Synopsis : Lucas, jeune escort boy argentin, arrive de Buenos Aires pour travailler comme apprenti dans une boulangerie. Henri son patron est amoureux de lui et rêve de le sauver de la prostitution. Mais Lucas en pince pour Audrey, la vendeuse, qui a tout pour lui plaire mais se refuse à lui.
Acteurs : Nahuel Perez Biscayart, Monia Chokri, Jean-Michel Balthazar, Achille Ridolfi.
Voilà un film qui apportera du grain au moulin de ceux qui trouveront que, décidément, il a beaucoup de films qui traitent d’homosexualité cette année ! Cela c’était pour rester dans le thème de la boulangerie ! Me voici bien en difficulté de traiter de ce film sur un site associé à une radio chrétienne ! D’autant plus qu’il est présenté comme étant "tous public" alors qu’il s’ouvre sur certaines scènes assez crues : des images prises avec son smartphone par un escort boy argentin. Des images de lui donc, et dont certaines sont... assez suggestives !
C’est l’histoire d’un triangle amoureux, quoique ! Il s’agit plutôt de méprises amoureuses, d’attentes différentes voire contradictoires. Chacun cherche non pas sa chacune mais ce qu’il rêve et que l’autre ne peut lui donner.
Trois acteurs au centre de cette intrigue : Jean-Michel Balthazar (que l’on a vu dans Le gamin au vélo des frères Dardenne) interprète le boulanger. Lucas, le jeune escort boy le sera par Nahuel Perez Biscayart (qui a joué dans Grand Central, notamment) et Audrey, la jeune et belle vendeuse de la boulangerie, veuve depuis quelques mois, mère d’un jeune enfant, Jeff, sera jouée par Monia Chokri (e.a. Les amours imaginaires de Xavier Dolan). Soit donc trois nationalités réunies : belge, argentine et québécoise.
Après Hors les murs, le réalisateur belge nous invite à découvrir la confusion des sentiments. Le jeune argentin n’est pas homo mais répondra à l’invitation d’Henry, qui lui est homosexuel mais ne peut trouver d’épanouissement dans le bled perdu où il travaille et habite. Lucas, lui, rêve d’autre chose, d’échapper à la condition misérable de prostitué anonyme dans une grande ville. Un rêve qui se brise quand il découvre la campagne profonde où demeure Henry. Celui-ci est en quête d’amour, d’affection, de sexe... mais aussi d’un apprenti. Lucas se révèle presque incompétent en la matière. Tout aussi incompétent en boulangerie que pour répondre au désir d’amour de son patron et "libérateur". Une chose est la prostitution, autre chose est l’amour. Si en plus, n’étant pas gay, celui qui veut lui offrir son amour (voire l’y enfermer) n’a aucun des canons esthétiques de la beauté (peu importe les critères ici : homo ou hétéro !).
En revanche, Audrey, elle, a les critères esthétiques qui conviendront à notre jeune argentin ! Mais quand on a été escort boy, où tout se monnayait sans amour, comme le vivre en vérité ? Comment va-t-il pouvoir entrer en relation avec elle, qui se refuse à lui ? Et quand des choses pourront se concrétiser comment passer du "sexe" (tarifé) à l’amour (gratuit) ?
Quelle différence entre sa petite chambre minable dans son pays et la prison belge sans barreaux dans laquelle il habite maintenant ? Que va-t-il pouvoir faire de sa vie ? Et puis, cet homme Henry, c’est aussi quelqu’un de tendre, d’attachant, tout aussi emprisonné que lui dans son village. Un homme qui n’est pas un éléphant dans un magasin de porcelaine (ces porcelaines qui permettront à Lucas de découvrir une autre facette de ce gros nounours !) qui aime aussi le chant d’opéra et la danse !
Et dans son village, Henry aimera faire connaître son "protégé". Ses préférences affectives sont connues. Un ami le mettra même en garde contre les impasses vers lesquelles il se laisse entrainer. Et cet ami, ne faudrait-il pas qu’Henry le regarde autrement (ce point me fait songer au remarquable Boven is het stil de Nanouk Leopold) ? L’amour n’était-il pas à portée de regards et de mains ?
Finalement, ce film est à voir (probablement par un public "averti" comme on dit). Un film qui commence par scène dénudée et se clôture sur une autre, d’habillage ! Cette histoire peut-être universelle et dépasse une question d’amours homosexuelles. Elle pose, en marge, des questions relatives à la prostitution, à la solitude affective et à la recherche d’amour par Internet et les réseaux sociaux !