Genre : Action, thriller
Durée : 87’
Acteurs : Benjamin Lavernhe, Kyan Khojandi, Sara Giraudeau, Julia Piaton, François Morel, Guilaine Londez, Sarah Suco, Sébastien Chassagne...
Synopsis :
Adrien est coincé. Coincé à un dîner de famille où papa ressort la même anecdote que d’habitude, maman ressert le sempiternel gigot et Sophie, sa sœur, écoute son futur mari comme s’il était Einstein. Alors il attend. Il attend que Sonia réponde à son sms, et mette fin à la « pause » qu’elle lui fait subir depuis un mois. Mais elle ne répond pas. Et pour couronner le tout, voilà que Ludo, son futur beau-frère, lui demande de faire un discours au mariage… Oh putain, il ne l’avait pas vu venir, celle-là ! L’angoisse d’Adrien vire à la panique. Mais si ce discours était finalement la meilleure chose qui puisse lui arriver ?
La critique de Julien
"Le Discours", c’est l’adaptation du roman du même nom de Fabrice Caro, paru en 2018. Tombé amoureux du travail de l’auteur avec sa bande dessinée à succès "Zaï zaï zaï zaï" publiée en 2015, Laurent Tirard ("Le Retour du Héros", "Le Petit Nicolas") souhaitait adapter son travail, sauf que les droits de son œuvre étaient déjà pris. Le cinéaste a alors sauté sur son nouveau roman "Le Discours", lequel a "senti qu’une musique s’en dégageait", et qu’il était possible d’en faire un film. Le résultat est aujourd’hui visible en salles, dans comédie française particulière, au travers de laquelle le cinéaste prend donc des risques.
Écrit de façon non-linéaire, la narration du roman résulte des pensées de son narrateur, Adrien, la quarantaine déprimée, alors attablé avec sa petite famille, imaginant les discours improbables qu’il devra faire au mariage de sa sœur, tout cela en attendant désespérément une réponse au message qu’il vient d’envoyer à son ex. Souhaitant rester fidèle à l’œuvre originelle, Laurent Tirard a alors construit un récit tout aussi déstructuré, en le rendant cependant moins littéraire, et plus cinématographique, le tout en deux mois d’écriture, seulement. De ce point de vue, "Le Discours" est un véritable exercice de style, au travers duquel Benjamin Lavernhe ("Mon Inconnue", "Le Sens de la Fête"), de la Comédie-Française, est quasiment de tous les plans du film, lui qui passe ici de monologues face caméra, comme s’il nous parlait, à des dialogues réels la seconde d’après avec les personnages partageant sa scène, ou encore à voix-off… Car oui, "Le Discours" emprunte un itinéraire de mise en scène peu commode, et même casse-gueule, mais particulièrement audacieux. On n’ose ainsi imaginer le travail derrière les scènes où les acteurs sont à table, et où, tout d’un coup, l’acteur principal se tourne vers nous, pour nous parler, tandis que les autres acteurs continuent quant à eux d’interagir entre eux, en détimbrant légèrement leur voix, de manière à ce que Adrien se déconnecte alors du présent, le temps d’une pensée, d’une question qu’il se pose, d’un souvenir qui le traverse, d’une anecdote. Sans parler des arrêts sur-image, réalisés sans trucages (si ce n’est quelques clignements d’œil effacés), permettant également au héros de l’histoire de se noyer dans ses élucubrations.
"Le Discours", en plus d’être parfaitement interprété et porté par le sympathique et magistral Benjamin Lavernhe, se met alors en scène de manière originale, cherchant constamment la bonne distance avec le spectateur, afin d’établir une complicité, mais sans la trouver véritablement. Il est vrai qu’à force de variations, et de modes d’échanges cinématographiques différents, ce récit nous perd un peu, et nous fatigue même, empêchant l’émotion de jouer, et l’empathie de se construire. Car il faut bien dire que le ton impudent et désabusé du personnage principal finit par doucement agacer. Qu’importe, "Le Discours" nous parle, à sa façon, de la famille et de la communication sinueuse entre pair, des non-dits et silences respectueux empêchant finalement l’harmonie des cœurs, mais également du chagrin amoureux (et d’un point de vue masculin, s’il vous plait, ce qui n’est pas non plus coutumier). Jusqu’à cette scène, et discours final, libérateur et taquin, amené avec autant de sincérité que d’humanité, ce qui reflète plutôt bien cette comédie.