Synopsis/présentation : Pour trois jours de stage et de fête, des danseurs de rue se rassemblent. Sangria aidant, la folie s’empare d’eux. Mais s’agit-il seulement de sangria. De toute évidence, ils ont été drogués. Par qui ? Pourquoi ? La transe générale mène les uns au Nirvanha, les autres en enfer. (Art Cinema Award ) Les films de Gaspar Noé ont souvent suscité la controverse, notamment pour leur tendance à flirter avec l’horreur psychologique. Seuls contre tous et Irréversible sont gravés dans les mémoires. Les fidèles du Studio 5 se souviendront de son sketche remarquable dans 8, œuvre collective sur les enjeux du nouveau millénaire.
Acteurs : Sofia Boutella, Romain Guillermic, Souheila Yacoub.
Autant écrire de suite que cet article sera très personnel malgré le "nous de modestie" ! Nous n’avons pas méprisé Seul contre tous, nous n’avons pas haï Irréversible, nous n’avons ni exécré Enter the Void ni Love et nous voulions fêter Climax ! Cette introduction pour faire référence à celle du dossier presse que nous n’avons lu qu’après avoir vu le dernier film de Gaspar Noé. Nous sommes parti en vision presse sans a priori, sauf peut-être un certain buzz qui s’était fait autour du film lors de sa présentation cannoise.
Au sortir de la vision de Climax, notre première impression, partagée par d’autres confrères, se résumait à quelques mots : "C’est du foutage de gueule". Bien sûr c’est plus complexe que cela car nous avons vibré à plusieurs moments du film et nous y reviendrons. Mais si des critiques partageaient notre point de vue (en tout cas celui d’alors), il en est d’autres qui se situaient aux antipodes. Ainsi un confrère et ami qui travaille pour Cinergie (notamment) faisait part d’un très grand enthousiasme, tandis qu’un autre, critique pour L’Avenir, nous disait qu’il avait beaucoup aimé le film à Cannes, qu’il l’avait revu et toujours apprécié... mais un peu moins !
Depuis, le film trotte dans la tête et nous nous retrouvons dans la position du chat de Schrödinger ne sachant nous prononcer pour affirmer qu’il s’agit bien d’un foutage de gueule ou... gueuler qu’il s’agit de l’œuvre géniale d’un réalisateur de génie ! C’est que nous nous souvenons du début du film où l’on découvre des danseurs et danseuses interviewés (par une chorégraphe), par la médiation un écran de télévision entouré de livres et surtout de vidéocassettes (ou plutôt de vidéos K7 comme l’on disait à l’époque car, à vue de nez le film semble se situer dans les années 1985). Et si les interviews sont importantes, ce qui entoure l’écran le parait plus encore. Comme si l’essentiel n’était pas au centre mais à la marge, aux frontières et ici s’enracinait dans la mémoire essentiellement filmique de Gaspar Noé. Tant de titres sont évocateurs et l’on se prend à les lire, à les déchiffrer lorsqu’ils sont à l’envers : Suspiria, Possession, Zombie, Querelle, The Labyrinth Man, Vibroboy et beaucoup d’autres (il faudra attendre la sortie du DVD pour le mettre en pause et saisir toutes ces références !).
Et justement, s’agissant d’être à l’envers (et nous y reviendrons plus tard), dès le début du film (mais pas tout à fait) il nous est donné de voir un plan d’une personne ensanglantée en train de se trainer dans la neige, suivi du générique (ou plutôt d’un) qui semble être celui de la fin du film. S’agissant d’interviews de danseurs, nous comprenons qu’il leur sera demandé d’aller jusqu’au bout de leurs limites ou, du moins de savoir s’ils les connaissent et jusqu’où ils peuvent aller. Par "ils", il y a bien sûr la primauté du masculin sur le féminin (et écrivons-le d’emblée, du "mâle" sur la "femelle" puisque cela apparaîtra plus tard dans certains échanges entre "mecs") mais aussi le sentiment que l’on ira très loin dans le film et dans certains tabous (sexuels ?). En réalité, ce ne sera pas le cas ou, en tout cas, comme dans (certains de) ses films précédents. Dans le même mouvement, quelque chose donnait à penser (mais c’est ici, pour nous, de l’ordre de... l’impensé !) qu’il y avait une démarche cathartique de la part des acteurs/danseurs dans ce qu’ils disaient et exprimaient à la chorégraphe. Cela semble se confirmer dans la suite où une large part de liberté leur aura été accordé.
Nous gardons le souvenir éblouissant de deux plans séquences et, en particulier, le premier qui donne à voir une chorégraphie hallucinante et explosive (nous avons appris depuis par le dossier presse que la majorité des danseurs et danseuses - que nous ne connaissions pas - sont connus, réputés, compétents et performants dans leur métier). Cette danse donne à penser qu’elle fut à la fois complètement scénarisée et, en même temps, complètement improvisée. L’autre plan séquence (ou qui nous a semblé tel), fait naviguer et virevolter la caméra avec aisance et fluidité entre les participants. Et nous entrons ici dans un trip objectif, à savoir que nous découvrons de l’extérieur le comportement de la troupe qui est sous l’effet d’une sangria alcoolisée et dopée probablement à l’héroïne (ou un autre stupéfiant). A dire vrai l’on n’en saura pas beaucoup plus et peu importe car le propos du réalisateur n’est probablement pas là. En revanche, il nous donne à voir ce qui se passe lorsque des hommes et des femmes perdent le contrôle à cause de la drogue et de l’alcool. A tel point que nous nous sommes dit que le film pouvait (paradoxalement ?) être un réquisitoire du réalisateur contre ces addictions et projeté chez des adolescents (de plus de 16 ans, puisqu’il y a une réserve d’âge) pour les mettre en garde. Et cela, nous laissons le (dé)plaisir de le découvrir à l’écran.
Il nous est arrivé de penser que le film pouvait être un mixte de la deuxième moitié de Nocturama avec Irréversible ! Et c’était le côté positif de Climax. Il y avait cependant d’autres choses qui nous semblaient de l’ordre de tics de langage (cinématographique de Gaspar Noé), ainsi un générique au milieu du film (à peu près) rendant hommage aux sources musicales, ou encore des images à tonalité rouge (justifiées par une panne de courant... à cause d’un enfant enfermé... vous comprendrez durant le film), mais aussi, à la fin, des images filmées à l’envers, sens dessus-dessous (et donc les pieds en haut de l’écran, alors que la tête et le corps pendent comme ceux d’une chauve-souris). Ajoutons encore, et l’on s’arrêtera là, les intertitres :
- "Naître est une opportunité unique"
- "Vivre est une impossibilité collective"
- "Mourir est une expérience extraordinaire" (ce dernier, lui aussi à l’envers* !).
*... et nous écrivions plus haut que nous reviendrons sur ces envers : de générique, de décors, de point de vue...
Il s’agit bien d’un film de Gaspar Noé. Plutôt sage par rapport à d’autres, condensant de nombreuses aspérités de son style. Et, cette fois-ci, le critique s’efface et se retire à reculons car il ne sait pas encore s’il aime ou déteste le film. Il faudra donc au spectateur se faire sa propre religion... car celui qui rédige cet article oscille d’un point de vue à l’autre, il va et vient entre la fascination et le rejet, et... se retient... de coter !