Signe(s) particulier(s) :
– treizième et dernier film de l’univers "X-Men" lancé en 2000 par Bryan Singer, lequel était initialement prévu pour avril 2018, avant de connaître de nombreux changements de dates de sortie, notamment suite au rachat de la Fox par Disney, par le planning de sorties concurrentiel du studio - "Deadpool 2" (mai 2018) à "X-Men Dark Phoenix" (juin 2019), et enfin en raison de la crise du COVID-19.
Résumé : Rahne Sinclair, Illyana Rasputin, Sam Guthrie et Roberto da Costa sont quatre jeunes mutants retenus dans un hôpital isolé pour suivi psychiatrique. Le Dr Cecilia Reyes, qui estime ces adolescents dangereux pour eux-mêmes comme pour la société, les surveille attentivement et s’efforce de leur apprendre à maîtriser leurs pouvoirs. Lorsqu’une nouvelle venue, Danielle Moonstar, rejoint à son tour l’établissement, d’étranges événements font leur apparition. Les jeunes mutants sont frappés d’hallucinations et de flashbacks, et leurs nouvelles capacités - ainsi que leur amitié – sont violemment mises à l’épreuve dans une lutte effrénée pour leur survie.
La critique de Julien
Film maudit, "Les Nouveaux Mutants" est passé par toutes les cases inimaginables en (post-)production avant de pouvoir enfin débarquer, par miracle, dans les salles obscures, cette semaine-ci, mais en catimini. Réalisé par Josh Boone ("Nos Étoiles Contraires"), ce dernier film issu de l’univers "X-Men" était d’ailleurs attendu au tournant. Et pour cause, il devait être, selon les mots de son réalisateur, en mai 2017, "un pur film d’horreur à l’intérieur de l’univers X-Men", inspiré bien évidemment par l’histoire des Nouveaux Mutants, publiée pour la première fois dans le roman graphique Marvel n°4 en 1982, dont Boone et sa coscénariste Knate Lee étaient fans. Après avoir vu sa date de sortie postposée sur plus de deux années, et notamment suite au rachat de la 21st Century Fox par Disney, ayant au moins permis à son cinéaste et ses monteurs de conserver leur propre vision du film, ce spin-off était donc censé se démarquer des autres films de la franchise, et apporter donc sa touche personnelle à l’univers des mutants, issus des publications de l’éditeur Marvel Comics. Pourtant, s’il n’est pas le naufrage auquel on s’était préparé, "Les Nouveaux Mutants" semble avoir perdu des plumes en chemin, laissant au passage son identité au placard.
Espéré un temps être rattaché au MCU (peu probable tout d’abord qu’une suite voit le jour, et encore moins sachant que Disney possède dorénavant les droits des personnages "X-Men"), le développement du film avait déjà subi de moult changements, et notamment dans la distribution des rôles, et cela après les échecs de "X-Men : Apocalypse" (2016) et de "X-Men : Dark Phoenix" (2018). Exit donc les personnages du Professeur Xavier (James McAvoy) et de Tornade (Alexandra Shipp), qui devaient initialement revenir ici, tandis que Jon Hamm avait été engagé pour incarner Mister Sinistre (aussi appelé Nathaniel Essex), un ennemi de longue date des mutants, lequel avait d’ailleurs tourné une scène post-générique, avant d’être coupée au montage, fin mars 2018, tandis qu’Antonio Banderas avait été un temps annoncé dans le rôle du nouveau super-vilain, Emmanuel da Costa, père de Roberto Da Costa, l’un des cinq nouveaux mutants, en remplacement donc de Mister Sinistre. Sauf que l’acteur n’a finalement jamais tourné ces scènes. Bref, "Les Nouveaux Mutants" a donc volontairement été éloigné de l’univers "X-Men" pour en faire un film hybride, soi-disant horrifique, alors qu’il n’en est rien, lui qui est plutôt ce que l’on qualifierait de "teen-mutants-movie". On vous explique.
Alors que la première bande-annonce, dévoilée en octobre 2017 (!), tenait ses promesses en misant sur l’aspect peu accueillant, voire effrayant du lieu de l’action, en filmant notamment ses sombres et longs couloirs, mais aussi un cimeterre, tout comme le traitement expérimental peu commode infligé à ses pensionnaires, victimes en plus, semble-t-il, d’étranges apparitions, et tout cela sous le son du titre "Another Brick in the Wall, Part 2" de Pink Floyd, on aurait espéré que le final cut lorgne davantage dans cette direction, tout en réussissant à nous présenter ses différents personnages, et surtout l’objet de leur présence dans cet endroit, forcément lié aux mutants. Mais à quel(s) niveau(x) ?
