Synopsis : Au cours d’un sommet rassemblant l’ensemble des chefs d’état latino-américains dans un hôtel isolé de la Cordillère des Andes, Hernán Blanco, le président argentin, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant sa fille. Alors qu’il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille, il doit aussi se battre pour des intérêts politiques et économiques à l’échelle d’un continent.
Acteurs : Ricardo Darín, Elena Anaya, Christian Slater, Erica Rivas, Dolores Fonzi, Paulina García.
Il s’agit du premier film de Santiago Mitre que nous voyons. Avec à l’affiche, notamment un Ricardo Darin, impérial ou plutôt "présidentiel". Sans compter Christian Slater dans un second rôle... très important dans la dynamique du récit. Notons aussi parmi les actrices, Elena Anaya (La Piel que habito) et Dolores Fonzi (Truman). Le film est profondément politique et très humain (ou plutôt inhumain). Il nous a fait songer, tant sur le plan de la forme que du fond à la série The West Wing de Aaron Sorkin. La forme avec les déplacements de la caméra et des protagonistes dans les pièces, les couloirs ; le fond avec les interactions entre les vies personnelles et publiques.
L’intrigue est toute simple et tout est quasiment écrit dans le synopsis. Tout l’intérêt est de découvrir un personnage neuf en politique nationale, Hernán Blanco qui a fait sa campagne en voulant laver plus blanc que blanc. Un homme pur qui allait changer radicalement la politique. Sauf qu’il y a un petit problème, oh, trois fois rien, madame la marquise... Si ce n’est que sur la toile immaculée, vierge de tout scandale, il y aurait bien un petit scandale potentiel, un petit arrangement entre amis du passé et qu’il serait bon de (faire) taire. La fille de Blanco est concernée ou plutôt son mari dont elle semble être séparée. S’agissant de taire, de se taire, de ne rien dire donc, voilà donc que le corps de la fille va brutalement s’exprimer... par le silence ! L’humour de la situation est ici machiavélique, alors qu’il faudrait faire taire la fille, qu’il faudrait qu’elle ne dise rien et que l’on s’assure que ce qui ne doit pas être dit ne le sera pas, voici donc que celle-ci se tait, littéralement. Devenue aphasique, mutique, cloitrée et murée dans un silence tel que le coeur du père n’y résiste pas et que celui-ci fera appel à un thérapeute pour l’aider à retrouver la parole. Hélas le traumatisme est tel qu’il est enfoui dans l’inconscient. Et qu’il faudra que le thérapeute se mue en hypnothérapeute. Pour pouvoir la faire parler !
Mais lorsque l’on ouvre les portes de l’inconscient, c’est comme une boite de Pandore et les traumatismes enfouis peuvent remonter à la surface et rendre audibles des choses tues jusqu’à présent. Tues parce que fantasmatiques, rêvées, cauchemars d’enfance ? A moins que sous la surface lisse et blanche… ? A tel point qu’il faut plutôt que la fille se taise à nouveau, car ce qu’elle dit et révèle semble d’une incongruité telle que tout ce qu’elle dit est totalement faux. Est ?
A côté de cet intime qui révèle des choses propres à avoir des répercussions sur l’extime, de ce côté-là justement, le réalisateur nous montre les jeux de pouvoir entre différents pays d’Amérique du Sud. Il le fait d’autant mieux qu’il a choisi de faire interpréter les chefs d’État de ces différentes nations par autant d’acteurs qui sont des vedettes dans leurs propres pays. Remarquable comme (sur)charge symbolique. Cela permet de rendre compte à l’écran de ces tensions manifestes entre ces différents responsables, leurs agendas cachés, les enjeux politiques et financiers. L’égo aussi de certains (individus et pays). Qui aura le pouvoir pour qu’un autre ne le prenne pas ?
C’est sans compter aussi sur d’autres enjeux avec des nations plus importantes encore, ainsi les USA, ici représentés par un remarquable Christian Slater. Comment se parler si ce n’est dans la discrétion, seul à seul, en passant par les sous-sols pour ne pas être vu ? Comment gérer un contrat sur l’avenir et sur le dos de certains. Quel sera le prix à payer et quel pacte sera conclu dont nous n’entendrons rien si ce n’est peut-être, en écho, par la médiation d’un corps défaillant.
Quelles sont finalement Les marches du pouvoir (film de George Clooney auquel nous pensons également) qu’il faut emprunter pour faire taire tout ce qui s’oppose à votre montée en puissance ?