➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 21 février 2018
Signe(s) particulier(s) :
– trois films ont guidé Xavier Legrand dans la réalisation de ce film, à savoir "Kramer Contre Kramer", "La Nuit du Chasseur" et "Shining" ;
– premier long métrage du réalisateur après un premier court-métrage intitulé "Avant que de Tout Perdre", ayant remporté le César du meilleur court métrage en 2014, et ayant également été nommé aux Oscar la même année dans la catégorie meilleur court métrage de fiction ;
– seconde fois que le réalisateur tourne avec Léa Drucker et Denis Ménochet après son court métrage, abordant déjà le thème de la violence conjugale.
Résumé : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.
La critique
"Jusqu’à la Garde" est un coup de massue après lequel il nous faut quelques minutes, après générique, pour reprendre nos esprits. C’est le genre de film qui nous agrippe au possible, pour alors ne plus nous lâcher. Et quand on pense au caractère authentique d’une telle situation vécue par des femmes et des hommes (ça va dans les deux sens), cela augmente d’autant plus son effet. Attention, voilà un grand film de cinéma, mais duquel on ne ressort pas de la séance avec le sourire.
Pour un premier film, Xavier Legrand éblouit par la maîtrise de la mise en scène de son film, qui installe une telle tension qu’elle en devient un malaise total. S’ouvrant sur une scène (devenue) ordinaire, où l’on retrouve deux ex-époux et leurs avocats face à un juge discutant de la garde de leur jeune fils (leur fille ayant la majorité pour choisir avec qui vivre), on décortique très vite les personnalités face auxquelles nous aurons à faire durant les nonante prochaines minutes, c’est-à-dire d’un côté une mère terrorisée, et ses deux enfants ne désirant plus voir leur père, et, de l’autre, un homme violent, manipulateur, et menace permanente pour sa famille.
Après un travail de documentation auprès d’une juge aux affaires familiales, d’avocats, de policiers ou de travailleurs sociaux, Xavier Legrand s’inspire ici d’une réalité trop souvent cachée, et totalement affreuse pour quiconque doit y faire face, avec l’insécurité et le danger qu’elle représente. Ces sentiments se ressentent avec puissance dans ce premier film de génie.
Certes, le scénario est implacable, mais les acteurs sont tout simplement splendides, malgré la difficulté de leurs rôles. Léa Drucker incarne ainsi une femme forte et fragile, qui n’a pas besoin de parler pour se faire comprendre. Tout passe par la posture et le regard, pour alors créer en nous une empathie sans demi-mesure, où l’on ressent tout le poids du passé. Le personnage de Denis Ménochet est peut-être le plus incroyable du film, étant donné son caractère d’une grande noirceur, dans la peau d’un homme malheureux, mais qui vit dans le déni de son comportement terrifiant. C’est absolument saisissant la manière dont son rôle est abordé, elle qui permet de ne pas le catégoriser sans âme. C’est peut-être ici l’un des personnages de cinéma les plus terrifiants que le cinéma français a connu ces dernières années. Aussi, et non des moindres, les deux jeunes acteurs interprétant les enfants (Thomas Gioria et Mathilde Auneveux) sont renversants d’authenticité, eux qui tremblent et qui vivent chaque apparition de leur père comme une menace.
Ce n’est pas tout, puisque le réalisateur filme cette espèce de huis-clos psychologique avec une telle maestria que tout a été pensé pour retranscrire l’oppression des violences conjugales à son summum. Ainsi, le travail de la lumière, du son et de la musique apportent aussi leur pierre à l’édifice, et appuie l’inévitable.