Signe(s) particulier(s) :
– premier film réalisé par Tyler Nilson et Mike Schwartz ;
– inspiré par les écrits de Mark Twain, présentant une version moderne de l’histoire d’amitié entre ses personnages Huckleberry Finn et Tom Sawyer ;
– prix du public au Festival du film américain de Deauville 2019.
Résumé : Une petite frappe en cavale va devenir le coach de catch et allié de Zak, un jeune homme trisomique. Zak est lui aussi en fuite, il a quitté son foyer en vue d’essayer de réaliser son rêve : celui de devenir une catcheur professionnel et rejoindre l’école de catch de Saltwater Redneck.
La critique de Julien
C’est en 2011 que les cinéastes Tyler Nilson et Michael Schwartz ont rencontré l’acteur Zack Gottsagen, atteint de trisomie 21. Entièrement pensé pour lui, "The Peanut Butter Falcon" met également en vedette l’erratique Shia LaBeouf. Gottsagen, premier enfant à l’époque atteint de ce syndrome à avoir été pleinement intégré dans le district scolaire de Palm Beach County, est d’ailleurs fan de la série télévisée de Disney Channel "Even Stevens", où LaBeouf a commencé sa carrière. D’ailleurs, la veille du début du tournage, en juillet 2017, l’acteur et ex-star de la saga "Transformers" de Michael Bay a été arrêté par la police de l’Etat de Géorgie, pour conduite en état d’ébriété, obstruction et ivresse publique. Libéré sous caution, LaBeouf a déclaré en interview qu’au lendemain de son arrestation, alors qu’il était sur le plateau de tournage, et plus précisément sur un radeau, qu’il "ne pouvait vraiment pas regarder personne dans les yeux". C’est alors que Gottsagen aurait mis sa main sur son épaule, et l’aurait raisonné, lui qui n’aurait pas bu un seul vers d’alcool durant tout le tournage. Depuis, une belle complicité est née entre les deux hommes, transformée en amitié, elle qui déborde d’ailleurs au travers de ce petit film indépendant.
Zak (Zack Gottsagen), un jeune de 22 ans atteint de trisomie 21 (aussi appelé syndrome de Down) et abandonné durant son enfance, vit alors dans une maison de retraite (placé par l’Etat), lui qui est pris en charge par Eleanor (Dakota Johnson). Tandis qu’il rêve de devenir un lutteur professionnel et de fréquenter l’école de lutte de son héros, Salt Water Redneck (Thomas Haden Church), dont il regarde les vieilles vidéos de manière obsessionnelle, Zak parviendra à s’évader de son refuge avec l’aide de son colocataire âgé, Carl (Bruce Dern), et cela après de multiples tentatives. C’est alors qu’il croisera la route de Tyler (Shia LaBeouf), une voleur et pêcheur en difficulté, rongé de culpabilité suite au décès de son frère aîné. Dans leur fuite mutuelle, Tyler autorisera Zak à l’accompagner, lui qui l’amenera jusqu’à son école de lutte, situé sur le chemin de sa destination finale, en Floride...
Petit film empreint de luminosité et de liberté, "The Peanut Butter Falcon" se regarde avant tout pour sa superbe photographie, dont les images ont été captées dans les Outer Banks des côtes de l’État de Caroline du Nord, aux États-Unis. Des bancs de sable aux marais, les décors transpirent l’état sauvage et l’humidité de ces étendues (les personnages passent ici la majorité du temps avec leurs pieds dans l’eau et la vase), cadre idyllique dans lequel pourrait facilement s’inscrire un certain "rêve américain". On apprécie également la bande originale, entre bluegrass, chansons folkloriques et spirituelles, pour laquelle les cinéastes ont obtenu les droits à des coûts qu’ils attendaient, et donnant un certain cachet à cette aventure.
Vis-à-vis du contexte du début de tournage dans lequel se trouvait l’acteur Shia LaBeouf, son visage porte ici la marque des déboires, allant donc de pair avec son personnage, physiquement peu ragoûtant (barbe mal rasée, vêtements déchirés, etc.). Il livre dès lors ici une interprétation habitée et hantée, alors portée par la performance de son camarade de jeu Zack Gottsagen, plein de candeur, de force, et de partage. Face à eux, Dakota Johnson réussit à exister au-delà de son rôle d’Anastasia Steele dans la série de films "Fifty Shades", bien que son rôle soit assez peu écrit, passant trop rapidement du coq à l’âne dans sa position, elle qui doit ici ramener son patient "à la maison", malgré le refus catégorique de ce dernier, bien plus heureux à l’extérieur. Par rapport à cela, "The Peanut Butter Falcon" parle de l’importance d’offrir à chacun la possibilité de réaliser son (ses) rêve(s), malgré les obstacles. Mais il le fait avec une certaine naïveté surréaliste, en témoigne, par exemple, une prise de catch impossible à réaliser, mais que Zak, dans un ralenti super-héroïque, parviendra tout de même à exécuter, devant les yeux ébahis des témoins. Et puis, les deux acolytes (voire trois) croiseront une série de personnages aussi humainement (trop) beaux les uns que les autres - outre ceux qui veulent la peau de Tyler, au sein d’un récit quelque peu convenu, non-exempt d’une romance prévisible sous-jacente.