Synopsis : L’enfance, l’âge adulte et la vieillesse de cinq sœurs nées et élevées dans l’appartement d’un immeuble de la banlieue de Palerme. Une maison qui porte les signes du temps qui passe comme ceux qui y ont grandi et ceux qui y vivent encore. L’histoire de cinq femmes, d’une famille, de celles qui partent, de celles qui restent et de celles qui résistent.
Actrices : Donatella Finocchiaro, Simona Malato, Viola Pusateri, Serena Barone, Laura Giordani
Les fans de cinéma italien se souviendront peut-être du film précédent d’Emma Dante, Una via a Palermo (Via Castellana Bandiera) sorti en 2014, son premier film pour le grand écran, sorti en 2014. Une histoire de deux voitures (et surtout de leurs occupant·e·s !) qui s’engagent dans une rue très étroite, et se retrouvent face à face. Aucune voiture ne veut se retirer pour que l’autre puisse passer, chacun et chacune campant sur ses positions et encouragé·e·s par les voisin·e·s et ami·e·s ! Une sorte de duel à mort qui durera toute la journée et la nuit, sans dormir, sans boire, sans se nourrir (ou seulement de la haine qui s’accumule et s’amplifie grâce ou à cause de celle de l’autre). Vingt-quatre heures donc concentrées dans ce film qui marquait déjà les esprits à l’époque, une historie de petits esprits donc, de mesquineries également.
L’an dernier, le deuxième long d’Emma Dante aurait dû sortir sur les écrans. Cette fois-ci, ce sont des portraits de 5 femmes, de l’enfance jusqu’à la vieillesse, voire la mort qui nous sont proposés. Nous sommes donc très loin, aux antipodes du précédent, même si ici aussi les portraits (de femmes) vont nous donner à voir de multiples facettes de l’humanité.
De l’enfance à la vieillesse en passant par l’âge adulte, ce sont treize actrices, tout étonnantes et détonnantes dans l’interprétation de leurs personnages qui vont donner corps à ceux-ci. Treize et non pas quinze, car, au terme du récit, il y aura à faire le deuil de l’une des sœurs et l’on découvrira aussi, au fil du récit, par allusion en flashbacks qu’un drame est survenu très tôt qui fait qu’au film du temps l’on passe de cinq à quatre puis à trois. Difficile d’en dire plus tant il faut laisser à l’histoire d’advenir. Une histoire qui prend délibérément le temps de se déployer, de découvrir les interactions entre les sœurs, les complicités et les rivalités. Et justement le temps qui passe, qui s’écoule peut donner l’impression au spectateur qu’il ne se passe rien ou du moins, que ce qu’il voit à l’écran semble bien banal, comme s’iil ne voyait que la banalité du quotidien, de ces jours qui passent et se terminent en ce demandant ce que l’on fait de sa journée. A tel point que l’on pourrait être tenté de quitter la salle en se demandant dans quoi la réalisatrice nous a embarqué... Tentation à laquelle il faut absolument résister car ces portraits ne pourront se comprendre, se lire et se relire qu’au terme du récit qui laissera plus d’un en sidération, lorsque l’on quittera la maison et ses pigeons.
La maison, ou plus exactement un appartement à l’étage, est importante, car elle structure tout le récit qui, sans être un huis clos, y trouve un cadre pour y intégrer les sœurs. Et si les sœurs vieillissent, il en est de même de l’appartement que l’on voit changer au fil des époques, devenir terne, grisâtre, sans joie. Des époques qui auront commencé par les enfants sans adultes. Nous ne saurons pas grand-chose du pourquoi (sont-elles orphelines ?) mais c’est de peu d’importance, l’on comprend qu’elles doivent se débrouiller.
Et, à ce titre, les pigeons jouent un rôle, car l’appartement révèle un columbarium. Les sœurs louent des pigeons pour des mariages (certains ont pris des couleurs grâce à des colorants mis dans les graines, au risque d’en faire mourir quelques-uns). Et ce local est aussi un endroit qui pourra montrer au spectateur des scènes qui seront rappelées des années plus tard grâce à des objets par exemple.
C’est un regard empli de nostalgie et de tendresse que la réalisatrice nous propose. Une lumière mais étriquée, à l’image de ces enfants qui, au début du film, creusent un trou dans le mur pour avoir une vue sur la mer à l’extérieur, une chambre avec vue en quelque sorte, ouverture que l’on retrouvera également à la fin du récit, et que nous quittons avec tristesse cet appartement vidé de son contenu et de ses habitantes.