Synopsis : Lily (Susan Sarandon) et son mari Paul (Sam Neill) décident de réunir enfants et petits-enfants pour un week-end dans leur maison de campagne. Trois générations d’une même famille se retrouvent, avec Jennifer (Kate Winslet), l’aînée, son mari Michael (Rainn Wilson) et leur fils de 15 ans, Jonathan (Anson Boon), mais aussi Anna (Mia Wasikowska), la cadette, venue avec Chris, sa compagne (Bex Taylor-Klaus) ainsi que Liz (Lindsay Duncan), l’amie de jeunesse de Lily. En fait, cette réunion de famille a un but bien particulier : atteinte d’une maladie dégénérative incurable, Lily refuse de subir une fin de vie avilissante et décide de prendre son destin en main. Mais tout le monde n’accepte pas cette décision. Non-dits et secrets remontent à la surface, mettant à l’épreuve et redessinant tous les liens qui unissent les membres de cette famille, alors que le temps des adieux approche...
Acteurs : Susan Sarandon, Kate Winslet, Mia Wasikowska, Sam Neill, Rainn Wilson, Lindsay Duncan
Le réalisateur sud-africain Roger Michell avait marqué les esprits il y a vingt ans avec la comédie romantique Coup de foudre à Notting Hill. Il y eut ensuite, parmi la quinzaine de films qu’il a réalisé Un week-end à Paris en 2013 et My Cousin Rachel en 2017. Ensuite, ce Blackbird qui surprend positivement tant pour le thème abordé que pour l’interprétation excellente par un casting qui l’est tout autant ! Et il faut y ajouter un dernier "personnage", la belle et moderne maison située près de la mer.
A première vue l’on a songé à August : Osage County de John Wells (2013), mais sans l’aspect comédie et sans les exagérations et le caractère forcé du film (malgré, là aussi, l’excellence des interprètes). En effet, la réunion des différents membres d’une famille lors d’un week-end était l’occasion d’exacerber les tensions entre les uns et les autres et de faire advenir au langage le non-dit des uns et des autres, en quelque sorte l’inter-dit de leurs relations. Mais la situation et la nostalgie induite par le film en amenaient un autre à l’esprit The Dead (Gens de Dublin) de John Huston, son "film-testament" de 1987 ! Il ne s’agit certes pas de comparer des films et des réalisateurs qui ne peuvent l’être, mais plutôt de souligner cette impression de douce mélancolie, de tristesse assumée qui reste au coeur longtemps après la vision de Blackbird.
Le thème (un remake du film danois Stille Hjerte de Bille August) est traité "à l’américaine", c’est dire que c’est moins fin, probablement plus caricatural que l’original, mais c’est pondéré par le fait que le réalisateur soit anglo-saxon. Celui-ci ne tombe pas dans les pièges habituels même si certaines situations sont probablement convenues, si la question de l’euthanasie/suicide assisté est délicate et qu’il est difficile de traiter cela en un film et même un week-end. Roger Michell a eu la sagesse de garder le même scénariste Christian Torpe.
Comment dire adieu lorsque la mort décidée, programmée, avant que l’évolution de la maladie de Charcot empêche de la réaliser ? Sinon, peut-être en fêtant Noël avant l’heure en ce week-end de fin d’été ? Comment lâcher prise ? Mais aussi comment accepter ? Il ne sera pas ici question de l’aspect religieux (et le prêtre se retire ici pour laisser place au critique cinéphile), mais profondément humain. Les uns et les autres sont attachés, sont aimants, mais peut-on faire abstraction de sa propre perte lorsque vient volontairement faire en sorte que celle-ci advienne ? Loin d’être trivial, le film aborde avec beaucoup d’humanité, de sensibilité les questions, les doutes, les dilemmes des uns et des autres. Comment gérer l’aspect légal ? Et finalement est-ce l’un ou l’autre n’a pas intérêt à cette mort ? Avant même toute question de conformité à ses éventuels principes religieux, chacun·e pourra voir dans les différents interprètes les questions que l’on peut (se) poser, les difficultés de prendre position, la façon de réagir, de se rebeller, d’accepter ou pas. Depuis quelque temps ces questions sont prégnantes dans la sphère publique pour traiter de la légalité de la chose (dans le film le suicide assisté/euthanasie est illégal). Blackbird, même s’il prend position et pourra paraitre orienté et, en quelque sorte "politique" pose des questions. Grâce à d’excellentes actrices (et acteurs) il ouvrent un espace de réflexion, tant au coeur du film qu’après sa vision. Il permet ainsi de faire advenir une parole sur un tabou, celui de la fin de vie volontaire. C’est traité avec humanité, beaucoup de respect et mérite largement d’être vu, au-delà ou en deçà de nos "inter-dits" religieux !