Signe(s) particulier(s) :
– présenté dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes 2019, là où Chiara Mastroianni a remporté le prix d’interprétation féminine, elle qui est ici dirigée pour la sixième fois par Christophe Honoré ;
– le numéro 212 se réfère à l’article 212 du Code civil : "Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, et assistance".
Résumé : Après 20 ans de mariage, Maria décide de quitter le domicile conjugal. Une nuit, elle part s’installer dans la chambre 212 de l’hôtel d’en face. De là, Maria a une vue plongeante sur son appartement, son mari, son mariage. Elle se demande si elle a pris la bonne décision. Bien des personnages de sa vie ont une idée sur la question, et ils comptent le lui faire savoir.
La critique de Julien
Un an après avoir présenté son film "Plaire, Aimer et Courir Vite" en Compétition officielle au Festival de Cannes, le cinéaste français Christophe Honoré y était déjà de retour avec un nouveau film, intitulé "Chambre 212", lequel vient de débarquer dans nos salles de cinéma. Autant donc dire que le réalisateur ne chôme pas, tandis qu’il nous offre ici une œuvre qui ne se refuse pas !
Porté par les ex-époux à la vie Chiara Mastroianni et Benjamin Biolay (lesquels sont parents d’une petite Anna), "Chambre 212" emmène le spectateur une nuit d’hiver, alors que le couple (qu’ils incarnent) bât de l’aile. En effet, alors que Richard vient d’apprendre que sa femme la trompe depuis belle lurette, cette dernière décide de quitter le domicile conjugal, rue de la rue Delambre (14e arrondissement de Paris), et de s’installer dans l’hôtel Lenox, situé en face, tandis qu’elle recevra les clefs de la chambre 212, depuis laquelle elle pourra discrètement observer son appartement, et dès lors son mari... Mais alors qu’elle souhaitait être seule, Maria sera rejointe par des protagonistes imaginaires plus ou moins proches, ayant souffert d’elle, et bien décidés à poser un regard parfois agressif sur ses choix, dans le but de la faire réfléchir sur la situation présente...
Christophe Honoré pose ici un regard enchanté et illusoire sur la question du mariage face au temps qui passe, de la fidélité en son sein, ainsi que des "lois de tout couple qui dure". En filmant un caractère qui pense (en la personne de Chiara Mastroianni) et se doit de réinterpréter des signes plus ou moins agressifs auxquels il sera confronté, le cinéaste filme avec beaucoup d’idées ces retrouvailles avec le passé, parfois nécessaire pour faire le point, et se retrouver. D’ailleurs, "Chambre 212" aurait très bien pu remporter un prix pour sa mise en scène, certes très théâtrale et bavarde, mais on ne peut plus dynamique et fantaisiste. Car ce film transpire l’amour du cinéma de son réalisateur. Ainsi, les portes s’ouvrent et se referment sans cesse sous un nouveau jour dans cette chambre 212, alors que des personnages et fantômes d’autrefois s’y pressent pour avoir leur mot à dire dans cette histoire, tandis que les décors épousent les obstacles et sentiments convoqués dans la tête de son héroïne, au front et fossettes si reconnaissables. Et puis, on tombe littéralement amoureux de la reconstitution de rue Delambre, un soir d’hiver, alors que la buée gît sur les carreaux, la neige (artificielle) tombe, les couleurs des façades du cinéma des "7 Parnassiens" et du bar "Rosebud" réchauffent, tandis que les époux se donnent la réplique de part et d’autre de la rue, au-dessous de sa propre maquette. Charmant !
Très parisien dans l’âme et dans le texte, le film de Christophe Honoré pourrait cependant en rebuter plus d’un, étant donné un style, il faut le dire, assez arrogant, dans le sens où toute cette orchestration donne l’impression de plastronner devant nous par son trop-plein d’assurance. Aussi, on cherche encore le sens de certaines scènes, elles qui s’inscrivent toutefois pleinement dans la démarche du réalisateur, entre mélodrame léger, et conte conjugal. Mais on ne peut que se réjouir devant tant de savoir-faire, et cette manière explosive de filmer ce double face-à-face vaudevillesque, étant donné que le personnage campé par Benjamin Biolay se retrouvera dans la même situation que son épouse. Camille Cottin et Vincent Lacoste finissent alors par composer le casting principal du film, tandis les quelques seconds-rôles et autres apparitions sont très appréciables. Enfin, le film est emmené par une bande-originale enthousiasmante, d’Aznavour à The Rapture, laquelle offre une plus-value certaine à l’efficacité de l’ensemble.