➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 28 novembre 2018
Signe(s) particulier(s) :
– inspiré de la série télévisée britannique "Widows", inédite chez nous, et écrite par Lynda La Plante ;
– alors que la série se déroulait dans le Londres des années 80, cette adaptation est actualisée, et transposée de nos jours à Chicago ;
– l’écrivaine Gillian Flynn est co-scénariste du film, elle à qui l’on doit notamment le roman "Les Apparences", adapté avec succès par David Fincher en 2014 sous le titre "Gone Girl".
Résumé : Chicago, de nos jours. Quatre femmes qui ne se connaissent pas. Leurs maris viennent de mourir lors d’un braquage qui a mal tourné, les laissant avec une lourde dette à rembourser. Elles n’ont rien en commun mais décident d’unir leurs forces pour terminer ce que leurs époux avaient commencé. Et prendre leur propre destin en main…
La critique de Julien
Dès son ouverture, cette libre adaptation de la série télévisée éponyme britannique donne le ton. On est d’emblée plongé dans une ville de Chicago loin de la carte postale, à sang et à feu. Quatre braqueurs masculins perdent alors la vie au cours d’un casse aux visées particulières. Ce sont leurs femmes qui devront alors rembourser leur dette commune d’elles-mêmes, au nom d’un criminel et candidat dans la campagne électorale qui s’annonce dans la ville.
Criminalité, émancipation de la femme et corruption politique, tels sont les maîtres-mots principaux qui règnent sur le Chicago mis à mal par le réalisateur britannique Steve McQueen, oscarisé pour son film "12 Years a Slave" en 2014.
Après trois films d’auteur, le cinéaste s’est donc tourné ici vers un film plus "grand public" avec "Les Veuves", lequel bénéficie d’ailleurs d’un budget et d’un casting conséquents. D’un côté, on y suit quatre femmes de milieux sociaux différents, connectées malgré elles par leurs maris, lesquelles doivent prendre le taureau par les cornes par l’urgence de leur situation, où il est question de vie ou de mort. Ces dernières n’ont à priori rien de femmes fortes, même si elles se débrouillaient comme elles le pouvaient, dans l’ombre de leur moitié. De l’autre, il est question de deux futurs politiciens qui se disputent la campagne électorale en cours, usant alors de subterfuges et de moyens de manipulation où les pires coups sont permis... Évidemment, les deux segments de personnages vont évoluer au sein d’une même histoire, qui va finir par s’emboîter de manière inattendue.
Féministe, le film de Steve McQueen offre une belle vitrine à la femme forte au travers de ses personnages principaux, Viola Davis et Elizabeth Debicki en tête. Ici, il en est fini pour ces femmes de se faire dicter par la vie, elles qui décident de la prendre en main afin de s’en sortir. La première excelle dans la peau de cette femme droite, intransigeante, ayant toujours vécu dans le luxe, mais sans que jamais rien ne lui appartienne. Avec son discours fermé et presque haineux envers la gente féminine, son personnage donne la réplique de ma manière cinglante à ses congénères, n’hésitant pas à les malmener du regard. Mais ces dernières ne se laisseront plus faire, tout comme nous le montre le personnage campé par Elizabeth Debicki (qui monte), elle qui était battue par son compagnon, maintenant mort... S’il ne suffit à l’actrice de la série "Murder" que de se vêtir d’une magnifique penderie pour mettre (déjà) tout le monde d’accord, il n’en est pas de même pour l’actrice Elizabeth Debicki. Si son rôle physique ne laisse pas ici de souvenir impérissable, son écriture, elle, offre un joli contraste, et prouve qu’une belle et grande blonde en a aussi sous la robe (collante). La manière dont elle remet ainsi en place sa congénère de mission est d’ailleurs très jouissive. C’est d’ailleurs celle qui se révélera la plus maligne de toutes. Même si Michelle Rodriguez et Cynthio Erivo viennent compléter ces rôles forts, elles sont nettement plus effacées que les deux premières.
Efficace dans sa mise en scène, sans temps-morts, "Les Veuves" est un divertissement assez malin dans son écriture à bien des reprises, livrant d’ailleurs quelques retournements de situation qu’on n’aurait pas pu prévoir. Usant d’effets de caméra renversants, ou encore d’une narration ambitieuse, n’hésitant pas à changer, en cours de récit, notre vision d’événements passés (et dès lors remis en jeu), le film de Steve McQueen est d’une classe folle, tout comme l’étaient déjà ses précédents films.
Maintenant, le scénario est bien trop fourni pour tenir sur deux heures, et permettre ainsi d’en capter tous les ressorts. C’est le principal bémol que l’on peut nettement reprocher au film. Il est donc nécessaire de remettre à plat tous les éléments importants de l’intrigue, afin d’en éclaircir ses principales ficelles, ainsi que la part de chacun, et terminer le puzzle. Personne n’est à vrai dire ici innocent, et joue ici sa part du gâteau... Même s’il fait réfléchir par sa construction, le scénario trop épais ne permet pas d’apprécier le film à sa juste mesure, malgré notre bonne volonté. Malgré tout, il faut bien avouer que cette histoire co-écrite par Gillian Fynn ("Gone Girl") et le réalisateur lui-même se démène, tambour-battant. Aussi, le concept de la politique corrompue n’est pas nouveau, bien qu’il voit ici plus loin, et en phase avec son temps.