Signe(s) particulier(s) :
– Deuxième film du réalisateur guatémaltèque Jayro Bustamante après "Ixcanul" (2015).
Résumé :
Guatemala, Pablo, 40 ans, est un "homme comme il faut", religieux pratiquant, marié, père de deux enfants merveilleux. Quand Il tombe amoureux de Francisco, sa famille et son Église decident de l’aider à se "soigner". Dieu aime peut-être les pécheurs, mais il déteste le péché.
La critique de Julien
Pour son second film après "Ixcanul" qui traitait d’un drame familial ancré dans la tradition guatémaltèque autour de paysans pratiquant uniquement la langue maya kaqchikel, et vivant au flanc d’un volcan au Guatemala, Jayro Bustamante poursuit l’exploration des tares de la société de son pays. Au travers de l’histoire de Pablo, pratiquant, mari et père de deux enfants, mais amoureux d’un homme depuis des années, le cinéaste dépeint avec noirceur et anxiété la condition des homosexuels dans ce pays inégalitaire d’Amérique latine. Car bien que l’homosexualité y est légale, la loi ne lui est pas favorable, ni le regard de la population, et encore celui celui de la religion, quand on sait en plus que près de nonante-huit pourcents de la population y est croyante...
D’entrée de jeu, Jayro Bustamante nous met en ambiance, totalement glaçante. Alors que la vérité vient d’éclater quant à sa relation avec Francisco, Pablo se dirige en voiture vers la maison familiale, sous une pluie battante. Ses parents, ses frères et sœurs, et surtout sa femme, s’y sont alors réunis. Ce père de famille subira alors toute l’humiliation et le dégoût de sa famille, laquelle le menacera, soi-disant par amour et bonheur personnel, mais surtout pour sa réputation, son image, et envers leurs croyances. Très vite, le poids familial jouera un rôle clef dans la relation amoureuse de Pablo avec son compagnon, ainsi et surtout que la demande faite de son épouse pour la garde exclusive des enfants, motivée par ses beaux-parents, lesquels n’ont aucun scrupules à faire l’amalgame entre l’homosexualité éventuelle de leur fils et la pédophilie. Et puis, il est hors de questions pour des parents croyants, dans une société phallocratie, appuyée par l’expression hétéronormative, d’envisager un fils gay...
"Tremblements" met dès lors en images l’étouffante hypocrisie bourgeoise dans toute sa splendeur, ainsi que la main mise de l’église chrétienne évangélique au Guatemala (et plus largement en Amérique latine), proposant non pas une aide constructives aux homosexuels pour se comprendre et s’accepter, mais bien des soi-disant thérapies de guérison, à base de rituels, de médicaments et d’exorcismes, pour ainsi soigner leur péchés - autrement dit leur homosexualité - et ainsi retrouver le "droit chemin". Le film de Jayro Bustamante n’est donc en rien l’histoire d’un homosexuel dans sa quête d’affirmation et de liberté, mais bien tout le contraire. Le cinéaste déconstruit alors, selon une réalité établie, le travail réalisé par un homme pour s’assumer, lui et son amour, auprès des gens qu’il aime. Dans une société où l’homosexualité est acceptée, tout en restant un tabou, mais où les préceptes religieux n’autorisent pas l’anormalité, mieux vaut ainsi ne pas chercher à vivre selon ses propres désirs...
Tandis que le réalisateur travaille pour une énième fois avec le directeur de la photographie Luis Armando Arteaga, "Tremblements" affiche des couleurs sombres et froides allant de pair avec atmosphère quasi-clinique qui se dégage du film.
Le soleil n’est ainsi que bien peu présent dans ce drame. S’il est traversé par deux tremblements de terre, le film n’établit en rien son cadre temporel, ne laissant dès lors pas le choix au spectateur d’être attentif aux détails pour l’établir. Mais nul doute qu’il s’agit ici d’une volonté partagée de centrer l’esthétique du film sur ses propos et la situation vécue en question, plutôt que de pointer du doigt une époque statique qui, de toute manière, indiffère dans l’histoire, et dirigée par une institution religieuse immuable, et ses idéaux totalitaires...
Bousculant, "Tremblements" l’est certainement. Déchirant, il l’est aussi par l’interprétation magistrale de son acteur principal Juan Pablo Olyslager, voyant sa liberté dressée par une société archaïque. Quelques mois seulement après le film inédit "Boy Erased" de Joel Edgerton, les thérapies de conversion sont une fois de plus au centre des discussions dans ce film, pour occasion loin d’être complaisant, mais bien réaliste, et très amer.