Synopsis : Lorsque Billi et sa famille apprennent que leur grand-mère adorée souffre d’un cancer du poumon en phase terminale, ils décident de lui cacher la vérité et organisent un mariage improvisé en Chine, son pays natal. Mettant de côté ses principes, Billi accepte de faire le voyage et se heurte à la vie qu’elle a été contrainte de délaisser à l’âge de 6 ans, au caractère obstiné de sa grand-mère et au pouvoir des sentiments non exprimés.
Acteurs : Awkwafina, Tzi Ma, Shuzhen Zhao
Lulu Wang, écrivaine d’origine chinoise vivant depuis 1986 aux Pays-Bas, réalise son premier long métrage en se basant sur sa propre vie et la culture chinoise ou du moins la confrontation de celle-ci avec d’autres (américaine notamment).
The Farewell conte "l’histoire d’un vrai mensonge" comme le signale le générique d’ouverture. Il y a là un jeu de langage, car ce qui en constitue l’intrigue est doublement "vrai" au sens personnel, mais aussi culturel. En ce sens ceux qui connaissent bien la culture chinoise se trouveront en terrain de connaissance et auront plus de clés de lecture que les Occidentaux, par exemple. Si le résumé complet se trouve sur Wikipédia, il est préférable de ne pas le lire pour se laisser prendre par les images, les situations, les dialogues, le langage... Et justement il faut parler de langage. Le titre français : L’adieu est à prendre au sens propre d’abord, mais peut être lu aussi comme l’adieu au langage !
Il est question ici de taire l’état de santé à celle qui n’en a plus que pour quelques mois ou semaine. Son cancer la condamne. Et comme il est dit en substance dans le film : "le cancer n’est pas mortel, c’est l’angoisse de l’apprendre qui l’est". Voilà l’essentiel du fil conducteur. Il faut cacher à Nai Nai (en mandarin ; la grand-mère paternelle) qu’elle est atteinte d’un cancer en phase quatre. Toute la famille le sait, sauf Nai Nai. Mais ce silence, Nai Nai l’a appliqué elle-même pour son mari. Elle connait donc les règles du langage et celles du silence. Personne ne dit mot et le récit reste muet sur le fait que la grand-mère perçoit ou pas ce qui en train de se passer.
Outre ce silence, le film aborde la question de l’interculturalité, grâce, notamment, à la petite-fille Billi, qui vit à New York depuis l’âge de six ans. Elle ne connait pas vraiment sa culture d’origine mais garde un souvenir profond de Nai Nai. Elle ne parle et comprend plus bien le chinois. Et le fait que Awkwafina (rapeuse et actrice née d’un père sino-américain et d’une mère sud-coréenne) a dû apprendre le chinois qu’elle ne maitrisait pas ajoute à la crédibilité de son personnage. C’est un adieu au langage commun, car elle parlera anglais avec certains protagonistes, dont ses parents, langue que beaucoup de membres et amis de la famille ne connaissent pas. L’adieu au langage, c’est également le cas pour la future mariée que le très jeune petit-fils de Nai Nai a mise enceinte juste après l’avoir rencontrée quelques semaines plus tôt. Incident de parcours imprévu qu’il faudra cacher aux invités en faisant débuter leur rencontre trois mois, six mois et même un an plus tôt. Pas un mariage d’amour donc mais de raison et d’obligation avec cette Japonaise qui ne comprend pas le chinois qui a besoin de son futur mari comme interprète.
The Farewell offre ainsi les tableaux d’une exposition : la culture chinoise à travers ses non-dits, ses coutumes, ses repas, le silence et la difficulté de communiquer, le lien entre les générations, l’exil en terre étrangère et la solitude, la déconnexion des liens et l’expression de ceux-ci grâce à des rites qui transcendent les générations.