➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 10 octobre 2018
Signe(s) particulier(s) :
– inspiré du livre "Net Schieten, dat is mijn papa !" de David Van de Steen, qui a perdu ses parents et sa sœur dans l’attaque du Delhaize d’Alost en 1985, considérée comme la dernière attaque commise par les tueurs du Brabant ;
– vingt-cinq ans après "Daens", le réalisateur et scénariste flamand Stijn Coninx redirige l’acteur Jan Decleir.
Résumé : Le 9 novembre 1985, une bande de malfaiteurs fait une attaque sanglante au supermarché Delhaize à Alost. Ils tuent 8 innocents, parmi eux, Gilbert, Thérèse et Rebecca Van de Steen. Le petit David Van de Steen, âgé de 9 ans, est gravement blessé et reste orphelin. Ses parents et sa sœur sont les dernières victimes des « Tueurs du Brabant ». David est alors recueilli par ses grands-parents qui s’efforceront de lui donner un avenir. Pendant plus de 25 ans, son grand-père continuera à lutter pour trouver les assassins. À ce jour, ces assassins qui ont tué 28 personnes entre 1982 et 1985, restent inconnus. C’est le plus gros scandale juridique dans l’histoire de la Belgique.
La critique de Julien
Voilà ce qui s’appelle un virage à cent-quatre vingts degrés pour le cinéaste flamand Stijn Coninx. Après le biopic "Sœur Sourire" (2009) sur Jeanninne Deckers et sa chanson "Dominique", ainsi que "Marina" (2013) sur la vie du chanteur Rocca Granata, voilà qu’il change totalement de registre avec "Niet Schieten". En effet, ce drame raconte l’histoire vraie de David Van de Steen, l’une des dernières victimes des tueurs du Brabant, ayant perdu ses parents et sa sœur au supermarché Delhaize à Alost en 1985. Âgé, aujourd’hui, d’une petite quarantaine d’années, David avait déjà contacté le réalisateur pour qu’il adapte son histoire, inspirée de son livre autobiographique "Net Schieten, dat is mijn papa !". Et c’est désormais chose faite, avec ce film ambitieux et terriblement émouvant, sur un sujet difficile, délicat et tabou.
D’emblée, Stijn Coninx n’a pas eu la prétention de s’y connaître sur cette bande des tueurs agissant sans commune mesure face à la relative modestie de leurs butins. Actuellement, l’affaire n’a toujours pas été élucidée. Et pire, encore, aucun suspect n’a jamais été entendu par la justice belge... D’ailleurs, des théories les plus folles ont été envisagées sur l’identité de ces assassins, sans qu’aucune n’ait jamais aboutie. Tandis que l’on soupçonne de la corruption et de la manipulation d’Etat, "Niet Schieten" ne cherche pas de réponse, et se place plutôt du côté des victimes, et n’est donc pas un film policier, bien qu’une bonne partie du récit tourne autour de l’enquête menée, à son niveau, par le grand-père.
Raconté via le prisme des grands-parents meurtris recueillant David après le drame, le film suit aussi l’évolution de jeune garçon au fil des années, tandis que ses grands-parents vivaient en face du Delhaize d’Alost en question...
Stijn Coninx réalise ici un très bel hommage aux vingt-huit victimes des tueurs, et à la quarantaine de blessés. Mais surtout, il permet de faire entendre le cri de désespoir de son héros (et survivant) David Van de Steen, lui qui n’a jamais cessé de se battre pour qu’on puisse un jour trouver et arrêter les coupables de ces meurtres atroces, eux qui courent toujours dans la nature (s’ils vivent encore). Mieux encore, il expose le caractère surréaliste du travail d’enquête, à la fois bafoué, avorté, et jusqu’à présent enfui sous les oreillers, comme si la vérité ne devait jamais éclater... Troublant, et frustrant, d’autant plus au regard des innombrables témoignages dont on ne s’est jamais préoccupés. Mais pourquoi ? Comment cela est-ce possible ? Voilà un film qui, s’il ne prend pas parti, invite donc à se poser des questions ahurissantes, qui animent l’imagination et l’incompréhension...
Mais "Niet Schieten" est surtout le témoin du malheur d’une famille dévastée par l’inimaginable. Le cinéaste y aborde et y approfondit le deuil d’une manière juste et solennelle, qu’il met en scène avec pudeur et sentimentalisme, mais sans jamais verser dans le pathos, ni le tire-larmes. On est tout simplement touché, et pris par les tripes. La distribution, emmenée par Jan Decleir et Viviane De Muynck, offre d’ailleurs des interprétations allant dans ce sens.