Synopsis : Tina, douanière à l’efficacité redoutable, est connue pour son odorat extraordinaire. C’est presque comme si elle pouvait flairer la culpabilité d’un individu. Mais quand Vore, un homme d’apparence suspecte, passe devant elle, ses capacités sont mises à l’épreuve pour la première fois. Tina sait que Vore cache quelque chose, mais n’arrive pas à identifier quoi. Pire encore, elle ressent une étrange attirance pour lui.
Acteurs : Eva Melander, Eero Milonoff, Jörgen Thorsson, Ann Petrén.
Dès les premières images du film, nous avons songé à un autre film Mænd og høns (Men and Chicken) réalisé par Anders-Thomas Jensen en 2015. Il est certes danois, mais l’atmosphère scandinave était ici évidente dans cette adaptation de de la nouvelle Gräns de John Ajvide Lindqvis dans son recueil Låt den rätte komma in. Quelque chose dans le rapport au réel, à la norme, à l’anormalité, aux monstres ou à ceux que l’on considère comme tels. Hors de notre culture et de notre champs social ils apparaissent ici comme ceux ou celles qui interrogent notre normalité. Il faut également accepter d’autres conventions ou d’autres univers, tout comme Incassable, première partie d’une trilogie qui s’enracinait dans l’univers des Comics Books, il faut intégrer le sous-bassement d’une culture scandinave et ici suédoise, qui s’enracine dans un univers où trolls, changelin, fées et elfes font partie intégrante d’une culture. C’est que le réalisateur... iranien... Ali Abbasi, après un premier long-métrage danois, Shelley, un film qui, d’une certaine façon, cachait son genre (une histoire de grossesse et d’horreur, par mère interposée... dont la sortie fut assez confidentielle) le réalisateur, intégrant encore une fois la culture scandinave, mais avec un autre pays, va, à nouveau, se jouer des genres, en proposant une intrigue qui va peu à peu offrir un regard nouveau sur l’humain et l’humanité.
Qu’est-ce qui est humain en nous ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Quelle est notre part d’animalité et d’étrangeté ? Ali Abbasi intègre ces questions dans un récit qui surprendra plus d’un spectateur, à la fois par son déroulement, son développement et son dénouement qui intègreront, presque "naturellement" des éléments de la culture fantastique scandinave. Il est difficile d’en dire plus sans gâcher la surprise du spectateur. Que se cache-t-il derrière le nez et le flair de Tina ? Que cache le passeur ou le passant dans son portefeuille ou ses objets usuels, sous ses vêtements, voire au plus intime qui réserve son lots de surprises. Pour l’écrire de façon énigmatique, que l’on comprendra après avoir vu le film : qu’est-ce qui manque pour faire de quelqu’un un homme ?
Le réalisateur adapte donc une nouvelle de John Ajvide Lindqvist mais en la développant et en y ajoutant une dimension "policière" relative à un réseau de pédophilie qui liera cette intrigue à l’autre, au coeur même du film, toujours en lien avec ce qui fait de nous des hommes, des femmes, des humains, mais aussi des parents, allant parfois jusqu’à nous obliger à revoir l’empathie ou l’antipathie que l’on portera à tel ou telle protagoniste. La question de la beauté et de la laideur se pose également : extérieure, voire intérieure, comme on dit.
Il faut aussi mettre en avant l’interprétation magistrale de deux acteurs : Eva Melander, Eero Milonoff dont le maquillage et les prothèses défigurent complètement et "naturellement" les vrais visages de ceux à qui ils donnent corps (pour des questions de © veuillez cliquez sur les liens pour visualiser les photos sur le site IMDB).
En plongeant ses racines dans la culture scandinave le réalisateur iranien permet à une actrice suédoise et un acteur finlandais d’exprimer la beauté par la laideur et invite le spectateur à s’enraciner dans la la terre, le sol, l’"humus" (ce de quoi l’humain est tiré !) pour y découvrir l’étrangeté de son (in)humanité !