Signe(s) particulier(s) :
– douzième long métrage d’Hiner Saleem, réalisateur, scénariste et producteur de cinéma irakien d’origine kurde, ayant fui le régime de Saddam Hussein à 17 ans et s’étant réfugié depuis en Europe ;
– le tournage du film a eu lieu sur l’île turque de Büyükada, qui se trouve à proximité du détroit du Bosphore, lequel relie la mer Noire à la mer de Marmara.
Résumé :
Lady Winsley, une romancière américaine, est assassinée sur une petite île turque. Le célèbre inspecteur Fergan arrive d’Istanbul pour mener l’enquête.
Très vite, il doit faire face à des secrets bien gardés dans ce petit coin de pays où les tabous sont nombreux, les liens familiaux étroits, les traditions ancestrales et la diversité ethnique plus large que les esprits.
La critique de Julien
D’Hiner Saleem, on se souvient encore du film "My Sweet Pepper Land", lequel avait d’ailleurs été projeté dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2013. Alors que ses films ont pour point commun de traiter de ses origines kurdes, voilà qu’il revient au cinéma avec une drôle de comédie policière à la "Agatha Christie", pourtant bien ancrée dans la société turque et kurde d’aujourd’hui, et de leurs rapports.
Le film nous isole alors sur l’île turque de Büyükada, où l’écrivaine américaine Lady Winsley vient d’être assassinée dans sa maison, elle qui enquêtait à son tour sur un crime commis vingt ans plus tôt, et en écrivait un livre. Le Capitaine Celik, commissaire local, fera alors appel à l’inspecteur Fergan d’Istanbul pour mener l’enquête. Mais elle se révélera plus compliquée qu’attendu, étant donné la communauté turque conservatrice et traditionnelle dans laquelle il est censé trouver des réponses, alors qu’elle cultive les secrets, notamment conjugaux...
Co-scénarisé avec Véronique Wüthrich (qui jouait d’ailleurs le rôle de Nîroj dans "My Sweet Pepper Land"), "Qui a Tué Lady Winsley ?" est un film qui traite des relations entre turcs et kurdes, mais aussi d’illégitime et d’adultère au sein d’une société conservatrice intégriste du Moyen-Orient, ainsi que de la place de la femme dans celle-ci. Le cinéaste le fait alors sur un ton mêlant l’humour et l’absurde, mais sans jamais manquer de respect. Cette histoire pointe du doigt tout ce qui y est contraire au bon sens, tout en étant malin dans sa démarche, notamment vis-à-vis des origines étrangères de la victime, lui donnant ainsi le droit d’aborder librement, et sans tabous, les problèmes du pays dans lequel elle enquêtait. Et au travers de l’inspecteur Fergan, les scénaristes parviennent aussi à parler d’un autre problème universel sans pour autant être disgracieux dans leur démarche.
Par son décor insulaire hors du temps, il ressort de la mise en scène une sensation de prise au piège pour Fergan, étant donné la proximité inviolable qui relie tous les personnages de cet endroit coupé du monde. Car chacun de ses habitants se connaît, et la présence sur cette île de l’inspecteur est vue d’un mauvais œil, lequel risque ainsi se salir la réputation de plusieurs d’entre d’eux au cours de son enquête. Or, en Turquie, lorsque l’on touche à l’honneur de quelqu’un, cela est vu comme une attache à la violence, un "principe au nom duquel l’ordre social était remis en question, ... incitant à la déviance", tel que le cite le Docteur en sociologie Dilmaç Julie Alev, dans un article du magazine ( vol. 38, no : 3) "Déviance et Société", en 2014. De plus, cet isolement permet directement d’observer les rapports frontaux entre hommes et femmes, dans cette identité reclus, tandis que la femme infidèle y est forcément coupable, au contraire de l’homme, prédominant dans cette société patriarcale.
Mais bien que l’on apprécie le mélange de genres burlesque et le sous-texte social et politique qui se dégage de cette histoire, "Qui a Tué Lady Winsley ?" manque véritablement d’entrain et de rythme pour passionner, tandis que l’intrigue fait souvent du surplace, pour n’être finalement qu’un prétexte, abandonnant ainsi toute ampleur policière.