Synopsis : Margaux a perdu son mari et commence une nouvelle vie. Elle s’installe chez sa sœur et s’inscrit à l’université pour reprendre des études de littérature. Mais rapidement, elle ressent le besoin d’autres émotions. Elle part en quête d’amour, au risque de s’y perdre...
Acteurs : Emmanuelle Béart, Vincent Dedienne, Tibo Vandenborre, Eva Ionesco
Pour son premier long métrage, Ludovic Bergery nous offre une réflexion sur un beau personnage d’une femme qui vient de perdre son mari. Peut-elle faire le deuil d’une relation passée et qui n’avait plus la fougue des jeunes années (comme on l’apprendra lors d’une confidence) et peut-on retrouver cette fougue lorsque l’on est à quelques années de la soixantaine. Et si "L’étreinte" nous parle de séduction, le film qui en rend compte arrive à vraiment nous séduire... pendant sa première moitié. En effet, à ce moment le film se déploie dans du grand n’importe quoi (qui culmine dans l’épisode des Russes... on n’en écrira pas plus pour ne pas spoiler, mais le spectateur comprendra à ce moment que le film est passé en survitesse pour le pire, hélas.
L’étreinte doit beaucoup à ses acteurs. Emmanuelle Béart, en veuve encore séduisante qui se confronte à des jeunes dans une classe où elle se met à la découverte de la langue et de la littérature allemande. On pourrait regretter que Emmanuelle Béart - Margaux soit trop Emmanuelle Béart à l’écran, comme si l’actrice vampirisait Margaux, mais son jeu est malgré tout agréable à voir, d’autant que le réalisateur arrive à la magnifier dans les scènes amoureuses et sexuelles, tout comme il magnifie également les corps de jeunes gens et jeunes filles, notamment lorsqu’ils sont nus dans la scène de la piscine. Et justement cette scène est très éclairante, façon de parler, puisque Margaux reste dans l’ombre et regarde, scrute, observe, pense, réfléchit, se morfond peut-être, tandis que les jeunes se trouvent eux dans une semi-clarté, pour quitter l’eau, nus et faire l’amour. Bien sûr l’on pourra se dire que cette camaraderie entre de jeunes étudiants et une dame proche de 60 ans manque de crédibilité, mais peu importe, car elle sert d’amorce pour la prise de conscience par l’héroïne qu’elle peut se laisser aller à la découverte de son corps.
Et notamment grâce à Till Rosensthiel, son professeur d’allemand, fringant quinquagénaire, interprété par le belge Tibo Vandenborre, la cinquantaine, dont elle va s’éprendre... Mais, si tous deux ont l’âge "qui convient" selon les normes sociales puisque quelques années seulement les séparent, lorsqu’ils passent à l’acte, Till la délaisse, la trouvant "trop adolescente". C’est justement, en s’ajustant au modèle des jeunes qui l’entourent, Margaux n’est plus elle-même, sont corps réagit comme celui des modèles qui ont titillé sa libido et l’ont libérée sans qu’elle prenne la mesure de ses limites et de la réalité.
Yannick Choirat (qui a perdu les dix kilos qu’il avait dû prendre pour jouer Victor Hugo dans la mini-série éponyme !) interprète Gaston (un prénom que Margaux ne connaîtra qu’après plusieurs rencontres avec lui). La quarantaine assumée sans complexes et qui ne désire que du sexe, rien de plus. Et puis on s’en va, s’en s’attacher. Au risque d’être vulgaire, pour le personnage de Gaston, ce qui importe, c’est de "baiser" et l’on ne s’attarde pas à prendre un verre ni à rester au lit après l’amour, encore moins passer la nuit. L’on verra plus loin dans le film que là aussi il y aura une bascule dans l’intrigue ; et c’est aussi le moment où celui-ci passe dans le mode "cela devient n’importe quoi" dont hélas il ne sortira plus avant la dernière scène qui nous ramène à ses premières intuitions.
Et cela, grâce à Aurélien, un des étudiants qui suivent les mêmes cours que Margaut. Il est gay, le confie à celle-ci en lui demandant de ne pas en parler à ses condisciples. Un des beaux rôles du film, interprété par Vincent Dedienne (lui aussi gay dans la vraie vie et à qui on ne pourra donc pas reprocher de jouer ce qu’il n’est pas... petite pique à l’égard des nouvelles normes éthiques qui voudraient que les trans soient joués par des trans, les gays par des gays... et l’on verra d’ailleurs dans A perfectly Normal Family que l’acteur cisgenre Mikkel Boe Følsgaard interprète un père de famille transsexuel de façon remarquable). Plutôt que de sombrer dans le grand guignolesque le réalisateur et co-scénariste aurait dû développer ce personnage de confident. Un confident gay comme certaines femmes peuvent rêver. A qui elles peuvent tout dire sans se sentir jugées parce qu’il n’y a pas l’arrière-pensée de la séduction pour aller plus loin. Et ici, Aurélien peut pousser Margaux à la confidence, très loin, sur le plus intime, mais aussi la conseiller, lui donner des pistes pour se réaliser et, au terme d’un voyage vers elle-même (malgré, hélas, de nouveau, le virage du milieu du film vers le n’importe quoi) revenir et trouver l’oreille attentive et un compagnon capable de comprendre et d’éclairer. Dommage donc que Ludovic Bergery n’ait pas donné plus de corps et d’importance à ce personnage. Cela aurait enrichi le film et humanisé plus encore son héroïne plutôt que de l’envoyer dans un mauvais vaudeville... hors de la ville.