Synopsis : Si Beale Street pouvait parler, elle raconterait à peu près ceci : Tish, dix-neuf ans, est amoureuse de Fonny, un jeune sculpteur noir. Elle est enceinte et ils sont bien décidés à se marier. Mais Fonny, accusé d’avoir violé une jeune Porto-Ricaine, est jeté en prison. Les deux familles se mettent alors en campagne, à la recherche de preuves qui le disculperont. Pendant ce temps, Tish et Fonny ne peuvent qu’attendre, portés par leur amour, un amour qui transcende le désespoir, la colère et la haine. (présentation de l’éditeur du livre de James Baldwin)
Acteurs : Kiki Layne, Stephan James, Regina King Teyonah Parris, Dave Franco, Ed Skrein, Colman Domingo, Diego Luna
NB : Le mot "nègre" employé dans cette critique est utilisé volontairement, non par mépris ou racisme, mais du fait de l’énorme charge symbolique que le mot possède dans l’histoire dramatique de l’humanité. Le prêtre critique qui signe cet article se souvient ici du propos d’un "bon catholique" qui travailla jadis au "Congo Belge" (lors des riches !!! heures du colonialisme) qui luit dit : "monsieur l’abbé, les nègres, il n’y a qu’une chose qu’ils comprennent : "la chicote" ! parmi de nombreux autres propos du même genre.
Barry Jenkins, pas encore la quarantenaire, aura marqué les esprits et les cinéphiles avec son premier long métrage Moonlight qui a obtenu, à juste titre, l’Oscar du meilleur film en 2017, Oscar dont on se souviendra du fait du couac et de la confusion, à tout le moins avec La La Land ! En réalité, Jenkins signait là son deuxième film. Le premier, indépendant à quasi tous les sens du terme a été produit en 2008 avec un budget rikiki de 15000 US$ prêtés par un ami. Il s’agit de Medicine for Melancholy (EN) qui n’est pas sorti en France et ne serait disponible en DVD qu’en version originale aux Etats-Unis.
Tout comme Moonlight (et de ce que l’on apprend de Medicine for Melancholy), If Beale Street Could Talk est un film "noir". Non pas au sens devenu cinématographique de l’expression, mais au double sens du terme : "Noir" (Black, N., le mot imprononçable désormais aux USA pour Afro-américain), soit de l’humain donc, et de la couleur, noire pour dire d’une histoire qu’elle est sombre. A l’image du roman de Baldwin, doublement hors normes sociales, comme noir et homo (thème déjà abordé par Jenkins dans Moonlight) que le film adapte de façon relativement fidèle. Beale Street, c’est une rue très commerciale de Menphis dont la majorité des commerces sont gérés ou tenus par des Noirs, écrivons donc des Afro-américains. Et sur cela, le fait d’être noir, nègre (et l’on est loin du concept de négritude élaboré, notamment par Sédar Sangor dans l’entre-deux-guerres !) est si caractéristique d’une identité qui n’a pas droit de cité, que cette rue en aurait des choses à dire, à l’image du titre français du roman (et du film) : Si Beale Street pouvait parler.
Toute l’intrigue tient dans le synopsis qui déploiera un récit désespéré et désespérant d’une volonté de vie et de vivre condamnée par le fait d’être noir. La haine est là, sous-jacente, affirmée parfois, confirmée par l’ordre social et civil lorsqu’un policier blanc qui se croit tout permis, entravé un moment dans sa démarche illégitime, se rattrapera plus tard pour une vengeance qui s’exprimera dans un faux témoignage qui condamnera Fonny à la prison après avoir "plaidé coupable" parce qu’il n’y a pas moyen de prouver son innocence, même avec un avocat blanc (méprisé par ses confrères parce qu’il défend un noir). Il y a aussi, sous-jacent, le traumatisme d’une femme violée qui ne lui permet pas de revenir sur ses accusations fondées sur les indications du policier blanc (Ed Skrein arrive à condenser toute l’antipathie du spectateur sur son personnage et excelle ici de façon magistrale dans ce second rôle).
Outre le racisme blanc, oserait-on : ordinaire, il ya aussi le poids terrifiant de la religion, d’une certaine religion, encore présente aujourd’hui dans les courant évangélistes ou plutôt évangélicalistes, l’obsession de la pureté (ici sexuelle, dans le chef de la mère de Fonny).
L’on ne sort pas indemne de ce film dont le thème est toujours d’actualité et l’on ne saurait trop inviter à s’en rendre compte en découvrant des artistes noirs qui font du stand-up. Nombre d’entre eux sont diffusés sur Netflix, et, rien que pour cela, l’on ne peut qu’encourager à s’y abonner !
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