Genre : Comédie dramatique
Durée : 97’
Acteurs : Alséni Bathily, Lyna Khoudri, Jamil McCraven, Finnegan Oldfield, Farida Rahouadj, Denis Lavant...
Synopsis :
Youri, 16 ans, a grandi à Gagarine, immense cité de briques rouges d’Ivry-sur-Seine, où il rêve de devenir cosmonaute. Quand il apprend qu’elle est menacée de démolition, Youri décide de rentrer en résistance. Avec la complicité de Diana, Houssam et des habitants, il se donne pour mission de sauver la cité, devenue son « vaisseau spatial ».
La critique de Julien
Gagarine, c’était une énorme cité abritant 370 logements, construite au début des années 60 à Ivry-sur-Seine, en région parisienne, symbole de modernité, à laquelle le célèbre astronaute Youri Gagarine, premier homme ayant été dans l’espace, a donné son nom, après l’avoir inaugurée, en juin 1963. Détruite depuis peu pour laisser place à de vastes projets de rénovation urbaine, le premier film de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh traduit leur volonté de donner suite à leur court-métrage "Gagarine" (2016), dans lequel ils montraient le visage de cet endroit, stigmatisé, à l’orée de sa destruction, et donc des habitants, peu à peu relogés, eux qui allaient alors perdre leurs souvenirs, leur pied-à-terre, leurs histoires familiales, au profit de la transformation, de la modernisation. Tourné en ces lieux pendant que le premier coup de pelleteuse fut donné le 31 août 2019, sous les yeux des anciens habitants, leur film "Gagarine" met en scène un jeune homme appelé Youri, dont l’histoire et le rêve (né à cet endroit) sont nourris du passé héroïque du nom de la cité. En effet, ce dernier souhaite devenir astronaute, lui qui fait d’ailleurs ici de la résistance en construisant (avec l’aide de deux amis) un vaisseau spatial dans l’une des ailes du bâtiment vêtu de briques rouges, et cela avec tous les objets qu’il trouvera autour de lui, alors que ce dernier a été évacué de ses habitants...
Spécial, "Gagarine" est un film social pour le moins étrange, en apesanteur, entre réalisme et onirisme, étant donné d’une part son propos social très contemporain, et d’autre part les nombreuses envolées spatiales qu’il met en scène, au regard du double monde dans lequel vit son protagoniste principal, lequel refuse ainsi de voir à la fois disparaître ses souvenirs, et ses rêves d’enfance. Rempli de dualité, et en plein chemin de deuil vers une (re)naissance, ce personnage représente en quelque sorte une jeunesse, une population en pleine transformation, en pleine perte de son équilibre établi, entre espace réel et espace du rêve, laquelle doit alors tirer un trait sur son passé. Un certain travail du son appuie également ici la passion du jeune homme pour l’espace, tandis que son traitement symbolise aussi la vie, puis la mise à mort de cette cité, passant ainsi d’un bouillonnement, au silence, ses habitants étant expulsés de leurs murs pour l’inconnu du cosmos...
Au regard de Youri, ayant autant la tête dans la cité que dans les étoiles, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh n’hésitent pas ainsi à insuffler de l’imaginaire à cette histoire, au contexte pourtant très terre-à-terre, ce qui lui confère ainsi beaucoup de poésie. Mais ce mélange pourrait en déconcerter plus d’un, lui qui chasse, malgré lui, une émotion pour une autre.