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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Andrzej Wajda (2013)
L’homme du peuple (Walesa. Czlowiek z nadziei)
Sortie le 19 novembre 2014
Article mis en ligne le 15 octobre 2014

par Charles De Clercq

Acteurs : Robert Wieckiewicz, Agnieszka Grochowska, Zbigniew Zamachowski, Iwona Bielska.

Synopsis :
1. Lech Walesa est un travailleur ordinaire, un électricien qui doit composer avec une vie de famille, et sa femme Danuta. Alors que les manifestations ouvrières sont durement réprimées par le régime communiste, il est porté par ses camarades à la table des négociations. Son franc-parler et son charisme le conduisent vite à endosser un rôle national. Il ne se doute pas encore que sa vie va basculer, en même temps que la grande Histoire.
2. Film biographique saisissant sur la vie de Lech Walesa : d’ouvrier portuaire à héros rebelle national et président de la Pologne. Le film s’articule autour d’une interview que Walesa accorda à la célèbre journaliste italienne Oriana Fallaci Maria. Sous la réalisation d’Andrej Wajda, cinéaste polonais emblématique âgé de 87 ans, les images d’archives retraçant les grèves, les pénuries alimentaires, les protestations et la visite de Walesa au pape Jean-Paul II illustrent les événements tumultueux de l’époque. Lorsque des grèves sont brisées par le régime communiste, Walesa se retrouve à la tête du mouvement Solidarność sur le chantier Lénine à Gdansk. C’est là qu’il déclenche une révolution violente contre ce régime. Son action lui valut de recevoir le Prix Nobel de la Paix en 1983. Il fut également le premier président démocrate élu de Pologne entre 1990 et 1995.
La vie de Lech Walesa, entre les émeutes des chantiers navals de Gdansk jusqu’au prix Nobel de la paix reçu en 1983 et remis entre les mains de son épouse.
(source : Cinebel.be)

L’itinéraire d’un ouvrier, relaté sous forme de plusieurs flashback au cours d’une interview avec une journaliste italienne (en italien avec un traducteur polonais) parsemé de chansons qui rythment et disent en rock le parcours et le combat d’un peuple.

Un acteur : Robert Wieckiewicz se met au service du personnage et arrive à nous le rendre vivant par sa personnalité mais également par ses tics et mimiques. Il nous fait vivre également ses doutes, ses ambiguïtés, sa relation (parfois caricaturale) avec son épouse et ses enfants.

La police, les politiques et les forces de l’ordre ne sortent pas grandis de l’histoire (l’Histoire ?) et les liens ambigus avec le grand frère russe montre tous les risques et les enjeux de cette aventure faite de souffrances et d’espoirs.

J’ai fait un lien durant le film avec les réflexions de Mme Hannah Arendt dans son livre La condition de l’homme moderne (1958) où elle parle de l’action humaine et des risques de celle-ci (cf. le texte en bleu ci-dessous mais qui n’est pas indispensable pour la critique du film !!!).

Pour Mme Arendt, l’action est l’"activité" qui met directement en rapport les hommes sans la médiation des objets ni de la matière. Nous sommes dans le domaine des hommes agissants. Le pluriel est nécessaire parce qu’ici, la condition humaine est la pluralité. Il ne s’agit cependant pas du face à face intersubjectif relatif au domaine privé car on se situe essentiellement dans la zone publique, collective. Ce sont DES hommes et non pas l’homme qui vivent sur terre et habitent le monde. Si tous les aspects de la condition humaine ont "à voir" de l’une ou l’autre façon avec le "politique", c’est la pluralité qui sera spécifiquement la condition de toute vie proprement politique. Toutefois, il y aura un renversement à la modernité. Ce sera l’ homo faber qui sera placé au sommet de l’échelle, ce que Marx théorisera a posteriori. Malheureusement Marx voit homo faber et non homo activus ! C’est pourquoi le travail sera ambigu chez Marx puisqu’il est à la fois source d’aliénation et de libération !

Pourtant, malgré la peur qu’il fait naître, l’agir serait la plus humaine des activités. L’auteur caractérise l’action par l’imprévisibilité et l’irréversibilité. Quand j’ai parlé et/ou agi (par exemple lancé un mouvement de grève à Dansk), je ne sais pas faire que je n’aie pas parlé ou agi d’une part, et je ne sais pas où cela conduira, d’autre part. En ce sens, le tragique de l’existence humaine est lié à l’irréversibilité de l’action.

Dans son étude sur l’action, l’auteur développe deux de ses caractéristiques : l’irréversibilité et l’imprévisibilité. Elle écrit ainsi : "contre l’irréversibilité et l’imprévisibilité du processus déclenché par l’action, le remède ne vient pas d’une autre faculté éventuellement supérieure, c’est l’une des virtualités de l’action elle même. La rédemption possible de la situation d’irréversibilité - dans laquelle on ne peut défaire ce que l’on a fait, alors que l’on ne savait pas, que l’on ne pouvait pas savoir ce que l’on faisait - c’est la faculté de pardonner. Contre l’imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l’avenir, le remède se trouve dans la capacité de faire et de tenir des promesses. Ces deux facultés vont de pair : celle du pardon sert à supprimer les actes du passé, dont les ’fautes’ sont suspendues comme l’épée de Damoclès au-dessus de chaque génération nouvelle ; l’autre qui consiste à se lier par des promesses, sert à disposer dans cet océan d’incertitude qu’est l’avenir par définition, des îlots de sécurité sans lesquels aucune continuité, sans même parler de durée, ne serait possible dans les relations des hommes entre eux (p. 266)" .

Et il s’en est fallu de peu pour que les choses tournent autrement, très mal, que, par exemple la Pologne soit envahie, qu’une nouvelle guerre mondiale soit déclenchée...

Certes, le film ne va pas jusque là mais reste intéressant malgré tout. Très intéressant, certes, mais il suscite parfois un certain ennui ! En effet, le long métrage (et il fait plus de deux heures) est parfois ennuyeux - désolé Monsieur Wajda ! - et hésite à certains moments entre le biopic et le docu-fiction (l’intégration des images d’archives renforce cette impression).

C’est cependant un film que je conseille de voir en famille avec de grands adolescents car il nous fait découvrir quelques éléments clés de l’histoire de l’Europe de l’Est qui menèrent à la chute du Mur de Berlin grâce à quelques hommes qui osèrent agir (au sens où l’entend Mme Arendt - cf. supra), tels Walesa, bien entendu mais aussi, parmi d’autres, un certain Jean-Paul II !

http://www.youtube.com/embed/0svOt0iN2d0
L'HOMME DU PEUPLE Bande Annonce VOST - YouTube


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