Synopsis : Emma, une adolescente, grandit au sein d’une famille tout à fait ordinaire jusqu’au jour où son père Thomas décide de devenir Agnete, une femme. Ce bouleversement au sein de cette famille aimante conduit chacun à se questionner et à se réinventer…
Acteurs : Mikkel Boe Følsgaard, Jessica Dinnage, Hadewych Minis, Kaya Toft Loholt
Si l’équipe de football du Danemark nous surprend (cette critique est écrite durant l’Euro 2021 !), il en est de même pour la réalisatrice danoise Malou Reymann qui nous offre un film simple et émouvant sur la transidentité. Elle puise dans ses propres racines familiales puisque l’histoire de Thomas/Agnete est celle de son père. C’est ici le premier long métrage de l’actrice (et réalisatrice de plusieurs courts-métrages de 2010 à 2016).
C’est l’histoire d’une famille ordinaire qui est un jour confrontée à l’annonce par le père qu’il veut devenir une femme. Il est en phase de transition et demande qu’on l’appelle Agnete. Le film nous propose un regard d’enfant(s) et, essentiellement celui d’Emma au seuil de l’adolescence (sa cadette est à la fin de celle-ci). Il n’y aura pas de regard spécifique de et sur l’épouse, celle-ci se sépare de son mari (qui désormais n’est plus "il", mais "elle" !) et les filles passeront leur temps en alternant entre les deux parents.
Ce ne sera donc pas la transition puis la nouvelle identité d’Agnete qui seront au coeur de l’intrigue, mais bien la façon dont les enfants la perçoivent, notamment par rapport aux regards extérieurs. Le tout sans misérabilisme, sans revendication, sans scènes dramatiques. C’est un fait qu’elle montre à l’écran, sans démontrer quoi que ce soit. C’est banal donc.
Il n’empêche que pour Emma qui joue dans une équipe de football, ce n’est pas simple. Par rapport à son équipe qui a vu son père la soutenir quand il était homme et qui voit débouler Agnete en robe, élégante, parce qu’il/elle a oublié de lui remettre quelque chose. Les enfants voient, les parents aussi. Il y aura bien sûr des réflexions, parfois un peu grivoises, mais de nouveau ce n’est pas le centre d’intérêt du film. Si la soeur ainée n’a pas de problème à voir "Agnete", ce sera très difficile pour Emma. Et, d’une certaine façon, le parcours du film est celui d’Emma (probablement la réalisatrice dans la vraie vie) qui passera du déni à l’acceptation.
A ce sujet, il faut mettre en avant le "dévoilement" de Thomas/Agnete lors d’une séance de thérapie avec la famille réunie. Emma s’est voilé la face avec une écharpe. Elle ne peut pas, ne veut pas voir son père devenu "elle". La caméra est fixe derrière l’enfant et nous ne voyons pas non plus Thomas/Agnete. Il faudra le temps, du temps pour qu’elle enlève son écharpe, qu’elle enlève le voile devant ses yeux (et le nôtre) pour découvrir pour la première fois Agnete en robe.
Si Malou Reymann ne propose pas dans son film un plaidoyer sur la transidentité, elle nous invite à réfléchir aux questions de genre qui sont aujourd’hui d’actualités, notamment par rapport aux dispositions prises par des gouvernements de droite, y compris en Europe, mais également du fait du poids écrasant des interdits et tabous des religions monothéistes qui sont très loin d’avancer en ce domaine, y compris les religions chrétiennes, bien loin d’avoir une attitude évangélique !
Par ailleurs le film doit beaucoup à l’interprétation magistrale de Thomas/Agnete dont on se demande durant tout le film si le personnage du "père" n’est pas interprété par une actrice transsexuelle. Il il n’en est rien ! Mikkel Boe Følsgaard est un acteur cisgenre et il habite à merveille le rôle qu’il joue, il donne une "corporéité" et une féminité à son personnage de façon criante de vérité. Une interprétation qui devrait clore les réflexions actuelles qui mettent en doute l’interprétation de personnages par des acteurs dont ils n’ont pas le genre du rôle.