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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Emerald Fennell
Promising Young Woman : Jouissif !
Sortie du film le 23 juin 2021
Article mis en ligne le 20 juillet 2021

par Delphine Freyssinet

Synopsis : A 30 ans, Cassie vit encore chez ses parents dans l’Ohio. Elle est serveuse - peu aimable - dans un café médiocre, après avoir abandonné ses études de médecine dans lesquelles elle excellait. Pas de mec, pas d’amis, pas d’avenir et visiblement aucune envie d’en avoir, alors que tout s’offrait à elle ainsi qu’à sa meilleure amie Nina. On comprend assez vite que Nina est morte et que ce drame a bouleversé la vie de Cassie.
Tous les soirs, elle sort en boîte, fait semblant d’être saoûle jusqu’à ce qu’un bon Samaritain se propose de la raccompagner - “pour qu’il ne lui arrive rien” - dernier verre chez lui à la clé, et plus, si - car, de son point de vue - affinités. Sur le point d’être abusée, Cassie se redresse, parfaitement sobre et confronte le mec du soir à son hypocrisie lâche.
Quelle vengeance poursuit-elle ?

Casting : Carey Mulligan (Cassie), Bo Burnham (Ryan), Alison Brie (Madison), Laverne Cox (Gail), Jennifer Coolidge, (Susan Thomas), Clancy Brown (Stanley Thomas), Alfred Molina ( Jordan Green), Chris Lowell (Al Monroe), Max Greenfield (Joe)

Points particulier :

  • Il s’agit du premier long-métrage de l’actrice britannique Emerald Fennell
  • Elle incarne la jeune Camilla Parker-Bowles dans la série “The Crown”
  • Promising young woman a reçu l’Oscar du meilleur scénario original

La première scène du film donne le ton : des culs de mecs qui se trémoussent.
Le corps masculin vu comme un objet ce n’est pas si fréquent. Va t’il être la cible ou la proie ?

Dans cette boîte, trois potes sifflent des verres quand ils remarquent une jeune femme affalée sur l’un des canapés, visiblement KO par l’abus d’alcool. Ils ricanent de son aspect, s’inquiètent aussi de ce qui pourrait lui arriver. L’un d’eux se propose de la raccompagner pour la mettre à l’abri - biiiiip ! le coup du dernier verre, chez toi, on te voit venir, chou - et tente d’en abuser.
Cassie - la jeune femme - semble inconsciente, désorientée donc incapable de consentir à quoi que ce soit. On s’attend donc à assister à une scène que trop de filles ont vécu, quand elle se redresse. Et là, le pauvre type va prendre cher.

S’ensuit une scène que n’aurait pas renié Tarantino : Cassie, débraillée, marche dans la rue, une estafilade rouge sur le mollet, mâchonnant son burger dont le ketchup dégouline sur son corsage...et sa jambe. Elle se fait siffler par un groupe d’hommes sur un chantier qui la détaillent comme un bout de viande, multipliant les remarques graveleuses, obscènes, et face à son indifférence, l’insultent.
Une scène que toutes les filles (ou presque, certaines fort heureusement, n’ont pas eu ce "bonheur"-là) ont déjà subie, et qui est renforcée par la musique : “It’s raining men”.

Un choix absolument pas anodin - et tout au long du film il en sera ainsi - car il s’agit bien de cette même chanson qui résonne victorieusement dans “Bridget Jones” quand la trentenaire célibataire se languit de son Darcy prince charmant.
Un contraste saisissant qui donne une autre lecture, plus menaçante, des paroles.

Un film de revenge movie brillant mixé aux clichés de la comédie romantique pour mieux les exploser.

Là encore, la musique est intelligemment utilisée : choisir une chanson de Paris Hilton, estampillée bimbo écervelée par excellence - pour les plus jeunes, c’est l’avant Kim Kardashian - pour une scène romantique, en voilà une trouvaille !
Au détour d’une autre scène-clé, vous reconnaîtrez aussi “Toxic” de Britney Spears - victime de slut-shaming durant toute sa carrière et dont le récent documentaire “Framing Britney Spears” a montré comment elle avait été détruite par le sexisme et la violence du show-business.

Pour quiconque l’a vue dans “Une éducation” ou “Shame” par exemple, ce n’est pas un scoop de dire que Carey Mulligan est une formidable et grande actrice. Mais là, elle accède encore à un autre sommet.
Elle est tout simplement impressionnante en femme déterminée et implacable façon Uma Thurman dans Kill Bill, et enfant joyeuse à l’innocence volée façon Pearl, la petite fille de “La nuit du chasseur”. Un film référence dans plusieurs scènes : c’est celui que regardent à la télé ses parents aimants mais dépassés, et c’est sa ritournelle “flew away” (la scène mythique de la rivière) qui résonne dans une autre scène, mise en abyme bouleversante pour illustrer la pureté à jamais disparue de Cassie.

En face, ses cibles apparaissent comme des Dorian Gray : le silence et l’oubli ne sont qu’un petit prix à payer pensent-ils, pour conserver tous les aspects extérieurs de leur réussite et de leur beauté morale.

Hommes et femmes, personne n’est épargné.
Cassie recrée les sentiments de malaise pour leur faire admettre que ce qu’ils et elles ont laissé faire n’est pas si normal.
Et c’est implacable. Les mecs, oh ce sont tous des “types bien” comme ils se plaisent à le répéter. On est très curieux de savoir ce qu’est, pour eux, un sale type…
Les femmes ont le jugement facile “une fille bourrée, hein, elle l’avait un peu cherché au fond”. Ne manquait plus que le couplet " t’as vu comme elle était habillée" et on avait la totale.

La vengeance sans pitié que mène Cassie, est dérangeante, effroyable, mais, au fond de nous, on n’a qu’une envie : lui dire “Vas-y !”

Ce film souligne parfaitement les émotions de rage, de vengeance qu’une personne ressent suite à une tentative d’abus (voire pire) et montre à quel point il est temps que la honte change de camp.

Entre comédie et drame, humour noir décapant et mélancolie, ce film est comme un boxeur virevoltant : on ne sait pas d’où vont venir les coups.
Car il frappe là où ça fait mal. Et bien malin/maligne celui ou celle qui peut deviner où le film va nous emmener.

Les gars - les bons, les vrais, les gentlemen - faites-moi plaisir : par pitié, ne me sortez pas le couplet “Not all men”. Déjà, parce que, Evidemment, tous les mecs ne sont pas ces sombres abrutis qui se parent de leurs atours de “mec bien” et se vautrent derrière leur lâcheté quand ils sont confondus. Le féminisme n’est pas - pour moi, comme pour beaucoup - synonyme de misandrie.
Si vous vous reconnaissez dans les comportements que ce film dépeint, vous avez un problème. Et il est plus que temps d’y remédier.
Sinon, et vous êtes nombreux, vous ne vous sentez pas visés et vous êtes tous avec nous pour dire #stopauharcelement #metoo.
Un film qui nous concerne toutes et tous.



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