Synopsis : Il est décadent, polémique et tout sauf subtil. Il a construit un empire médiatique, gravi deux par deux les échelons de la politique italienne et déclenché un scandale après l’autre. Silvio Berlusconi n’a pas son pareil pour échauffer les esprits. Le réalisateur acclamé Paolo Sorrentino brosse le portrait de celui que l’on surnomme Il Cavaliere au moment où il perd le contrôle : sa femme est lassée de ses excès, ses alliés cessent de le soutenir, le rideau tombe sur sa carrière politique… Jusqu’où ira-t-il pour conserver son pouvoir ? Un coup d’œil fascinant derrière le masque : qu’est-ce qui fait avancer l’une des figures les plus intrigantes de notre époque ?
Acteurs : Toni Servillo, Elena Sofia Ricci, Riccardo Scamarcio, Kasia Smutniak, Fabrizio Bentivoglio
Loro (eux, soit donc sa cour, à moins que les derniers plans de la version que nous avons vue ne désignent bien autre chose) s’oppose donc à "Lui", "Il" qui n’arrive d’ailleurs qu’après près d’une heure de film qui LUI est consacré. Cette façon de parler de Lui, de Silvio Berlusconi donc, nous ramène au concept d’illéité que nous évoquions dans la critique de Juste la fin du monde. S’agissant, là, de Louis, nous écrivions : ’L’illélité est un mot que l’on utilise peu et rares sont les dictionnaires qui le reprennent. Mes professeurs de théologie l’ont employé. C’est une des façons de parler de "Dieu". Avant d’être un vis-à-vis en "vous" ou en "tu", "C"’est un "IL", un "LUI". Pour à la fois parler, dire, ne pas dire et prendre distance, manifester l’altérité [1]’. Non pas que Silvio Berlusconi ne prennent pour un dieu (quoique) mais qu’en tout cas, dans le film, la façon de parler de cet homme politique hors du commun est d’employer (sans en être conscient) un vocabulaire de l’ordre du champ sémantique qui relève du divin pour parler de Lui !
Nous retrouvons bien sûr un Paolo Sorrentino très proche de Fellini dans sa flamboyance et son exubérance, celle-là même que nous trouvions dans La grande Belleza (bien plus que dans Youth, beaucoup plus sage), sa gestion de la symbolique pour nous faire entrer dans l’univers de Berlusconi. Et justement, s’agissant de lui, premièrement et finalement, il est plus que probable que le film parlera bien plus aux Italiens qu’à ceux qui n’ont pas vécu les frasques, les exagérations, le vent nouveau qu’IL apportait, qu’au-delà du filtre des frontières, même à l’aune de l’espace Schengen ! Il ya beaucoup de grandeur, de folie, de sexe, de fêtes, de drogues, de femmes dans ce portrait qu’il nous est donné de découvrir. Berlusconi est un homme à femme et s’il lui arrive (du moins via la médiation de l’acteur Toni Servillo qui lui donne corps de façon intense) de reconnaître qu’il n’a rien contre les homos, qu’il est même gay à 25%, c’est pour préciser immédiatement : "gay-lesbienne" !
Plus encore que Toni Servillo, c’est l’acteur Riccardo Scamarcio qui s’avère prodigieux dans le rôle de Sergio Morra dont la villa est en vis-à-vis de celle de Berlusconi et qui le courtise, façon de parler, en exhibant chez lui nombre de belles femmes (et d’hommes bien entendu) en mode orgie, ce qui finira par attirer le vieux beau !
D’autres choses sont évoquées : les talents de vendeur tout comme la mégalomanie de Berlusconi, ses trahisons, ses dévoiements d’hommes politiques et cela jusqu’à sa prestation de serment le 7 mai 2008. Ici, Paolo Sorrentino joue avec le faux, le vrai, la reconstruction (et ici, nous jouons aussi sur les mots, s’agissant des travaux de reconstruction après le séisme du 6 avril 2009 à L’Aquila) en faisant coïncider cette prestation de serment et la prise de fonction dans le 4e gouvernement Berlusconi... avec, justement, le tremblement de terre de l’Aquila. Mais, s’agissant du vrai et du faux, du rapport à la vérité de l’Histoire le spectateur est prévenu dès le générique.
Nous avons donc globalement aimé ce film "fellinien" qui sera apprécié à sa juste valeur par les détracteurs mais aussi les partisans de Berlusconi ; c’est que le film de Paolo Sorrentino n’est ni un réquisitoire contre ni un plaidoyer pour Berlusconi. S’il dénonce bien entendu les excès, la mégalomanie, les magouilles, tromperies, il le fait en gardant l’humain au centre, avec ses excès et ses failles, nombreuses. En somme la flamboyance du film est à l’image de l’homme d’Etat et de télévision ! En revanche, nous avons une remarque paradoxale par rapport à la durée du film. Celui-ci est soit trop court, soit trop long. C’est qu’il est sorti en Italie en deux parties. Sans avoir vu cette double version, nous avons l’impression qu’il manque certains éléments, notamment d’ordre symbolique (par exemple avec les animaux) pour saisir toute la portée du film ou que l’on n’a pas coupé assez, de telle sorte que des éléments paraissent des pièces rapportées ou des scènes trop prolongées pour garder une cohérence dans cette version réduite à (quand même 2h38 !).
Bande annonce :