Après une introduction où la jeune Danielle Moonstar (Blu Hunt) voit sa réserve amérindienne Cheyenne se faire attaquer par quelque chose de bien plus gros qu’elle, cette dernière va dernière se révélera dans un mystérieux hôpital psychiatrique, situé au plus près à "trente kilomètres de la première ville". Elle y fera alors la connaissance d’autres détenus, dont Illyana Rasputin (Anya Taylor-Joy), Rahne Sinclair (Maisie Williams), Sam Guthrie (Charlie Heaton) et Roberto Da Costa (Henry Zaga), lesquels sont retenus contre leur volonté dans ce lieu, entouré par un champ de force infranchissable, eux qui sont alors pris en charge par le docteur Cecilia Reyes (Alice Braga), qui les surveille non-stop, et leur affirme que pour pouvoir quitter l’établissement, ils doivent apprendre à maîtriser leurs pouvoirs, lesquels peuvent être une menace pour eux et pour la société. Sauf que l’arrivée de Danielle va comme enclencher chez chacun des jeunes mutants des hallucinations et autres flash-back, relatifs à leurs plus grandes peurs, inquiétant Reyes et la société qui l’emploie...
Ce n’est donc pas l’hôpital qui est hanté, mais bien ses protagonistes ! Car autant dire tout de suite que "Les Nouveaux Mutants" n’est pas le film horrifique et d’épouvante promis ! Loin de là ! Et c’est d’autant plus triste que l’on ne découvre pas grand-chose de cet endroit, pourtant intriguant, et que l’on pensait riche en secrets. Or, si ce ne sont quelques allusions et échanges succins, rien ou presque ne justifie l’hostilité de cet endroit, l’horreur venant elle-même des personnages, et de leurs démons intérieurs, que quelque chose va réveiller. Dès lors, la bouée de sauvetage, c’est d’en avoir assez dans le sachet pour réussir à soigner les portraits respectifs, ce qui n’est malheureusement pas le cas. À vrai dire, en nonante-quatre minutes top-chrono de film, difficile de prendre le temps de caractériser avec équité cinq mutants, le film se suffisant d’une part à nous faire découvrir leurs pouvoirs, mais à animer aussi leurs premiers ébats sentimentaux et sexuels, et enfin à nous montrer comment ils vont, ensemble, parvenir à contrer la véritable menace (prévisible) qui plane au-dessus de leur tête. Et on est d’autant plus frustré que certains d’entre eux sont sacrifiés, tels que Sam, Roberto et l’antagoniste, au profit d’autres, dont Danielle "Dani" Moonstar, dont on ne dira rien d’autre, ou encore Illyana Rasputin, capable de voyager à travers les limbes et de conjurer l’épée de l’âme (le Soulsword), elle qui est toujours accompagnée d’une marionnette de dragon violet nommée Lockheed, et terrorisée par des créatures appelées les Smile Men. Mais le montage ne trouve jamais le ton juste pour faire évoluer ses personnages face à leurs peurs viscérales, lui qui, charcuté et recollé, ne cesse de passer d’un personnage à l’autre, sans autre but que celui d’essayer d’effrayer le spectateur par le traitement en surface des peurs viscérales de ses personnages. Le spectateur se retrouve alors ballotté d’un segment narratif à l’autre, sans véritable profondeur, ni nuance, malgré la complexité des personnalités en question, et surtout sans aucune peur de sa part, le tout avant un final des plus classiques dans le genre, bien que visuellement intéressant, étant donné certains pouvoirs impressionnants, et monstres convoités. Et puis, c’est vrai qu’on ne peut pas reprocher au film d’avoir essayé quelque chose de différent, tant au niveau de l’atmosphère, que du traitement de ses mutants. Mais "Les Nouveaux Mutants" se regarde sans grande passion, lui qui n’invente finalement rien, et ne parvient pas à donner un nouveau - et sans doute dernier - souffle à la franchise débutée il y a vingt ans par Bryan Singer.
S’il reste correct en termes de divertissement typé pour adolescents, venus gentiment frissonner en salles, "Les Nouveaux Mutants" passe à côté de ses objectifs, sans réelle personnalité ni aboutissement, lui qui a grandement souffert d’une genèse extrêmement difficile. Reste à savoir maintenant si l’on aura droit un jour aux "Re-nouveaux Mutants", d’autant plus que les "X-Men" appartiennent dorénavant à Disney, après leur avoir fait beaucoup de mal...