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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Robert Guédiguian
Gloria Mundi
Sortie du film le 01 janvier 2020
Article mis en ligne le 13 janvier 2020

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :
 Coupe Volpi de la Meilleure actrice à la Mostra de Venise pour Ariane Ascaride, l’épouse et actrice fétiche de Robert Guédiguian ;
 le titre entier du film est "Sic Transit Gloria Mundi, de la locution latine qui signifie : « Ainsi passe la gloire du monde » ;
 Guédiguian rend ici hommage lors de la scène d’ouverture au film "Vie" (1993) d’Artavazd Pelechian, par imitation et emprunts visuels et sonores ;
 c’est la 20ème fois que l’épouse du réalisateur, Ariane Ascaride, tourne pour son mari, et la 17ème fois que l’acteur Jean-Pierre Daroussin tourne également pour ce dernier.

Résumé : Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria.
Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie…
En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider.

La critique de Julien

Originaire de Marseille, Robert Guédiguian n’a jamais cessé de parler de sa ville natale au travers de son cinéma. Et ce n’est pas son vingt-et-unième effort qui dérogera à la règle, et même loin de là, étant donné que le cinéaste nous livre une œuvre des plus pessimistes, dénonçant les revers de la montée du capitalisme dans notre société (et celle d’un certain Macron), au sein d’une famille qui tente de garder la tête hors de l’eau, dans une ville de Marseille désenchantée, sens dessus dessous...

Une fois n’est pas coutume, le réalisateur s’est entouré de ses acteurs fétiches. On retrouve ainsi sa femme Ariane Ascaride dans le rôle de Sylvie, une technicienne de surface travaillant de nuit, épuisée, elle qui est l’ex-épouse de Daniel, incarcéré depuis de nombreuses années, et joué par Gérard Meylan. Ensemble, ils ont eu Mathilda, désespérément à la recherche d’un boulot, et à laquelle Anaïs Demoustier prête ses traits. Mais Sylvie a refait sa vie depuis avec Richard, un chauffeur de bus, incarné par Jean-Pierre Darroussin. Ensemble, ils ont eu à leur tour Aurore (Lola Naymark), quant à elle en couple avec Bruno (Grégoire Leprince-Ringuet), un magouilleur, lesquels vivent une relation de couple à peu près libre, et tiennent une sorte de magasin façon "Cash Converter", ce qui a tendance à attirer la jalousie de sa demi-sœur, Mathilda, parallèlement au mépris d’Aurore à son égard. Mais Mathilda a quelque chose qu’Aurore n’a pas encore : donner la vie. Gloria, c’est le prénom de sa fille, qu’elle a eu avec son compagnon Nicolas (Robinson Stévenin), chauffeur Uber. L’occasion pour Sylvie, sous les conseils de Richard, d’écrire pour la première fois à Daniel, son ex-mari donc, afin de le prévenir qu’il est grand-père. Mieux que cela, il va pouvoir prendre sa petite-fille dans les bras, étant donné qu’il vient de retrouver sa liberté, au détriment de Mathilda, sa propre fille, ne souhaitant en aucun cas le (re)voir, elle qui ne l’a jamais véritablement connu... Bref, le temps a passé, et chacun a fait ou refait sa vie, elle qui est de plus en plus difficile, face au(x) temps qui cour(en)t...

Outre cet homme, sorti de prison, auquel les lois du monde moderne échappent (encore), il y a aussi ce nouveau-né, lesquels seront alors tous deux témoins des déboires de leur famille (recomposée). Car Robert Guédiguian n’est pas tendre avec ces personnages, eux qui vont en vivre des vertes et des pas mûres. En effet, Guédiguian et Serge Valletti vont transformer le quotidien de ces bonnes personnes (en apparence) en un véritable enfer d’oppression, illustré par l’égoïsme gangreneux, l’humiliation, la délinquance, ou encore l’ubérisation. Mais ils vont plus loin que cela, et inscrivent leur histoire dans une actualité plus que brûlante, soit celle où les immigrés jonchent le port de Marseille, les grévistes se battent pour de meilleures conditions de travail, les immeubles sont en construction, ou encore les militaires du plan Vigipirate se promènent dans les rues de la ville. Mais ils n’épargnent pas non plus les personnages principaux d’une certaine culpabilité, eux-mêmes irrespectueux (notamment envers les cultures et religions qui les entourent), infidèles, où irresponsables. Malheureusement, "Gloria Mundi" ressemble trop à une compilation de tout ce qui ne va plus dans notre société, injecté alors dans la vie d’une famille qui n’a alors rien demandé.

Dans le genre, ce film fait beaucoup penser au dernier Ken Loach "Sorry We Missed You", la finesse, le naturel, le parti-pris et l’engagement en moins, mais le mélo en plus (on se croirait parfois dans un épisode des "Feux de l’Amour"). Car si le cinéaste britannique savait directement parler à notre cœur, mais aussi nous mettre aussi mal à l’aise, et nous interroger (même s’il allait un peu trop dans l’excès), Guédiguian, lui, garde une certaine distance entre nous et ses personnages, peut-être trop écrits (?), qu’il confronte alors à une succession de dérives trop distinctes nées du capitalisme. Dès lors, une mécanique caricaturale s’installe, et plus rien n’étonnera le spectateur, si ce n’est peut-être le final, offrant alors une lueur d’espoir à toute cette amertume de gauche, même s’il ne va pas au bout de ses confrontations. On a alors la curieuse impression de voir un film réalisé à l’envers, dans lequel des idées ont été reliées entre elles. Alors certes, c’est bien fait, mais ça ne sonne pas juste.

À trop vouloir noyer les rêves de ses protagonistes dans les eaux sombres de l’égoïsme contemporain, il nous est difficile de ressentir quelque chose dans toute cette surenchère, aux airs calculés. Fort heureusement, Robert Guédiguian filme sa famille, plus qu’humaine, alors tiraillée entre la solidarité et son contraire, soit ce vers quoi la société (nous) tend... 

https://www.youtube.com/embed/f7CssxZ877w
Gloria Mundi (2019) - Trailer (French) - YouTube

Vu au cinéma Caméo des Grignoux



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