➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 21 novembre 2018
Signe(s) particulier(s) :
– deuxième long métrage de l’humoriste, acteur, scénariste et metteur en scène Kheiron, d’origine iranienne, après le formidable "Nous Trois ou Rien" (2015) ;
– Kheiron a travaillé durant quatre ans en tant qu’éducateur à Pierrefitte (dans la commune de la Seine-Saint-Denis) sur un projet visant à aider des enfants en décrochement scolaire.
Résumé : Waël, un ancien enfant des rues, vit en banlieue parisienne de petites arnaques qu’il commet avec Monique, une femme à la retraite qui tient visiblement beaucoup à lui.
Sa vie prend un tournant le jour où un ami de cette dernière, Victor, lui offre, sur insistance de Monique, un petit job bénévole dans son centre d’enfants exclus du système scolaire.
Waël se retrouve peu à peu responsable d’un groupe de six adolescents expulsés pour absentéisme, insolence ou encore port d’armes.
De cette rencontre explosive entre « mauvaises herbes » va naître un véritable miracle.
La critique de Julien
Sorti tardivement le 31 décembre 2015 en Belgique, le premier film de Kheiron "Nous Trois ou Rien" nous avait retourné, lui qui s’était faufilé en dernière minute dans les classements partagés des meilleurs films de cette année-là. Retraçant l’histoire véridique de ses parents immigrés (qu’il interprétait avec Leïla Bekhti), l’humoriste nous livrait avec beaucoup de respect et des messages aussi forts qu’universels le périple semé d’embûches vécu par sa famille, au travers d’un film à la fois passionnant, marrant, subtil et profondément humain. Écrit avec maestria, ce premier film nous révélait un talent à suivre de très près. Trois ans plus tard, le voilà de retour avec "Mauvaises Herbes", toujours réalisé, écrit (scénario et dialogues) et interprété par ses soins, mais cette fois-ci ne s’inspirant plus d’événements réels, mais partant d’une matière qu’il connaissait, à savoir le job d’éducateur pour des enfants en difficulté, qu’il a occupé durant quelques années.
On peut désormais dire que Kheiron possède un talent fou à développer des personnages et à nous attacher à eux. Ici, il y a tout d’abord Waël (Kheiron), un ancien enfant des rues iraniennes et seul survivant du massacre de sa famille, alors recueilli depuis son enfance par Monique (Catherine Deneuve). Aujourd’hui en France, ils forment ensemble une belle paire, tandis que cette dernière tente, tant bien que mal, d’emmener Waël vers le droit chemin, malgré le fait qu’ils s’adonnent à quelques arnaques en tous genres, comme celle de voler le caddie de courses à de pauvres innocents. Sauf qu’après une tentative avortée du vol du caddie de Victor (André Dussolier), une ancienne et proche connaissance de Monique - laquelle est totalement abasourdie par leurs retrouvailles, Waël se retrouvera à s’occuper bénévolement durant un stage d’été d’un groupe de six adolescents expulsés de l’école, et dont Victor est responsable, tout cela sous peine que ce dernier porte plainte contre Waël, et même contre Monique, qu’il engage aussi comme assistante...
Qu’il s’agisse des trois personnages principaux (ou de certains adolescents), Kheiron donne une épaisseur à chacun d’eux. Les acteurs, eux, vont dans ce même sens, et brillent par leur authenticité, malgré une histoire (en très grande partie) originale, et non pas inspirée d’une histoire vraie, comme il en était pour "Nous Trois ou Rien". D’ailleurs, le petit Aymen Wardane, interprétant Waël enfant, est terrassant d’émotions, un peu comme l’était le jeune Sunny Pawar, jouant Sarro, le personnage principal (dans ses jeunes années) du film "Lion" (2017) de Garth Davis. Quant à Kheiron, son sourire communicatif et son regard pénétrant continuent à faire mouche ! Il se dégage une sympathie et une jolie dose d’espièglerie de ces personnages écrits avec tendresse et bienveillance.
On a véritablement l’impression que ce film transpire la vérité, alors qu’il n’en est rien, ou en tout cas pas pour ce qui concerne le destin de Waël. Pourtant, la mise en scène du film l’appuie, elle qui joue sur deux temporalités. Le récit alterne ainsi les épisodes (parfois sordides) de l’enfance de Waël jusqu’à sa rencontre avec Monique, et le fameux stage actuel durant lequel il s’occupe de ces jeunes en difficultés, et qu’il va aider en puisant dans son passé, et ce que lui a appris la vie.
Extrêmement puissants, ces flash-back apportent une part de profondeur et de drame à cette comédie sociale sur fond d’éducation et de partage. Quant aux dialogues, ils reflètent le talent d’écriture de Kheiron. C’est que l’artiste (complet) n’est pas humoriste pour rien !
"Mauvais Herbes" n’est pourtant pas aussi abouti que l’était son précédent film. En effet, pour équilibrer le poids des images venues de l’enfance de Waël, certains segments de la vie des six jeunes en question abordent des thèmes difficiles, tout en laissant sur leur faim (pour ceux qui sont, en tout cas, exploités). On a donc un peu l’impression que ceux-ci viennent rajouter une couche aux malheurs des personnages, ce qui n’était pas vraiment nécessaire, et sans pour autant aller jusqu’au bout des choses. De plus, l’ensemble est quelque peu prévisible, tandis que le stage en question sonne un peu trop opportuniste pour être véritablement sincère. Mais qu’importe, puisque celui-ci est davantage placé sous le signe de la communication plutôt que de la pédagogie. Après tout, Waël n’est pas éducateur, mais un ancien gars des rues, s’exerçant lui-même à quelques mauvaises combines... Dès lors, c’est tout le monde qui en ressortira gagnant !
Tel un conte, cette comédie dramatique touche et divertit, et permet de délivrer un récit universel, suffisamment bien écrit pour oser parler de choses aussi complexes que légères.
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