Signe(s) particulier(s) :
– troisième film réalisé par Anthony Marciano après "Les Gamins" (2013) et "Robin des Bois, la Véritable Histoire" (2015), tous trois co-scénarisés avec Max Boublib.
Résumé : En 1993, Max a 13 ans quand on lui offre sa première caméra. Pendant 25 ans il ne s’arrêtera pas de filmer. La bande de potes, les amours, les succès, les échecs. Des années 90 aux années 2010, c’est le portrait de toute une génération qui se dessine à travers son objectif.
La critique de Julien
On dit souvent que la vie vaut la peine d’être vécue... Et c’est fou ce à quel point Anthony Marciano nous le rappelle avec son troisième, et meilleur film ! En l’occurrence, le cinéaste français nous propose avec "Play" une proposition de cinéma au départ assez répulsive, pour se révéler finalement de plus en plus alléchante, généreusement nostalgique, et assez impressionnante dans sa réalisation. Et à vrai dire, on ne s’y attendait pas !
Assez perturbant, et même déstabilisant dans son premier quart d’heure, ce film met en place un processus de mise en scène audacieux permettant étonnamment de développer une histoire juste et touchante, autour d’une bande de potes unis, ayant alors grandi ces quarante dernières années. Après une brève introduction qui voit Max (interprété par Max Boublib), amateur de caméscope depuis son enfance, alors en train de se filmer et expliquer à la caméra que la seule chose qui lui permettrait de faire le point sur sa vie, est ainsi de se remémorer le fil de sa vie (évidemment enregistré par intermittence sur des VHS) pour diverses raisons , "Play" plonge le spectateur dans une succession d’images d’archives, ou plutôt de capsules de moments aussi anodins que riches, de la vie de cet homme, dont on va alors tout apprendre, de ses treize à ses trente-huit ans, pour ensuite revenir au présent, et enfin le voir sauter le pas.
D’emblée, la plus belle réussite de ce film est sans doute sa construction. Or, celle était justement aussi son plus grand défi. En effet, son format spécifique a obligé ses créateurs à bien réfléchir "au pourquoi" de chaque scène. Et à cet égard, chacun d’eux apporte ses petits instants ancrés quelque part dans la vie de tous en chacun. Car ces images traduisent bien celles qui nous pousseraient à capturer ces instantanés de vie, pour autant que l’on soit assidu du caméscope. Même s’il fait obstacle d’événements historiques coupés au montage pour des raisons de répercussions alourdissant le propos central, "Play" est une belle vitrine des années 1900 à 2000, nous permettant de revivre cette époque révolue, mais avec de faux rushes. Mais rassurez-vous, on y voit-là que du feu, étant donné un travail de réalisation soigné. En effet, grâce à une combinaison de caméras et de passages sur bande qui permettent à la fois d’obtenir un contrôle de l’image avec un résultat strictement similaire à celui des caméscopes des années 90-2000, Anthony Marciano réussit à insuffler une belle et tendre histoire, sans pour autant forcer le trait, ni le portrait ! Car le risque, avec ce genre de processus, c’est de jouer sur les émotions et drames d’une vie, quand vient par exemple une situation dont les retombées pourraient être dramatiques, comme un accident, ou tout simplement la disparition d’un être cher. Or, les scénaristes évitent admirablement bien ces dangers, et parviennent à installer les émotions, d’une part dans la nostalgie qu’ils installent et, d’autre part, vis-à-vis du caractère authentique de ses instants captés, et forcément des personnages.
Parlons justement d’eux ! L’autre challenge du film, c’est bien sûr son casting, étant donné qu’il fallait représenter ici les mêmes personnages, mais à des âges différents. En d’autres termes, il fallait dont retrouver les quatre mêmes copains, à trois moments différents de leur vie ! Et si on ne prend-là que le cas du caractère joué par Max Boublib (plutôt très bon), force est de constater qu’Alexandre Desrousseaux (de ses 16 à 20 ans) et que Mathias Barthélémy (13 à 15 ans) lui ressemblent comme deux gouttes d’eau ! Mais on apprécie encore plus l’écriture de chacun des personnages, joués par des révélations ou acteurs confirmés tels qu’Arthur Périer (Arnaud), Alice Isaaz (Emma), Malik Zidi (Mathias), Noémie Lvovsky (la mère de Max), Alain Chabat (le père de Max), ou encore Camille Lou (l’épouse de Max). Leurs descriptions narratives évitent alors toujours le mauvais goût, pour n’en retenir finalement que le plus important : les joies, les peines, l’amitié, la vie. Et quelle belle famille ! Tous alors évoluent finalement autour de Max, et par la force ici de simples bandes filmées ! C’est aussi ça le vrai cinéma !
Enfin, tout cela n’aurait pas donné le même résultat sans un excellent travail méticuleux de montage, signé Samuel Danési, ainsi que du son, que l’on doit à Pascal Armant, déjà nommé aux César. D’ailleurs, qui dit une intrigue installée sur plusieurs décennies, dit bande-originale rythmée aux sons des années concernées ! Tandis que les droits pour avoir ces chansons au générique ont représenté près d’un sixième du budget global de production du film, "Play" est une véritable machine à tubes qui résonnent dans nos cœurs, de "Wonderwall" d’Oasis, "You Are My High" de Demon à "La Bohème" de Charles Aznavour. Un bonheur alors entendu en voiture, en discothèque, à la radio, ou encore via un bon vieux vinyle.
Revigorant, entraînant, droit dans ses baskets (et cassettes), voilà un pari réussi qui donne à revivre le passé, ses erreurs et vérités refoulées, pour alors les affronter au présent. Jamais manichéen ni stéréotypé dans ses choix et ses émotions, "Play" nous prend par la main pour alors ne plus nous la lâcher, et brille par sa fausse utilisation d’un caméscope, à des fins loin d’être intrusives.
➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux