Genre : Thriller
Durée : 114’
Acteurs : François Cluzet, Bérénice Bejo, Jérémie Renier, Jonathan Zaccaï, Patrick Descamps, Patrick d’Assumçao...
Synopsis :
A Paris, Simon et Hélène décident de vendre une cave dans l’immeuble où ils habitent. Un homme au passé trouble l’achète et s’y installe, sans prévenir. Peu à peu, sa présence va bouleverser la vie du couple.
La critique de Julien
Metteur en scène à qui l’on doit notamment "Les Femmes du 6e Etage" (2011) et "Alceste à Bicyclette" (2013), et plus récemment "Normandie Nue" (2018), Philippe Le Guay s’est intéressé pour son nouveau métrage à l’histoire vraie d’un couple d’amis qui, en 2009, ont vendu leur cave à un néo-nazi pur et dur, et même l’un des piliers du négationnisme en France. Sans se méfier de rien, ces derniers ont alors donné la clé de ladite cave en même temps qu’ils ont encaissé le chèque, sans attendre la signature de l’acte notarié. Or, à l’époque, en France, d’après l’article 1583 du Code civil, tant qu’il y avait accord sur la chose et sur le prix, la vente était conclue. Sauf qu’ils n’avaient pas prévu non plus que l’homme allait s’installer physiquement dans ce lieu, initialement destiné à entreposer des archives... Cette vente banale s’est alors transformée en un véritable cauchemar pour ce couple, qui a explosé, lequel a alors accepté que le réalisateur raconte leur histoire, à condition de ne pas les exposer...
Parti dès lors d’une base réelle, "L’Homme de la Cave" est pourtant bien une fiction, laquelle illustre la folle situation vécue par ces gens ordinaires, en modifiant évidemment les profils, dont celui du négationniste en question, joué par François Cluzet, à contre-emploi, lui qui n’est pas ici un nazi objectif, mais un professeur d’histoire, alors radié de l’Éducation Nationale étant donné ses propos, et les questions "qu’il se pose". Face à lui, Jérémie Renier et Bérénice Bejo jouent un couple mis à mal par l’arrivée de cet homme dans leur vie, et ce que sa présence va induire dans leur quotidien, tandis que Simon (Renier) est un Juif laïc qui ne se pose pas la question de son identité, et encore moins de son passé familial, alors que Hélène (Bejo), elle, a un rapport confus avec son propre père, malade. Parents d’une adolescente (Denise Chalem) en plein papillonnage pour son cousin, la famille Sandberg sera alors confrontée à ses origines, éveillant le doute en eux, et en parallèle le malaise dans tout l’immeuble, en sachant d’autant plus que la présence du négationniste est la conséquence directe de la confiance aveugle de Simon, lui qui garde tout pour lui, et n’a d’ailleurs pas consulté son frère David (Jonathan Zaccaï) pour la vente, alors que la cave lui appartenait de moitié...
Mais qu’est-ce donc que ce film qui souhaite tant dire, pour finalement rien dire ? On ne comprend vraiment pas où Philippe le Guay a voulu en venir en mettant en images ce fait divers, lequel en exagère ici toutes les nuances, et les profils narratifs. Car rien ici ne fonctionne, ou presque. Certes, l’hypocrite personnage de François Cluzet est intéressant en soi, étant donné qu’il prétend défendre sa liberté d’expression, remettant ainsi en cause la "vérité officielle", se posant dès lors en homme libre, et donc indirectement en victime intellectuelle, mais son écriture ne va pas en ce sens sur la longueur, en témoigne le soi-disant final, où "la vérité" et les horreurs sont crachées au visage, et cela au sein d’une confrontation qui ose, de plus, à son tour, jouer la lourde et offensante métaphore au regard de ce qui s’est passé dans les camps de concentration. Tout cela sonne donc faux, et par-dessus trop orchestré, et sans aller au bout de ses idées. Dès lors, on ne croit ici en rien.
Thriller familial sur fond d’histoire et de rhétorique politique (encore actuelle) manipulatrice, "L’Homme de la Cave" ne brille pas non plus par l’écriture de ses personnages. Celui de Jérémie Renier (très complexe), tout d’abord, tente de garder la tête hors de l’eau, se sentant visé par cet homme et ses idéaux, lui qui est malmené de toute part, dont par sa femme (Bejo), criant à chaude larme - et en tapant dessus - que "cette situation" est entièrement "de sa faute". Autant dire qu’on a largement vu plus fin comme réaction, soutien et déduction, elle qui agit de plus sans queue ni tête, jusqu’à s’interroger sur la famille de son époux, et sur lui-même. Leur fille, Nelly (Chalem), quant à elle, est une insipide gamine qui ne va - évidemment - pas écouter son père, et se laisser berner par Fonzic (Cluzet), au sein d’une insupportable manœuvre qu’on a le temps de voir venir. Et il y a par-dessus tout l’homme de la cave, qui, telle une cellule cancéreuse qui métastase, va rependre son venin, et installer le doute, et plus que ça encore : la haine...
C’est sans aucun doute ce dernier point qui nous dérange et qui risque d’en déranger plus d’un. En effet, pourquoi chercher à mettre en scène un film si caricaturalement appuyé osant (encore) ignorer la réalité du génocide des Juifs par les nazis ? On ne voit pas en tout cas ce que "L’Homme de la Cave" apporte au devoir de mémoire collectif des innombrables victimes du nazisme. Et tandis qu’il ouvre aussi d’innombrables portes, le film de Philippe Le Guay les referme aussitôt [1], préférant alors aligner de malheureux hasards afin de gangrener davantage la chose, s’enfonçant alors dans un non-sens duquel il ne parviendra jamais à s’extirper, déforçant alors définitivement ses propos... C’est triste à dire, mais c’est, selon nous, à tort ou non, un ratage. Et c’est notre droit à nous de le penser...