➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 11 juillet 2018
Signe(s) particulier(s) :
– seconde réalisation du duo de réalisateurs brésiliens Juliana Rojas et Marco Dutra après "Trabalhar Cansa" (2011) ;
– présenté en sélection en compétition officielle au Festival international du film de Locarno 2017 où il remporte le Prix spécial du jury, tout comme le Prix du public à L’Étrange Festival 2017, la Mention Spéciale du jury au Festival Biarritz Amérique latine 2017 ou encore le Prix du jury au Festival international du film fantastique de Gérardmer 2018.
Résumé : Clara, une infirmière solitaire de la banlieue de São Paulo, est engagée par la riche et mystérieuse Ana comme la nounou de son enfant à naître. Alors que les deux femmes se rapprochent petit à petit, la future mère est prise de crises de somnambulisme...
La critique
Pour leur seconde collaboration, le duo de réalisateurs brésiliens nous embarque dans un conte de fées fantastique se déroulant de nos jours, au cœur de São Paulo. Présenté sous forme d’un dyptique, "Les Bonnes Manières" est une agréable surprise qui ne ressemble à rien d’autre, située à la croisée des genres, pour alors servir des propos qui ne peuvent être plus contemporains. Attention, ovni (et loup-garou) !
Ce que l’on remarque ici dès les premiers instants, c’est sa sublime scénographie, notamment sa manière de représenter les décors extérieurs et le ciel de pleine lune. On s’inscrit directement dans un style proche du dessin-animé, que ça soit par l’utilisation du matte painting ou de peintures ancestrales. En témoigne ainsi l’une des scènes fortes du film, où une mère célibataire (Ana), ayant engagée une nounou (Clara) pour s’occuper d’elle durant sa grossesse, lui explique le soir où un mystérieux homme l’a mis enceinte, avant qu’il ne se transforme en loup-garou, et ne prenne la fuite...
Il se dégage dès lors de ce long métrage un visuel unique, et enchanteur, à l’image d’une bande-originale onirique, concoctée par Guilherme et Gustavo Garbato. Progressive, elle débute d’abord par une berceuse écoutée depuis de la boîte à musique d’enfant d’Ana, avant d’évoluer sous différentes formes au fur et à mesure de l’histoire, tout en y reliant différents événements. Harpe, flûte, tambour, murmures, chorales, et même chants des personnages se succèdent dans un style inspiré par Brecht et des premiers Disney. On est dès lors bercé à notre tour par le souci technique rendu à ce film, qui mérite à lui seul le déplacement. Sans parler des effets spéciaux, liés à la transformation, les soirs de pleine lune, de l’enfant d’Ana en loup-garou. Tandis que le bébé a été créé en animatronique, sa croissance s’inspire des traits physiques de l’acteur Miguel Lobo, interprétant l’enfant en question. Et même si ce n’est pas digne d’un gros studio hollywoodien, l’aspect numérique possède un charme absolu, en accord avec le reste, tout en rendant bien les émotions de son jeune acteur.
Divisé en deux parties, liées toutes deux à la maternité dans un monde bestial, la première renvoie à proprement parler à la grossesse en général, ici mêlées à des phénomènes étranges, alors que la seconde évoque le fait d’élever un enfant, tout en soulevant la question fondamentale de savoir qui de la mère biologique ou de celle qui élève l’enfant en est la véritable mère. C’est tout un débat que le film soulève ici, bien que les sentiments des personnages principaux développés à cet égard y répondent sans se poser cette question, avec simplicité et amour. Quoi qu’il en soit, la mère au centre de toutes les attentions inspire par son dévouement à protéger son enfant, malgré les sacrifices et la souffrance involontaires qu’elle peut engendrer.
En abordant un prisme fantastique, voir horrifique à divers moments, le film illustre ainsi avec bien plus de sens qu’on n’aurait pu l’imaginer la monstruosité sociale (brésilienne) vis-à-vis ici de ce loup-garou condamné à vivre caché, tandis que film revisite par la même occasion son mythe.