Signe(s) particulier(s) :
– basé et développé à partir de la propre pièce de théâtre de William Nicholson "The Retreat from Moscow" (1999), laquelle s’inspire de sa propre expérience de vie, lorsque le mariage de ses parents a échoué après 33 ans de vie commune ;
– second film du William Nicholson après "Firelight, le Lien Secret" (1998).
Résumé : Le film retrace la vie de Grace, choquée d’apprendre que son mari la quitte pour une autre après 29 ans de mariage. Nous suivons les conséquences émotionnelles que cette décision a sur leur vie et celle de leur fils, Jamie. À travers des étapes de choc, d’incrédulité et de colère, tout le monde essaie de suivre un nouveau chemin... le chemin de l’espoir.
La critique de Julien
C’est dans le Sussex de l’Est, un comté du sud-est de l’Angleterre, que le cinéaste William Nicholson a choisi de poser sa caméra, là où il vit, à Lewes, son chef-lieu, avec sa femme et leurs trois enfants. Connu principalement en tant que scénariste ("Elizabeth : l’Age d’Or", "Gladiator", "Everest" pour ne citer qu’eux), le monsieur est également écrivain, lui a qui l’on doit des romans, ainsi que des pièces de théâtre. C’est d’ailleurs de l’une d’elle, et majoritairement d’épisodes de sa vie, dont il s’inspire ici pour son film "Hope Gap", dont le titre emprunte au nom d’une crique située au pied d’une falaise, à Seaford, dans une petite ville côtière.
Dans ce drame familial intimiste, il est question de Jamie (Josh O’Connor), un jeune homme vivant seul dans un appartement en ville, entouré au quotidien de ses amis, tandis qu’il a bien du mal à s’ouvrir sentimentalement aux autres, à l’instar de son père, Edward (Bill Nighy). Jamie rend alors visite de temps en temps à ses parents, lesquels vont bientôt fêter leurs trente ans de mariage. Mais ce qu’il ignore encore, alors en chemin vers la maison familiale située en bord de mer, c’est que son père va lui annoncer vouloir quitter sa mère, Grace (Annette Bening), du jour au lendemain, ce qui va plonger cette dernière dans une profonde angoisse, en plein déni de l’échec de son mariage, alors que l’effet de cette rupture répercutera sur l’ensemble de la cellule familiale, c’est-à-dire sur Jamie.
Avec sa sublime photographie des environs de Seaford, dont cette plage de craie appelée véritablement "Hope Gap", et sur laquelle adorait se promener le personnage de Josh O’Connor étant petit, William Nicholson dresse une carte postale d’une partie de ses terres natales. Mais plus que cela, il nous imprègne d’un drame qui nous touche au plus près, étant donné son caractère universel, et les questions qu’il soulève. En effet, le divorce de parents est une expérience traumatisante pour quiconque le vit, autant pour le couple que pour leurs enfants, ce qu’a justement connu le cinéaste avec ses propres parents. Au cœur de ce déchirement sentimental, il offre ainsi à chacun de ses personnages une raison d’exister au travers de ce choix (qui s’imposait), et de s’exprimer, mais sans jamais alors poser de jugement. Il y a dès lors ce père, silencieux, malheureux dans son mariage, lequel trouvera enfin le courage de quitter le mensonge dans lequel il se cache depuis bien trop longtemps, et assumer (enfin) son coup de foudre pour une autre femme, à l’encontre de la sienne, sidérée et déboussolée par cette terrible nouvelle, elle qui gardera encore l’espoir de sauver son mariage, en attendant son retour. Car bien qu’elle sût que quelque chose n’allait plus entre elle et son mari (laquelle n’avait alors aucun scrupule à lui dire, dans l’espoir de le faire réagir), cette dernière n’était pas préparée à un tel choc, extrêmement brutal. Puis, il y a bien évidemment ce fils, dont l’impact émotionnel de cette situation va bousculer son existence et son image de soi, à court et long terme, étant donné notamment ses fortes ressemblances avec son père en termes de caractère, dans la crainte, par exemple, que le schéma familial qu’il est en train de vivre se reproduira avec sa propre famille. Sans oublier sa position tampon entre son père et sa mère, tout en étant à l’écoute de chacun d’eux, dans leur juste situation, et sans doute plus envers de sa mère, sans oublier de prendre soin de lui-même, empreint de nostalgie et d’inquiétude quant à la suite.
Avec ses dialogues ciselés et ses mots qui résonnent, William Nicholson donne à réfléchir et à faire le point sur notre vie, et nous dit combien l’échange entre pairs est important au jour le jour, et que le fait de se voiler la face ne fait que retarder une triste, mais nécessaire, échéance au cours d’une vie, que l’on sait alors bien trop courte pour ne pas être pleinement vécue. Les erreurs, cela existe. Le tout est de les affronter, de trouver des solutions, et d’en ressortir plus forts, pour en affronter d’autres, mais en étant au moins en accord avec soi-même, pour le bien de tous. C’est en cela que "Hope Gap" trouve ses forces, autrement dit dans l’espoir qui subsiste malgré le drame, que reflètent d’ailleurs avec humanité ses trois acteurs principaux, au summum de leur jeu d’acteur, aidé par une écriture, encore un fois subtile, et jamais dénuée de sens. Cependant, on regrette une surabondance de questions abordées, auxquelles le film ne donne pas toujours des réponses, au sein d’une mise en scène doucement répétitive.
Chronique de l’éclat d’une unité familiale faisant prendre au passé une dimension nostalgique sur laquelle on se rattache pour se réconforter et comprendre, et au futur une nouvelle épreuve d’abord douloureuse, puis petit à petit réparatrice, "Hope Gap" traite du divorce avec délicatesse et justesse, bien qu’il lui aurait sans doute fallu plus de temps pour aller jusqu’au bout de son ambitieuse analyse, ici incomplète, même si déjà riche.
➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux