Signe(s) particulier(s) :
– basé sur le roman "Donnybrook" (2012) de Frank Bill ;
– quatrième film du cinéaste américain Tim Sutton, sorti initialement en 2018, lui qui en a déjà réalisé deux autres depuis, dont "Funny Face" (2020) et "The Chain", actuellement en pré-production.
Résumé : Ex-marine, Jarhead est un père désespéré. Non seulement il est prêt à tout pour nourrir ses enfants, mais c’est aussi un combattant redoutable. Le Donnybrook, un tournoi de combat à poings nus qui se déroule dans les forêts de l’Indiana, consitue pour lui une chance unique d’accéder à une vie meilleure. Le prix accordé en espèces au gagnant résoudra tous ses problèmes, il en est convaincu. Chainsaw Angus, de son côté, a raccroché les gants depuis longtemps. Cette légende des combats clandestins, jusqu’alors invaincue, s’est reconvertie avec sa soeur, Liz, dans la fabrication de méthamphétamine. Le Donnybrook sera le lieu de leur perdition... ou de leur rédemption.
La critique de Julien
Projeté pour la première fois au Festival International du Film de Toronto en septembre 2018, "Donnybrook" débarque enfin chez nous, en VoD, lequel nous plonge dans l’Amérique profonde de Trump, et plus précisément dans l’Indiana, où Jarhead Earl (Jamie Bell), un ex-marine vivant avec sa femme toxicomane et leurs deux enfants dans un parc à roulottes, cherche à quitter son environnement en faveur d’un nouveau départ, pour lui et sa famille, mais à la seule condition de gagner le Donnybrook, un célèbre combat organisé à mains nues, et cela afin de remporter le gain offert au gagnant, soit 100 000 dollars. Mais il devra pour cela acquérir une certaine somme d’argent pour son inscription, et faire face sur son chemin à Chainsaw Angus (Frank Grillo), une légende qui a raccroché les gants pour se reconvertir en revendeur de méthamphétamine psychotique, et à qui sa femme doit de l’argent, ainsi qu’à sa sœur, Delia (Margaret Qualley), tandis qu’un flic local (James Badge Dale) alcoolique, et d’autant plus drogué, enquête sur les méfaits de ces derniers...
D’une violence et fatalité inouïe, ce drame social ne laisse aucune place à la lumière. D’ailleurs, la majorité de l’action se déroule ici de nuit, ce qui n’est pas toujours idéal à regarder. Privilégiez donc une vision en soirée plutôt qu’en pleine journée ! Filmé sous forme d’un road movie crépusculaire, ce film indépendant montre comment des hommes et des femmes en viennent aux mains afin de pouvoir garder la tête hors de l’eau, dans une Amérique rurale en pleine débâcle, notamment par ces lieux de perdition, tel que le "Donnybrook", un tournoi de combats à poings nus, où chacun d’eux cherche, à sa façon, une rédemption vers une vie meilleure.
Les personnages principaux sont alors guidés ici par leurs propres obsessions (drogue, violence, sexe, argent, etc.), quitte à en oublier leur humanité, et se déchirer entre eux. Et on aurait tendance à l’oublier, mais Jamie Bell, au même titre par exemple qu’Andrew Garfield, est un acteur caméléon qui vit ses rôles comme aucun autre. Tandis qu’il rappelle le jeu de Jack O’Connell dans "Les Poings contre les Murs" (2014) de David Mackenzie, mais aussi de Joe Cole dans "Une Prière Avant l’Aube" (2018) de Jean-Stéphane Sauvaire, l’acteur britannique, révélé il y a maintenant vingt ans dans "Billy Elliot" de Stephen Daldry, est aussi bien formidable dans la précarité de son personnage que dans l’amour qu’il porte envers les siens, et ce qu’il est capable d’encaisser pour eux. Face à lui, on ne peut ne pas citer l’interprétation de Frank Grillo, dans la peau d’un gars particulièrement monstrueux.
Brutal, sans concession, sans pitié, et en alerte, "Donnybrook" est un film éprouvant où la condition d’oubliés de la société est de lutter pour leur survie, et contre leurs démons, peu en importe le prix à payer, tant que leur honneur est sauf. Sans surprendre, Tim Sutton livre un combat sombre, qui ne laissera pas indifférent.