Synopsis : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.
Acteurs : Denis Ménochet, Lea Drucker, Jérôme Care-Aulanier, Thomas Gioria, Coralie Russier, Mathieu Saïkaly.
Xavier Legrand, acteur, essentiellement de théâtre, est également scénariste et réalisateur. Jusqu’à la garde, un titre qui est lourd de plusieurs lectures est son premier long métrage. Nous attendions beaucoup de ce film, car le fan de courts métrages en nous avait beaucoup apprécié son premier Avant que de tout perdre, réalisé en 2012. En moins de trente minutes, il traitait de la violence conjugale et de la peur dans un (quasi) huis clos public, à savoir une grande surface dans laquelle se déroule l’essentiel de l’action. A l’affiche de ce court, Denis Ménochet, Lea Drucker et Mathilde Auneveux, soit donc trois acteurs qui se retrouvent dans le long avec les mêmes noms. Seul change le jeune garçon, Julien (Miljan Chatelain) pour être remplacé par Thomas Gioria [1].
Il ne s’agit toutefois pas d’un court métrage dilué dans un long comme cela arrive parfois (et souvent avec la sensation de déguster un plat dont la sauce a été trop allongée). Si le thème de départ est analogue, en revanche, le focus et les lieux de l’action sont différents (On peut bien entendu voir ce film sans avoir vu le court-métrage). Le réalisateur prend le temps de placer son cadre en jouant sur les sons, les ambiances, avec très peu de musique, sauf celle diégétique, notamment le concert de Joséphine et ses répétitions avec son groupe et son petit ami Samuel (Mathieu Saïkaly, 24, vainqueur de la saison 10 de La nouvelle Star en 2014, auteur, compositeur, interprète folk qui joue ici son premier rôle au cinéma).
Tout commence dans le bureau d’une juge, dans un plan qui prend son temps. Bien que les affaires soient traitées rapidement, par la force des choses, la juge prend le temps d’entendre les parties en présence, y compris l’enfant, par la médiation de la lecture de sa déclaration à huis clos. Lui ne veut pas vivre chez son père et refuse donc que celui-ci obtienne sa garde partagée. La mère réitère son refus de confier le fils à son père (sous-entendu, du fait de sa violence). Celui-ci, lui, fait part de sa bonne volonté. Et tous deux, ex-époux, sont secondés par leurs avocats. Mais la juge, qui en a vu défiler des couples dans son cabinet, sait que les choses ne sont pas simples, en blanc et noir et que, souvent, les torts sont partagés. Que l’image que l’une renvoie de l’autre (et vice-versa) est parfois biaisée, tronquée et que même les enfants se laissent influencer par le conjoint condamné par l’autre. La juge prendra donc le temps pour faire part de sa décision. Au grand dam de la mère et du fils, elle tombera, en faveur du père !
Jusque-là (sauf pour celui qui a vu le court-métrage), le spectateur pourra encore penser que c’est la solution la plus sage, la plus respectueuse de chacun, car il peut croire au repentir du père. Il pourra même se dire que la mère en fait trop et que le gamin joue un jeu ambigu. Et pourtant, peu à peu, au film de l’évolution de l’intrigue (que l’on vous laisse découvrir à l’écran, à travers ses multiples rebondissements) le réalisateur va enfoncer le couteau jusqu’à la garde, car cette garde partagée sera malsaine et la peur des uns, la violence d’un autre vont s’exacerber dans une très violente conclusion. Difficile d’en dire plus sans spoiler le film. Cette fin pourrait paraître too much à certains. A nous, elle est apparue comme allant jusqu’au bout de son concept et aussi d’un message à transmettre sur la violence conjugale. Oui, parfois, même si c’est rare, cela peut aller très loin.
Les acteurs habitent cette intrigue avec beaucoup de réalisme et il est probable que ceux qui étaient du court ont pu y puiser une maturité dans le jeu. Un bémol toutefois ! Mathilde Auneveux est censée avoir 18 ans. Or elle en a plus et en paraît plus et cela nuit à la crédibilité de son rôle. En revanche, le jeune Thomas Gioria est parfait, tout en pudeur, en mutisme et en émotion dans ce rôle d’un enfant écrasé par ce conflit familial.