entre celles-ci et le poème de Rumi "La Maison d’Hôte" (poète perse du XIIIe siècle), Canet s’est alors lancé dans l’histoire d’un compositeur en panne d’inspiration, marié et père, partant s’isoler dans une vieille maison, sur la falaise d’une île bretonne, a priori déserte. Le piano, malheureusement désaccordé, ce dernier se retrouvera alors troublé par d’étranges invités, venant perturber sa tranquillité, tels que sa femme, sa maîtresse, son meilleur ami, ses parents, ou encore son docteur. Mais tous sont le résultat de son imagination, ou plutôt du double un peu malfaisant qui sommeille en lui, et avec lequel il discutera pendant de longues heures...
Autour du concept psychanalytique du clivage du "Moi" (d’après un phénomène établi par le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud), Guillaume Canet nous livre sans doute ici son film le plus personnel, lequel comporte certains éléments vécus ou ressentis, sans être pour autant un film autobiographique. Le cinéaste nous parle alors ici de thèmes qui lui sont personnels, tels que le rapport à la mort, qu’il a pu connaître dans ses jeunes années notamment après une chute à l’âge de dix-huit ans lors d’un saut d’obstacles, mais également à la suite de l’infarctus de son père, derrière la porte de la maison familiale, seulement quelques secondes après qu’il l’ait quittée. Mais il est surtout sujet ici à un questionnement sur sa personne, alors en la présence de deux femmes, interprétées ici par Virginie Efira (sa femme) et Laetitia Casta (sa maîtresse). Tandis qu’il joue un cinquantenaire qui vit avec la même compagne depuis des années, Canet se pose ainsi des questions - comme soi-disant beaucoup de gens de tranche d’âge - sur le rapport à l’autre, au couple, et à la séduction. Cela l’intéressait donc beaucoup d’étudier les réactions des deux femmes en question à l’égard de son personnage, tandis qu’il met également en scène le rôle d’un ami musicien (joué par Mathieu Kassovitz), et la jalousie que l’on peut éprouver envers quelqu’un qui réussit mieux que soi, son personnage ne trouvant ici de meilleure excuse que le fait de tromper sa femme, craignant d’être trompé à son tour…
Miroir des tourments de l’artiste face à une période de pause forcée, et indirectement d’anti-création, "Lui" est un film qui ne regarde pas plus haut que son nombril, aux allures de crise existentielle et personnelle de Guillaume Canet, traversée au cours d’une période propice, ou plus conséquente à cela. Son film n’a alors pas grand-chose à dire de concret, ni de constructif sur les questions qu’il soulève, au regard notamment de sa conclusion, assez prompte, et expéditive, mais qui semble pourtant satisfaire son auteur, et dès lors son personnage. On s’ennuie même face à si peu d’action ("lui" ne fait rien d’autre que se parler à lui-même et remettre en état les volets de l’habitation), et tant de dialogues, autour du "Moi", et dont on a que faire, et d’autant plus venant d’un personnage aussi antipathique, résultant, malgré lui, de l’assurance et de la fierté de celui qui l’interprète... Cependant, "Lui" bénéficie d’un joli casting venant mettre un peu de piment dans ce couple (Canet et son double à l’écran), ainsi que d’une mise en scène et d’un cadre qui n’inspirent pas la confiance, et qui instaurent un climat anxiogène à ce huis clos, mais qui tourne en rond. Enfin, quelques mouvements de caméra sont assez sympathiques, dont un plan-séquence filmé autour de ladite bâtisse, à flanc de colline, lorsque "lui", Canet, revient de promenade à vélo, après avoir réussi à dénicher une bonne bouteille, histoire de noyer ses démons...