Synopsis : Le film raconte l’histoire de Cielo, une mère à la recherche de sa fille enlevée par un cartel dans le nord du Mexique. Les autorités refusant de lui venir en aide, Cielo décide de prendre elle-même les choses en main. Elle débute son enquête et gagne la confiance de Lamarque, un militaire peu conventionnel déployé dans la région. Il accepte de l’assister dans sa recherche, car les informations de Cielo peuvent être utiles à ses propres opérations. Leur collaboration va entraîner Cielo dans une terrible spirale de violence. Une histoire inspirée de faits réels.
Acteurs : Arcelia Ramírez, Jorge A. Jimenez, Alvaro Guerrero
La Civil est le premier long métrage de Teodora Ana Mihai, une réalisatrice belgo-roumaine. Son film a été projeté cette année à Cannes dans la section Un certain regard. Son film adapte une histoire vraie et, l’on peut même penser qu’il y a en arrière-plan, en soubassement de nombreuses situations identiques au Mexique. Comme dans d’autres films de cette année : Quo vadis Aïda ou Cher Camarades, c’est par le biais de l’intime que la réalisatrice aborde une histoire qui concerne toute une nation !
Le synopsis en dit assez pour comprendre l’intrigue du film et en dire plus gâcherait la découverte de son cheminement et de sa conclusion. On n’ose écrire, le "plaisir" de voir un film haletant dont on ne sait où il mènera les protagonistes et les spectateurs. C’est que le film est angoissant, très violent, car il confronte le spectateur à une réalité quotidienne : le pouvoir des cartels, leurs dissensions et combats, l’inaction des autorités, notamment policière, le jeu ambigu de certains militaires (qui semble presque des milices para-militaires par certains égards ; et nous sommes loin de structures para-citoyennes, telles Liza Alerte, dont il est question dans le film Faute d’amour d’Andrey Zvyagintsev. Le film montre à quel point les cartels et gangs se structurent de manière mafieuse et corrompent (possiblement les autorités et organes de pouvoir), les citoyens "lambda" qui jouent de petits rôles, sans être conscients des enjeux qui les dépassent et qui ont des implications sur les proches et amis. ici, de nouveau, difficile d’en dire plus sans trahir le suspens (car, le film - malgré lui ? - est aussi un thriller !).
Est-il possible d’être honnête, de ne pas se laisser corrompre, de verser dans les magouilles ? Et si l’on est soi-même "honnête" comme l’est Cielo (interprétée de admirablement par l’actrice mexicaine Arcelia Ramírez !), que devient notre humanité lorsque l’on se trouve en face de personnes plus ou moins coupables et susceptibles de donner quelques informations pour en savoir plus dans une quête éprouvante ? Et lorsque soi-même, comme spectateur, l’on ressent (un peu, beaucoup) le besoin d’user, soi aussi, comme l’héroïne, de la violence pour obtenir des réponses ? Peut-on torturer au nom de la (recherche de la) vérité ? Comment se situer, comme humain face à cette violence, à ces tortures que l’on devine dans le hors champ, ou plutôt dans les à-côtés de ces lieux que l’on visite en quête d’impossibles réponses ?
Outre les relations avec la police, largement inactive mais aussi totalement débordée, il y a bien sûr ces milices para-militaires aux méthodes fortes, trop fortes ? Mais peut-on faire autrement ? Est-ce que l’on peut justifier la violence ? Et qu’en est-il des amis (ou que l’on croyait tels) qui vous ont trahis, parfois, simplement, en devenant un petit rouage d’une machine très vaste, dont les ramifications s’étendent dans tout un pays (dont on comprend aussi, même si ce n’est fondamentalement évoqué comme tel) dont on n’a qu’une envie : le fuir (vers les USA).
S’agissant de l’intime, il y a aussi le portrait d’un époux, Gustavo (Álvaro Guerrero) dont Cielo est séparée. Mais l’époux est aussi père. Et la réalisatrice dresse ici un portrait avec beaucoup de nuance d’un homme dépassé, presque lâche et pourtant qui tente de trouver son équilibre dans son rapport à la quête de la mère de sa fille.