Signe(s) particulier(s) :
– premier long métrage du duo de réalisateurs formé par Gerard Bush et Christopher Renz, connus pour leur travail publicitaire engagé dans la lutte pour la justice sociale, lesquels avaient déjà réalisé ensemble plusieurs courts métrages ;
– "Antebellum" signifie littéralement "avant la guerre" en latin.
Résumé : L’auteure à succès Veronica Henley se retrouve piégée dans un monde effroyable dont elle doit percer le mystère avant qu’il ne soit trop tard.
La critique de Julien
"Antebellum", c’est avant tout un terme latin décrivant généralement un laps de temps menant à une guerre, lequel est plus communément utilisé pour parler de l’époque d’avant-guerre de Sécession (1861-1865), et à l’âge de l’esclavage en particulier. C’est aujourd’hui le titre du premier film des méconnus Gerard Bush et Christopher Renz, co-produit par certains producteurs derrière les films "Get Out" (2017) et "Us" (2019) de Jordan Peele, tel que nous l’apprend l’affiche officielle du film. On peut alors également y voir le visage inquiété de Janelle Monáe, laquelle tient ici son premier rôle principal dans un long métrage, et pas n’importe lequel. Il s’agit en effet d’un double rôle, soit d’une part celui d’Eden, une esclave noire malmenée par des soldats confédérés, dans une plantation de coton en Louisiane, au XIXe siècle, ainsi que celui de Veronica Henley, une femme afro-américaine des temps modernes, et sociologue féministe de renom, voyageant pour la promotion de son nouveau livre, contre la société de patriarcat. Mais quel est donc cet étrange lien qui unit ces deux femmes ?
Alors que le film s’ouvre sur la citation bien choisie de William Faulkner, "Le passé n’est jamais mort, il n’est même pas passé", qui devrait d’ailleurs plaire à un certain Christopher Nolan, "Antebellum" nous immerge dans une des plantations telles qu’on pouvait en trouver durant ce sombre épisode de l’histoire d’Amérique, filmée ici en décors réels à la plantation Evergreen, située sur la rive ouest du Mississippi, à la Nouvelle-Orléans. Les réalisateurs filment alors un plan-séquence absolument sublime, alors que leur caméra traverse ce lieu où les esclaves sont traités durement et ne sont pas autorisés à parler sans en avoir l’autorisation, alors que ceux qui tentent de s’échapper sont tués, et leurs corps brûlés dans un crématorium. Filmée à la tombée du jour, cette scène révèle une photographie aux somptueuses couleurs, tandis que la musique laisse place à des violons qui s’intensifient au plus la caméra capte au ralenti une tentative d’échappatoire d’une esclave. Cette scène, plutôt forte, bien qu’excessive, rappelle évidemment le film de Steve McQueen, "12 Years a Slave" (2013), tout comme la majorité de la première partie du film, mettant en scène le personnage principal de Janelle Monáe, Eden, alors en pleine réflexion quant à sa future fuite. Puis, au détour d’un cauchemar, celle-ci se réveillera dans la peau de Veronica Henley. Mais comment, et pourquoi ?
Les scénaristes (qui sont aussi les réalisateurs) nous plongent alors dans un double portrait de femmes, et la nature de leur lien, lesquels en jouent, mais décident de garder le secret le plus longtemps possible, bien qu’ils nous dévoilent des indices très (trop) succincts, et bien trop maigres. D’ailleurs, difficile de s’intéresser pleinement à ces deux personnages, la faute à un rythme non tenu (on passe trop de temps dans chaque période), à une écriture déjà vue, qui manquent en plus longtemps d’enjeux et d’antagonistes plus nuancés, au sein d’un film faussement horrifique, sauvé finalement (ou non) par son montage. Car finalement, est-ce que cette orchestration en vaut la chandelle ? On aurait tendance à dire non...
Outre toute la bonne volonté de montrer par un tour de passe-passe comment l’esclavagisme a laissé de profondes plaies béantes causant aujourd’hui des tensions raciales qui secouent les Etats-Unis, "Antebellum" échoue à concilier le fond et la forme. En effet, la révélation en question amène à un dernier tiers extrêmement convenu dans le genre, peu crédible, et même grandiloquent, lequel répond certes à la majorité de nos questions, mais laisse comme un goût de trop peu, comme si nous avions été trompé sur la marchandise. Alors oui, certains y trouveront leur compte, et même quelques réjouissances par divers effets, mais nous, nous n’avons pas été dupe. Or, on aurait bien aimés...
Par sa construction bancale et ses excès de zèle, "Antebellum" déforce ses messages, lequel s’avère davantage un thriller social où l’histoire et le présent s’alignent vainement, plutôt qu’un film d’horreur au suspens soutenu. Bref, c’est une déception qu’on a déjà oubliée.