Genre : Thriller
Durée : 90’
Acteurs : Sarah Paulson, Kiera Allen, Pat Healy...
Synopsis :
Une adolescente, qui a passé sa vie recluse avec sa mère, découvre le terrible secret que cette dernière lui cache depuis de nombreuses années...
La critique de Julien
Sortie cette semaine-ci dans nos salles, mais uniquement en Flandre, "Run" est la seconde réalisation du cinéaste indien naturalisé américain Aneesh Chaganty, après l’inédit "Searching : Portée Disparue" (2018). Distribué sur Netflix dans la majorité des territoires internationaux et sur la plateforme Hulu aux Etats-Unis, lequel est d’ailleurs devenu le film original le plus vu sur cette dernière à sa sortie en novembre 2020, "Run" met en vedette la jeune Kiera Allen dans son premier rôle principal au cinéma, dans la peau d’une adolescente handicapée, et scolarisée à domicile, qui commencera à soupçonner sa mère (Sarah Paulson) de lui cacher un sombre secret. Et on comprend pourquoi...
Dix-sept ans après avoir accouché prématurément de sa fille, Diane s’occupe d’elle à plein temps, elle qui utilise un fauteuil roulant pour se déplacer, étant donné qu’elle souffre d’arythmie, d’hémochromatose, de diabète et de paralysie, ce qui ne l’empêchera pas de partir étudier à l’Université de Washington, dans l’attente d’une lettre d’acceptation, elle qui est très compétente en technologie et en ingénierie. Mais bien qu’elle insiste sur le fait qu’elle ne craint pas que sa fille quitte la maison afin de commencer sa vie universitaire, Diane l’empêche de voir le courrier avant elle, quitte à bondir de sa voiture à l’arrivée du facteur, si elle est en route, tandis que Chloé n’a pas non plus accès à l’Internet, ni à un Smartphone… La méfiance accroîtra pour Chloé lorsqu’elle découvrira des pilules vertes inconnues dans ses cocktails journaliers de médicaments, mais apparemment prescrites pour sa mère, tel qu’elle le découvrira sur l’étiquette du produit, en tombant dessus en cherchant des chocolats dans le sac d’épicerie fraîchement ramené…
Deuxième actrice en fauteuil roulant à jouer dans un film à suspense après la pauvre actrice Susan Peters dans "The Sign of the Ram" (1948) de John Sturges, ayant connue une (fin de) vie tragique, nul doute que Kiera Allen rencontrera le succès escompté, étant donné son talent d’actrice, ici révélé, elle qui porte ce thriller domestique à bras-le-corps, et cela malgré son handicap, elle qui est devenue paralysée en 2015 pour des raisons non-divulguées (deux doublures ont cependant été nécessaires). Dans "Run", Kiera Allen interprète en effet une demoiselle au sang-froid déterminée à lever le voile sur ses doutes envers sa mère, et la qualité des soins qu’elle lui apporte au quotidien, jouée quant à elle par la toujours exceptionnelle et inquiétante Sarah Paulson, elle qui a encore brillé l’année dernière dans le rôle de Mildred Ratched dans la série Netflix "Ratched" de Ryan Murphy. Dans un rôle toujours aussi louche, névrosé et fourbe, l’actrice parvient à laisser cependant de la place à sa comparse de jeu, sans jamais l’écraser, ce qui est important dans un film où l’intrigue se déroule principalement en petit comité, à la maison, en quasi-huit clos, et se vit dans une ambiance assez oppressante.
Assez court, Aneesh Chaganty ne perd pas ici une minute, et dresse une mise en scène parfaitement calibrée, qui révèle une bonne dose de tension à mesure que la jeune demoiselle cherche des réponses en essayant de passer par les mailles du filet. Cependant, la rivalité entre les deux femmes arrive un peu trop tôt, gâchant quelque peu notre plaisir. On doute également qu’on puisse aussi rapidement remettre en question autant d’années partagées avec la seule personne avec qui on partage notre vie, même si, dans son cas, il faut bien avouer que cette mère semble cacher des choses. Quant à la chute, elle ne tient malheureusement pas toutes ses promesses, la faute tout d’abord à une scène d’introduction un brin trop déductive, ainsi qu’à quelques invraisemblances et grosses ficelles auxquelles on a assez difficile à croire. On sent en tout cas qu’Aneesh Chaganty aime entretenir le mystère, lui qui filme certains plans de manière loin d’être anodine, ce qui est pour le moins intriguant, mais sans leur donner cependant de suite, ce qui en devient frustrant. Certaines pistes narratives installées restent dès lors sans réponse à l’issue du métrage, comme si certaines scènes avaient dès lors été coupé au montage final, pour n’en garder ainsi que le plus efficace. Et certes, son montage serré réserve son lot d’adrénaline au regard de la mécanique qui se met rapidement en place, mais il l’est à défaut d’être cohérent. Enfin, la scène finale finit par nous mettre d’accord sur l’idée que cette histoire ne fai(sai)t pas dans la dentelle. Cependant, derrière son cinéma de thriller, "Run" est une allégorie sur les abus de confiance par autrui, ici en ce qui concerne le contrôle des prestations de soins, et par l’étouffement et la manipulation incessants envers une personne vulnérable, en manque d’identité, et en situation de confiance maternelle. Or, quand on sait que "Run" est inspiré de cas réels d’un syndrome très connu (spoiler : [1]), on se rend compte à quel point nous vivons dans un monde sinistre...