Synopsis : Claire, jeune femme d’une grande beauté, suscite l’irrépressible jalousie de sa belle-mère Maud, qui va jusqu’à préméditer son meurtre. Sauvée in extremis par un homme mystérieux qui la recueille dans sa ferme, Claire décide de rester dans ce village et va éveiller l’émoi de ses habitants... Un, deux, et bientôt sept hommes vont tomber sous son charme ! Pour elle, c’est le début d’une émancipation radicale, à la fois charnelle et sentimentale…
Acteurs : Lou de Laâge, Isabelle Huppert, Benoît Poelvoorde, Jonathan Cohen, Charles Berling, Vincent Macaigne, Pablo Pauly, Damien Bonnard.
Le film se divise en trois parties de longueurs inégales : Claire, Maud, Blanche-Neige. Nous apprécions la réalisatrice, que nous avons eu le plaisir d’interviewer lors de la sortie du film Les innocentes qui nous avait touché (de même que Nettoyage à sec, Perfect Mothers, Gemma Bovery ou Marvin ou la Belle Éducation). Toutefois, sa relecture d’un conte mythique, Blanche Neige et les sept nains nous laisse songeur. Il y a une beauté formelle dans le film qui revisite donc Sneewittchen (écrit par les frères Grimm en 1812) dans un monde de l’après #metoo ! Un conte adapté à de nombreuses reprises au cinéma (et dans plusieurs genres) qui est ici revisité dans une perspective totalement nouvelle. Nous ne dévoilerons pas le développement de l’intrigue pour laisser la surprise des divers retournements de situation, d’autant plus que la connaissance du matériau de base ne sera d’aucune aide. C’est que les liens avec l’original sont plus que ténus et qu’il faut donc ajouter une symbolique pour que ceux-ci puissent se faire. Certes, il y a le titre, mais qui pourrait n’avoir aucun sens. Il s’agira donc, au risque d’en faire trop, d’ajouter des symboles... ou les "signifier"... par leur absence. Il manque une pomme dans le panier de fruit dira Maud à Claire, lui proposant d’acheter une "Pink lady" plutôt qu’une Granny Smith, car il faut qu’elle soit rouge ! Il y a (bien sûr) un miroir. Il n’y a pas sept nains, ni six... mais deux... nains de jardin dans une sorte de case en osier. A défaut de nains, il y aura bien sept hommes qui tourneront autour de Claire avec des attentes/propositions différentes. La pomme viendra bien sûr. Et le poison. Et le baiser, enfin on voudrait dire plus, mais ce serait trop en dire ! Et justement, là serait le reproche que l’on pourrait faire au film. A force de faire appel aux symboles, d’appuyer sur ceux-ci, cela donne l’impression d’en faire trop. Comme dans certains films où la musique extradiégétique appuie trop le propos au risque de discréditer celui-ci. L’on n’est cependant pas trop dans la surenchère, mais il n’empêche que cela apparait parfois comme faire de l’effet (de style) pour l’effet en lui-même. Nous gardions le souvenir d’une réalisatrice plus fine où un regard, un geste, une attitude suffisaient à faire sens sans forcer la main ou le regard du spectateur.
Certains plans, justement, en font beaucoup : Isabelle Huppert en rouge, ou en voiture avec son foulard et sa cigarette (outre tous les appels "symboliques" au conte tel que connu par le public). En revanche, d’autres viennent subvertir l’attente du spectateur. Ce qu’il attendait n’arrive pas ou plus tard, voire autrement. Il faut aussi mettre en avant le jeu de Lou de Laäge, impressionnante lorsqu’elle découvre et déploie sa féminité, puis sa sexualité, mais aussi sa séduction lorsqu’elle ne veut pas être "possession" alors même qu’elle se laisse posséder ! Ajoutons les sept (plus un) rôles masculins. Plus un car il faut mettre en exergue la performance gémellaire de Damien Bonnard. Ajoutons Benoît Poelvoorde dans le rôle d’un libraire/bouquiniste lubrique ou encore Pablo Pauly dans celui de son fils... et rival amoureux. Sans compter Charles Berling dont l’amour initial pour Claire va déclencher un mécanisme dont les engrenages mèneront à une situation... enflammée.
En résumé, si le film n’est pas mauvais, loin de là, il n’est pas le meilleur d’Anne Fontaine, soit qu’elle doute de la perspicacité des spectateurs (voilà pour que vous compreniez bien) soit qu’elle en fasse trop en se disant qu’elle peut se permettre de "sur-symboliser" son oeuvre. Il y aurait pour nous à la fois un goût de trop peu (certaines ellipses dans l’intrigue) et un goût de trop (de symboles). Peut-être attendions-nous trop du film... ou, simplement, n’était-ce pas le bon jour, aussi l’on s’abstiendra de noter le film en laissant le lecteur seul juge en se faisant son propre avis, se laissant guider, le cas échéant par d’autres confrères et consœurs.