➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 01 novembre 2017
Signe(s) particulier(s) :
- Colin Farell retrouve ici le réalisateur grec deux ans après "The Lobster" ;
- Nicole Kidman et Colin Farell ont enchaîné le tournage du film "Les Proies" de Sofia Coppola seulement trois semaines après celui de ce film ;
- Prix du scénario à Cannes (ex-aequo avec "A Beautiful Day" de Lynne Rampsay) ;
- le titre du film fait référence au mythe d’Iphigénie.
- Résumé : Steven, brillant chirurgien, est marié à Anna, ophtalmologue respectée. Ils vivent heureux avec leurs deux enfants Kim, 14 ans et Bob, 12 ans. Depuis quelques temps, Steven a pris sous son aile Martin, un jeune garçon qui a perdu son père, alors que Steven venait de l’opérer. Depuis, ce dernier s’immisce progressivement au sein de la famille de Steven, et devient de plus en plus menaçant, jusqu’à le conduire à un impensable sacrifice...
La critique
Souvenez-vous de "The Lobster", précédent film du réalisateur grec, sorti en 2015, succès public et critique lors de sa sortie, et Prix du jury lors du Festival de Cannes la même année, dans lequel toute personne célibataire était arrêtée, pour être alors transférée dans un hôtel, où, passé les 45 jours sans y trouver l’âme sœur, était transformée en l’animal de son choix. Un scénario barré pour une fable unique, loufoque, féroce, à l’humour noir, qui ne laissait pas indifférente... Revoilà donc aujourd’hui le réalisateur en grand forme, avec une tragédie grecque à la mise en scène aux petits oignons, dans un film où l’explication laisse place aux faits.
Une fois de plus, l’artiste se donne les moyens pour marquer les esprits avec une histoire, pour le moins dérangeante, où il est question d’un jeune garçon (Barry Keoghan) qui, après avoir perdu son père sur la table d’opération d’un chirurgien (Colin Farrell), confronte ce dernier à un atroce dilemme, par souci d’équité : il devra tuer l’un des membres de sa famille, au risque de les voir dépérir l’un après l’autre, étape par étape (paralysie, arrêt de la nutrition, saignement des yeux, mort), cela devant ses yeux, sans qu’il ne puisse rien faire, et sans que la science ne puisse l’aider... Au niveau du casting, c’est du grand cru, avec un Colin Farell impeccable de retenue et intériorisant ses émotions et tensions, tandis que Barry Keoghan attire ici tous les regards, par son jeu de froideur et de manipulation.
Avec ce script, Lánthimos laisse le spectateur se dicter lui-même son propre ressenti. En effet, il est impossible de prédire votre réaction face à la tournure de cette histoire, tout d’abord parce qu’elle ne ressemble à rien de ce que vous avez déjà pu voir, et ensuite par son caractère nihiliste, et pervertissant. Dans sa globalité, la ligne de conduite de son œuvre sera soit adulée, soit détestée. Le spectateur est ainsi autant confronté (que le personnage principal du film) en une situation provocante, où il devra faire face à l’inimaginable.
Cependant (et c’est là où le bât blesse), la "Mise à Mort du Cerf Sacré" ne joue la carte que de l’effet, sans une once de fondement réaliste. Ainsi, le réalisateur cherche à nous mettre mal à l’aise avec du cinéma fantastique qui se prend bien trop au sérieux, à la limite du prétentieux. En effet, jamais le réalisateur n’assume pleinement son drame, étant donné qu’il n’a aucune logique formelle, puisque l’on ne saura jamais comment Martin a pu rendre possible son impact sur la santé des membres de la famille de Steven... Mais le réalisateur ne souhaite sans doute pas ici que le spectateur parte vers cette optique, mais plutôt dans celle de l’immersion d’une telle situation. C’est un risque à prendre, mais qui laissera sans doute les scientifiques sur le carreau, au profil des amoureux de mythologie...
Là où Yórgos Lánthimos passe désormais maître, c’est dans la mise en scène. Dans ce film, il nous crispe sur notre siège par l’esthétisme de ses décors, nous glace le sang par l’utilisation de sa caméra (notamment lors de certaines scènes insoutenables), et nous dresse les poils par sa musique stridente. C’est soigné, et pensé du début à la fin pour appuyer ses idées, dont celle d’isoler l’anti-héros dans les retranchements de la nature humaine, entre remords et châtiments.
Bande-annonce :