Synopsis : Jane, une jeune diplômée qui rêve de devenir productrice, vient d’être engagée comme assistante d’un puissant dirigeant, nabab du divertissement. Sa journée type ressemble à celle de toutes les autres assistantes : faire du café, remettre du papier dans le photocopieur, commander à déjeuner, organiser des voyages, prendre les messages. Mais au fil de cette journée, Jane se rend progressivement compte des abus insidieux qui découlent de tous les aspects de sa position et qu’elle n’avait pas anticipés...
Acteurs : Julia Garnern, Matthew Macfadyen, Patrick Wilson, Dagmara Dominczyk
The Assistant, ce sont 24 heures de la vie d’une femme, ou plutôt, la journée d’une femme, assistante d’un producteur de cinéma, depuis tôt le matin, jusque tard le soir. Première arrivée, dernière à partir donc. L’on connait. Tout comme l’on connait l’histoire ou du moins celle dont elle s’inspire, à savoir le comportement abusif d’Harvey Weinstein. S’inspire, car il ne s’agit pas de lui, mais que l’on ne peut que penser à ce personnage en découvrant le premier film de fiction de la documentariste Kitty Green. Et il est probable que son enracinement dans "le cinéma du réel" a dû jouer dans la réalisation de The Assistant.
Si Jane (Julia Garner) est quasiment de tous les plans, en revanche, il n’en est rien pour le producteur que l’on ne voit pas et dont on parle à la troisième personne : "il".
Cette façon de parler de Lui amène au concept d’illéité que nous évoquions dans la critique de Juste la fin du monde. S’agissant, là, de Louis, nous écrivions : ’L’illélité est un mot que l’on utilise peu et rares sont les dictionnaires qui le reprennent. Mes professeurs de théologie l’ont employé. C’est une des façons de parler de "Dieu". Avant d’être un vis-à-vis en "vous" ou en "tu", "C"’est un "IL", un "LUI". Pour à la fois parler, dire, ne pas dire et prendre distance, manifester l’altérité [1]’. Il est donc intéressant de noter l’emploi (sans en être conscient) d’un vocabulaire de l’ordre du champ sémantique qui relève si pas du divin pour parler de Lui, mais d’une catégorie externe qui échappe à l’interaction je/tu, moi/toi... Et, dans la foulée, la plupart des membres du personnel exécutif n’ont pas de nom. Ils sont là, bien présents mais anonymes. Non pas qu’ils seraient "sans pouvoir", que du contraire, ce sont des hommes, des "mâles" et qui donc savent (plus et mieux que les femmes) et donc ici, savoir au sens de connaissance professionnelle mais aussi "savent", le secret de "dieu", soit donc ce qui se passe dans le bureau du producteur et dont on ne parle pas.
The Assistant, c’est l’histoire d’une femme reléguée à faire son travail d’assistante... tant pour le studio (et donc relatif au cinéma) que pour les tâches les plus subalternes : de faire le café à allumer ou éteindre l’éclairage ! Elle est dévouée mais en même temps condamnée dans sa fonction. Jane est aussi amenée, de par celle-ci, mais également de par sa sensibilité (féminine) à voir des choses, à les comprendre et à y être attentive et bien sûr, de manière fondamentale, ce dont on ne parle pas, ce qu’il faut taire mais que l’on sait : le sort des femmes qui entrent dans le bureau et qui y seront abusées.
Car pour Jane, il ne s’agit pas que de faire le café, mais aussi de ranger les médicaments, en particulier les dizaines de boîtes d’Alpostadil 10 mc (un médicament pour traiter les troubles érectiles par injection intracaverneuse)... mais aussi à vider la poubelle du producteur (notamment les deux seringues qu’il a utilisées durant la journée) !
Durant les jeux olympiques de Tokyo 2020-21, l’on a parlé du caractère sexiste d’un journaliste de la télévision flamande et l’on s’est rendu compte qu’il y avait là un endroit qu’il fallait éviter pour les femmes. The Assistant montre, lui aussi, ce sexisme ordinaire des hommes qui travaillent dans les mêmes locaux, ceux qui "savent" comme écrit ci-dessus. le même sexisme qui fera dire à l’un des responsables du personnel à qui elle se plaint et lui fera comprendre qu’il vaut mieux ne pas déposer plainte en concluant : "Vous avez de la chance, vous n’êtes pas son genre." ou, à la fin de la journée, lorsqu’une collaboratrice dira à Jane, parce qu’elle se rend compte que celle-ci est choquée et veut être une sorte de lanceuse d’alerte : "T’en fais pas. Elle profitera plus de lui que lui d’elle."
Un film à voir donc, tant pour l’interprétation de Julia Gardner que pour la présentation du quotidien que vivent des femmes dans des entreprises.