Genre : Drame, thriller, policier
Durée : 130’
Acteurs : Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, Farhad Aslani, Parinaz Izadyar, Farhad Aslani...
Synopsis :
En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d’une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l’affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure...
La critique de Julien
Alors que les cinémas commencent seulement à le jouer en masse dans leurs salles après sa sortie officielle le 04 août dernier en Belgique, "La Loi de Téhéran" bénéficie d’une solide réputation, tandis qu’il est devenu le film non-comique le plus rentable de l’histoire en Iran. Second film du réalisateur iranien après "Life And A Day" (2016), dans lequel il dirigeait déjà les acteurs Payman Maadi et Navid Mohammadzadeh, ce thriller dramatique revient sur un fléau grandissant en Iran, à savoir la toxicomanie, et principalement le trafic et la consommation du crack, qui croît exponentiellement dans le pays, et maintenant visible dans la rue. Saeed Roustaee réalise ici un face-à-face coup de poing, dans lequel un détective des stupéfiants aux méthodes expéditives réussis enfin, après plusieurs années de traque, à mettre la main sur un baron de la drogue, lui qui connaît sa peine, étant donné qu’en Iran, pour peu que l’on possède trente grammes de drogue, la sentence capitale est prononcée...
Très documenté, et tandis qu’il y met en lumière la corruption et l’ambiguïté morale des statuts de policiers et de dealers, "La Loi de Téhéran" dresse un multiple portrait particulièrement révélateur, percutant, et poignant, de l’Iran actuel. Tandis que le titre francophone du film fait référence à la peine de mort résultant de la possession de drogue, le titre anglophone, "Just 6.5", est peut-être plus parlant, et représentatif et nuancé quant aux objectifs de son metteur en scène. D’un côté, ce dernier peut être compris comme un écho aux 6,5 millions d’Iraniens consommateurs de crack, qui trouvent dans sa consommation une échappatoire à leur situation indémêlable, tandis qu’il fait référence aussi à une réplique du film, dans laquelle on apprend que seuls 6,5 tomans suffisent à acheter un drap mortuaire, lorsque le personnage de Nasser, le trafiquant, parle de la pauvreté qui l’a amené à devenir ce qu’il est devenu. Car ce qui ressort majoritairement de ce film, et dont on ne s’est toujours pas remis, c’est sa capacité à prendre du recul sur la situation, à développer les points de vue, et à révéler les raisons enfuies de cette consommation, et la place de chacun face à celle-ci, mais également leurs motivations, avant tout familiales (entre reconnexion d’un côté, et protection de l’autre), alors qu’ils croient chacun en eux, et estiment, à leur niveau, qu’ils ont (eu) raison d’agir comme il le font. Ici, et comme dans la vie réelle, personne n’est noir ou blanc, mais plutôt le produit de son environnement social, l’ayant poussé, d’une manière ou d’une autre, à agir, en connaissance de cause. Dès lors, Saeed Roustaee ne culpabilise pas ici au sens propre, ni ne moralise, mais cherche plutôt à donner du sens à cette confrontation musclée, ce qu’il réussit avec maîtrise et densité formelles.
Réaliste, le film s’octroie aussi bien des scènes intimistes que de foule, en témoigne celle de l’assaut policier sur un campement de toxicomanes, filmée avec d’authentiques crack-addicts, ayant accepté de figurer dans le film, ce qui ne fut pas une simple affaire à tourner. Payman Maadi et Navid Mohammadzadeh se livrent alors à un furieux combat de coqs, sombre et violent, tandis que Saeed Roustaee parvient à nous happer dès les premières minutes de son film, haletant, anxiogène, et cela jusqu’au final, extrêmement éprouvant, duquel on ressort totalement retourné, et interrogé. Il faut dire que la profondeur psychologique de l’écriture - aux abois - de ses intervenants y est pour quelque chose, l’empathie étant présente à tous les niveaux. Les mots employés, et tous les dialogues se suivent alors à la lettre, et pas qu’en leur pied. "La Loi de Téhéran" est également parfaitement mis en scène, rythmé à la façon d’interrogatoires volatiles, aux détours d’aller-retour en cellules, fourmillant de détenus en attente de leurs jugements, ce qui peut durer prendre parfois des jours, des semaines, voire des mois, étant donné une justice iranienne défectueuse, et gangrénée de toutes parts.