Synopsis : 1946 Frankfurt, Camp des personnes déplacées : David Behrmann et ses six amis n’ont qu’un but, l’Amérique ! Mais pour émigrer, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. En inventant des numéros incroyables, ils font du porte-à-porte et vendent des paquets de linge de maison aux Allemands. Et ils ont du succès. Alors que le business fleurit, David est rattrapé par un passé sombre. Pourquoi avait-il un second passeport ? Que faisait-il dans la résidence privée de Hitler au Salzberg ? David Behrmann est interrogé par une énigmatique chasseuse de nazis américaine, le Major Marlene Frederick… Déchirée entre sa méfiance et son inévitable attirance pour David, la tâche de Marleen s’avère assez difficile. De plus, David invente des histoires auxquelles lui-même croit. En outre, il faut décider d’autre chose : est-il possible de réellement laisser un si beau pays aux Allemands ?
Acteurs : Moritz Bleibtreu, Antje Traue, Tania Garbarski, Anatole Taubman, Tim Seyfi, Mark Ivanir.
Ayant encore en mémoire l’excellent et remarquable Irina Palm, nous avons demandé confirmation à un confrère, avant de voir le film (titré aussi : Auf wiedersehen Deutschland), qu’il s’agissait bien d’une comédie dramatique. A la fin du film, nous lui avons fait part de notre malaise en disant que ce n’était pas pour nous une comédie. C’est que le film est sur le fil du rasoir. Il se présente comme une "histoire vraie" (mais ces mots sont suivis de quelques mots que nous n’avons malheureusement pas mémorisés). Quoiqu’il en soit de la "réalité" des faits et de l’intrigue, ils sont vrais pour ceux qui les narrent. Ces faits d’après-guerre 40-45 ont une certaine analogie avec ceux qui sont racontés dans Au revoir là-haut, soit donc une arnaque en fin de guerre. Si comédie il y a, elle tiendrait au registre propre à un certain "humour juif", celui d’une autodérision que seuls des Juifs peuvent se permettre (ainsi, dans la littérature, comme Shalom Auslender le fait dans Foreskin’s lament en 2005).
L’important n’est donc pas, pour nous, la comédie (que nous n’avons pas vue), ni l’arnaque, mais la lecture d’un passé, ou plutôt la relecture et, ensuite, la narration, celle que fait le réalisateur, mais également celle que les protagonistes en font. Il faudrait même utiliser le pluriel. Il ya de multiples narrations d’un passé dans ce film : celui récent des intervenants qui disent les faits "bruts", celui qu’ils disent, celui qu’ils se disent, celui que l’un d’entre eux "avoue" et/ou raconte. On se rend bien compte que tout cela est bien plus profond que la surface des choses et d’une intrigue somme toute banale. C’est le passé des camps et des tentatives de survie, celui des morts proches ou pas, celui de vies brisées, d’une haine infernale du "Juif" (celle qui renaît aujourd’hui). Celui des histoires que l’on (se) raconte pour tenter de survivre, de garder la tête haute malgré la peur, la couardise. C’est aussi la relecture des événements par une enquêtrice, juive elle-même et qui doute de David... relecture qui sera un des axes essentiels de ce film inclassable éprouvant au-delà du rire éventuellement attendu. Sam Garbarski montre ici des blessures qui datent déjà et risquent d’être oubliées. Sur le film du rasoir, il se fait le héraut d’humains qui ne furent pas des héros de guerre et à qui toute humanité a été enlevée. Ce film est pour nous un mémorial (faites ceci en mémoire de moi !) où Sam Garbarski invite à ne pas oublier, à faire mémoire, où Sam Garbarski fait mémoire d’une indicible horreur.
Il y a cependant un petit bémol à apporter et qui est souvent présent dans des films historiques qui conduisent à un résultat paradoxal ou le vrai manque de réalisme. Ainsi, par souci d’exactitude, certains éléments matériels sont d’époque : voitures, affiches, magnétophone, billets de banque... mais aussi soigneusement soient conservés ces éléments, ils jurent car ils sont trop vieux par rapport à l’aspect neuf qu’ils devraient avoir. Une façon de relire l’histoire en quelque sorte... ou pour bien faire et embellir on a cru bien faire et où, paradoxalement, le "vrai" sonne faux. On n’en fera pas grief outre mesure.
Bande-annonce :