Synopsis : Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne...
Acteurs : Song Kang-Ho, Cho Yeo-jeong, So-Dam Park, Lee Sun-Kyun, Woo-sik Choi, So-Dam Park
Si le dernier film de Bong Joon-Ho (à qui l’on doit, notamment, Memories of Murder, Mother, Snowpiercer, après la parenthèse Netflix pour Okja) a reçu une Palme d’or amplement méritée à Cannes en juin 2019, cautionnée ainsi, à la fois par le jury à l’unanimité et le public qui fit au réalisateur sud-coréen une standing ovation de huit minutes, en revanche, l’affiche est trompeuse d’une certaine façon, même si on peut en comprendre le sens à la fin du film. C’est que la photo est "construite" puisqu’il ne s’agit pas d’une scène du film, et qu’il n’est nulle part question de bandeau sur les yeux pour anonymiser les protagonistes.
De l’intrigue, il vaut mieux ne rien savoir, ne rien lire, ne pas faire de recherche sur la Toile (où l’on trouvera - malheureusement - la totalité du déroulement du film, notamment sur une célèbre encyclopédie coopérative !). Le titre anglais, identique à celui donné en francophonie, renvoie d’office à l’homonyme qui signifie "organisme vivant qui vit aux dépens d’un autre organisme (l’hôte)". C’est ici que l’ambiguïté du mot hôte peut jouer (hôte étant celui/celle qui reçoit // qui est reçu·e). Et la racine très ancienne de ce terme, HOS, est celle de deux mots antagonistes : HOSpitalité et HOStilité. Car c’est bien une des clés de lectures du film qui oscille entre plusieurs genres : drame, comédie, film social, film catastrophe et parfois même gore !
Si l’hôte est parasité, l’on a vite compris où se trouvent les parasites, l’on découvre également qu’il y a un jeu de miroir entre deux familles, que le fait d’être pauvre ne supprime pas l’intelligence et le "savoir-faire" ni la compétence pour être un "hôte parfait", mais également pour que les portes s’ouvrent pour d’autres "parasites". Et ceux qui sont ainsi parasités ne sont-ils pas eux-mêmes de parfaits parasites dans la société sud-coréenne ? Jusqu’où faut-il descendre, quel sous-bassement faut-il atteindre pour découvrir, si pas la profondeur des choses, du moins celles qui sont cachées et qui donnent sens à des mots qui ne signifient apparemment rien : "elle est parfaite en tous points sauf qu’elle mange pour deux !" ?
Ce qui manque, pour la famille Ki-taek dès le début du film, ce n’est pas l’argent... certes oui... mais du "réseau". Moyen de communication aujourd’hui indispensable (là ou en Corée du Nord, il n’y a que des haut-parleurs qui gueulent leur propagande cf., notamment Burning !). Ce sera l’accès au réseau de téléphonie mobile qui leur donnera accès à un autre réseau, celui de l’Internet qui leur permettra d’aller plus loin, de peaufiner leur stratégie qui, elle, risque d’être mise à mal, parce qu’un enfant avec une âme de scout peut comprendre un langage plus élémentaire, point, barre, en quelque sorte.
Le fait que le film joue sur plusieurs tableaux en multipliant les genres apporte un plaisir coupable : voir le film comme un drame qui frise la comédie, le loufoque et le comique de situation : ainsi quand il sera question d’odeur de pauvreté (comme il est des odeurs de sainteté !) ou encore de ce qui se cache sous un lit et que l’on peut entendre, sans pouvoir dire mot, ce que l’on pense de vous ! C’est aussi la revanche de celui qui est plus bas que, qui n’a personne qu’il peut écraser, mais qui peut faire éclater sa colère au grand jour lorsqu’une porte s’ouvre. Un gore assumé, qui prête parfois à sourire, à rire même au vu des situations. Cependant, il ne faut pas oublier que tout comme dans Burning, c’est toute la société coréenne du Sud qui est ici interrogée (et, par-delà, nos modèles occidentaux) grâce à un film que ce pays peut si bien produire. Au-delà du rire, il y a des larmes et du sang. Des vies qui se perdent et se terrent. Et quand la lumière se donne à voir, à qui peut-on écrire une lettre qui ose miser sur des retrouvailles pour mettre au jour ce qui est caché ? A moins que tout cela soit de l’ordre du rêve éveillé d’un parasite sans hôte alors qu’une lampe clignote dans la nuit ?