Synopsis : Théo est remis à l’adoption par sa mère biologique le jour de sa naissance. C’est un accouchement sous X. La mère à deux mois pour revenir sur sa décision... ou pas. Les services de l’aide sociale à l’enfance et le service adoption se mettent en mouvement. Les uns doivent s’occuper du bébé, le porter (au sens plein du terme) dans ce temps suspendu, cette phase d’incertitude. Les autres doivent trouver celle qui deviendra sa mère adoptante. Elle s’appelle Alice et cela fait dix ans qu’elle se bat pour avoir un enfant.
Acteurs : Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Elodie Bouchez, Miou-Miou, Olivia Côte, Stéfi Celma, Youssef Hajdi.
Pupille est un film qui adopte (!) des points de vue multiples sur un parcours d’adoption. S’il y a au centre un bébé, Théo qui au terme sera amené à porter un autre nom, il y a autour de cet lui, des institutions, des femmes et des hommes confrontés au désir d’avoir un enfant alors qu’il ne leur est pas possible d’en avoir de façon naturelle ou par procréation médicalement assistée. Dès le début du film, il est donné à voir deux protagonistes essentiels de l’intrigue. Karine (Sandrine Kiberlain) face à Alice, une femme d’âge mûr (Élodie Bouchez). Elle annonce à celle-ci que sa demande d’adoption est acceptée et que face à trois "familles" (l’on comprendra les guillemets en découvrant l’intrigue du film) en attente d’adoption, c’est la sienne, c’est elle qui a été choisie. L’adoptante qui a été choisie doute encore, alors même que le propos est clair et limpide, que la proposition n’est pas équivoque. C’est que l’on sera amené à comprendre tout du long du récit qu’il faut du temps pour arriver à terme, pour que la délivrance soit là, bien réelle. Et c’est volontiers que sont ici utilisés les mots "terme" et "délivrance" employés habituellement pour une parturiente.
C’est que, tout comme il faut du temps pour mener une grossesse à terme, les neuf mois d’une gestation, il faut du temps, bien plus long, pour arriver à la fin du parcours depuis la demande d’adoption et son éventuelle concrétisation : neuf années dans le cas présent. Et la construction du film suivra donc plusieurs intervenants, en remontant pour certains à l’origine, à l’aide de flashbacks. L’on suit ainsi une personne, ici interprétée par Gilles Lellouche, chargé de la transition et transmission de l’enfant, entre sa naissance et l’adoption proprement dite, deux mois qui sont ceux du droit légal à la rétractation, à savoir permettre à la mère biologique de revenir sur sa décision d’adoption. Retour aussi sur les années qui ont précédé, tout particulièrement pour Alice, sur un véritable parcours du combattant mais aussi ses choix de vie, volontaires ou subis, ainsi que sa carrière d’audio-descriptrice dans une salle de théâtre (et des interactions, en ce lieu, entre sa vie privée et professionnelle).
La caméra s’installe dans les bureaux et lieux d’échanges des services de l’aide sociale à l’enfance et du service adoption, suivant de façon très pédagogique le parcours des uns et des autres, les retours d’expérience, les rapports et, malgré leur professionnalisme, la nécessaire part de subjectivité des différents intervenants, mais aussi la rancoeur, voire l’agressivité, de certains face à une échéance qu’ils ne connaissent pas et le temps qui inscrit lourdement le poids de sa durée et de l’attente incertaine.
Il ne faut pas oublier Théo, le nouveau-né. Celui à qui il faut parler pour qu’il entre en interaction avec son univers et les humains qui en font partie. Est-ce que toute parole est bonne à dire ? Est-ce que le silence est d’or en toutes circonstances ? Ce sont pas moins de quinze bébés qui ont prêté leur corps pour interpréter Théo (nous ne sommes pas loin des vingt qui ont été nécessaires dans Post Partum (2013) de Delphine Noel !). Il a paru important à l’équipe pour éviter tous risques à ces nourrissons de ne pas les confronter à la parole des acteurs et actrices (ce thème-là est d’ailleurs exploité dans le film). Dès lors l’on ne verra jamais les enfants que dans le champ. Lorsque l’on passe au plan avec l’acteur/actrice qui s’adresse à Théo, celui-ci est remplacé par une poupée.
C’est donc un film à voir pour le regard qu’il porte sur l’adoption et ses intervenants et dont il faut mettre en avant l’interprétation remarquable des acteurs au service de l’intrigue et du récit. Le film ne peut donc que remporter l’adhésion, même si l’on pourra regretter sa démarche très, voire trop, pédagogique. C’est ainsi que, par moments, Pupille fait songer aux émissions Strip-tease de la RTBF où la caméra suivait ses protagonistes sans commentaires. Et en ce film, ceux-ci sont plutôt les différentes interventions qui "expliquent" ce qui se passe, le pourquoi, le comment, les enjeux. A d’autres, on à presqu’affaire à un "cinéma du réel", à la manière de Burning Out de Jérôme Lemaire.