Synopsis : Pour favoriser les chiens de race, le gouvernement inflige à la population une lourde taxe sur les bâtards. Leurs propriétaires s’en débarrassent, les refuges sont surpeuplés. Lili, 13 ans, adore son chien Hagen, mais son père l’abandonne dans la rue. Tandis que Lili le cherche dans toute la ville, Hagen, livré à lui-même, découvre la cruauté des hommes. Il rejoint une bande de chiens errants prêts à fomenter une révolte contre les hommes. Leur vengeance sera sans pitié. Lili est la seule à pouvoir arrêter cette guerre.
Acteurs : Zsófia Psotta, Sándor Zsótér, Lili Horváth, Szabolcs Thuróczy, Lili Monori, Gergely Bánki, Tamás Polgár.
Il s’agit bien de god... et non dog comme le laisseraient comprendre les illustrations et les affiches. Ceux qui verront le film pourront s’étonner de l’affiche ci-contre mais se souviendront du plan de départ de ce film hongrois : une ville déserte, un pont, une jeune fille à vélo, le silence, ensuite les aboiements, puis les chiens nombreux, très nombreux dans une ville apparemment désertée.
Pour ce god versus dog, voici ce que déclare Kornél Mundruczó sur la signification du titre ’Fehér Isten’ : "Pour le chien, son maître est un dieu. J’ai toujours été très intrigué par les caractéristiques de Dieu dont l’image évoque bonté et tolérance. Dieu est-il blanc ? C’est ainsi qu’on le représente la plupart du temps... Pourtant, l’homme blanc a maintes fois prouvé qu’il était seulement capable de dominer et de coloniser. L’association de ces deux mots dans le titre est donc à mon sens empreinte de contradictions, c’est pourquoi je l’ai trouvée intéressante. "
Fehér Isten est traduit littéralement en anglais par White God pour la distribution internationale. Il ne s’agit donc pas d’une référence au film White Dog de Samuel Fuller auquel le cinéphile pourrait songer à cause de la consonance. A ce sujet, le réalisateur précise : "Malheureusement, je n’ai découvert le film de Fuller que récemment. Cela dit, je l’ai toujours considéré comme un très grand artiste. J’adore la façon dont il manie le film de genre et je suis très sensible à son approche de la société contemporaine. Mais concernant Fehér Isten, c’est plutôt chez Coetzee que j’en ai puisé la source et construit l’identité. "
Le film - interdit aux moins de seize ans - a obtenu le prix Un certain regard (Cannes, 2014) tandis que Luke et Body les deux "acteurs" qui jouent le rôle du chien principal (Hagen) obtiennent la désormais célèbre Palme Dog 2014 (il fallait deux chiens pour jouer les deux facettes du "héros" : passant du chien gentil au chien hyper agressif).
Les chiens sont d’importance dans le film et ils ne sont pas de synthèse. Ce sont près de 240 chiens qui tourneront dans ce long métrage [1]. Kornél Mundruczó dédie son film à Miklós Jancsó (1921-2014) qui, après l’avoir vu dans une version initiale de cent cinquante minutes, lui avait conseiller de condenser Fehér isten sur deux heures. Les chiens sont au coeur du film et obligent à un certain regard ! sur le rapport homme/animal. Ici, au premier degré, avec un retournement de situation quasi horrifique où l’ami de l’homme se retourne contre lui. Mais on pourrait y voir aussi un autre regard, une métaphore sur nos sociétés humaines (et peut-être celle, hongroise, du réalisateur). Ne vous attendez donc pas à un film pour les enfants. Les chiens ne sont pas ici de gros nounours maladroits et attendrissants mais des bêtes devenues sauvages et sanguinaires à cause de l’homme et, pour le "héros", d’un homme qui l’aura dressé pour être un tueur, à la fois par "lavage de cerveau" mais aussi par brutalité sauvage et injection de produits dopants et anabolisants. Ce n’est pas pour rien que le film est interdit aux moins de 16 ans. Il aurait d’ailleurs très bien pu faire l’ouverture ou la clôture du BIFFF !
Le réalisateur ne donne aucune explication sur le changement de comportement des chiens, leur constitution en meute, les "objectifs" qu’ils se donnent, le rôle éventuel du leader. ll s’agit avant tout d’un film de genre. Il ne faudra cependant pas oublier la deuxième ligne narrative, celle qui concerne Lili, la jeune maîtresse de Hagen, à la recherche de celui-ci et en proie aux premiers émois des amours adolescentes (sans compter une relation conflictuelle avec son père séparé de sa mère). Enfin, la musique est importante, ainsi le choix de la 2e Rhapsodie hongroise : "Je cherchais une musique qui soit emblématique de la Hongrie, mais qui exprime aussi quelque chose d’obsolète. Dans le film, un chef d’orchestre désabusé oblige des enfants à jouer ce morceau. Cette scène est juxtaposée à la fureur des chiens, une fureur en lien direct avec la vérité de cette rhapsodie. Mais j’étais aussi obsédé par la vision d’une jeune fille jouant de la trompette et capable, comme dans les contes de fées, de comprendre les animaux."
Métaphore, écrivais-je plus haut car le film peut-être envisagé, de façon seconde, comme une critique de nos rapports de force, de domination dans nos sociétés par rapport à ce/celui qui est différent, étranger, qui n’est pas pur, dont la race n’est pas parfaite, le bâtard ! N’empêche que l’on préférera le voir avec délectation, frisson et horreur au tout premier degré, celle d’une "société animale", d’animaux qui se liguent contre ceux qui les oppriment et les enferment dans des cages...
Qu’en sera-t-il à la fin dans cette ville où l’humain a disparu (alors même que le spectateur - humain - ne peut prendre parti que contre sa propre race et donc être du côté des envahisseurs) ? Cette ville fantôme que l’on voit dès le début ? Sera-ce comme dans le roman d’Isaac Asimov, City (en 1952, justement traduit en français par Demain les chiens) ou la solution finale proposée par le réalisateur dans le dernier plan, précédé de quelques mots [2] qui, non seulement donnent froid dans le dos, mais invitent à penser et réfléchir après la projection et qui courent longtemps dans la tête comme des chiens enragés à votre poursuite avec la bande son dans les oreilles !