Synopsis : Lila est une jeune bègue complexée qui s’est réfugiée dans le silence. Sa vie bascule lorsqu’elle tombe amoureuse de Mo, un pilote kamikaze qui risque sa vie à chacune de ses courses automobiles clandestines. A son contact, Lila s’extirpe de son mutisme. Leur passion va pousser Mo à arrêter ses défis sportifs suicidaires. Mais l’adrénaline et l’amour du risque sont des drogues dont il est difficile de se séparer...
Acteurs : Sara Forestier, Redouanne Harjane, Jean-Pierre Léaud, Maud Thibault.
L’actrice Sara Forestier, jeune trentenaire qui a marqué le cinéma français dans de nombreux rôles : L’Esquive, Le Parfum, histoire d’un meurtrier, Mes séances de lutte, L’amour est un crime parfait, La Tête haute, parmi beaucoup d’autres, passe de l’autre côté de la caméra pour un premier long métrage. Pour celui-ci elle est aux commandes principales puisqu’elle a écrit le scénario et qu’elle en est également l’actrice principale. M n’est pas un film sans défauts, mais il mérite amplement le détour par une salle pour le visionner. Si c’était une fable de La Fontaine, c’aurait pu être : "la muette et l’analphabète" !
Quasiment d’entrée de jeu, les protagonistes sont présentés avec leurs fragilités, leurs manques, leurs impasses. Lila (Sara Forestier) est bègue et c’est pour elle un tel handicap que cela la rend mutique. Elle est moquée par ses condisciples (elle est en classe à quelques semaines du baccalauréat) et bousculée par son professeur de français (Nicolas Vaude) qui voudrait la voir exprimer verbalement ce qu’elle sait si bien "dire" par écrit. Et c’est justement par écrit qu’elle va communiquer avec Mo. C’est que celui-ci que l’on découvre dans des duels de kamikazes en voiture (rouler à pleine vitesse, freiner à la dernière micro-seconde face à un obstacle : le gagnant sera celui qui est le plus proche !) va solliciter l’aide de Lila qui se trouve sur un banc. Il doit se rendre quelque part et veut se faire indiquer la route. Elle ne peut rien exprimer, elle écrit, dessine, et cela révèle au spectateur ce qui handicape le deuxième protagoniste du film : il ne sait pas lire.
L’on aura très vite compris que tout l’enjeu du film tournera à l’impossibilité de communiquer. Thème intéressant à l’heure où les médias sociaux, les smartphones et communications par SMS interposés nous font découvrir et apparaître comme des êtres essentiellement "communicants". En tout cas, croire être tels ! Et c’est tout l’enjeu du film de mettre l’accent en cet endroit en mettant le doigt là où cela fait mal : le déficit de l’une, la carence de l’autre. C’est que malgré ceux-ci, quelque chose va les lier, les relier, comme si l’impossibilité de s’exprimer et de comprendre amenait l’une et l’autre à aller au-delà des mots pour se découvrir.
L’un et l’autre des protagonistes seront ainsi confrontés à leurs limites : Lila, avec sa jeune soeur et son père (très étonnant Jean-Pierre Léaud, quasiment antipathique) ; Mo avec ses potes de courses clandestines. Lila et Mo, dans leur relation qui ne peut s’exprimer comme ils le voudraient. Lila, poussée à concourir et tentée par l’abandon ; Mo qui est confronté dans son quotidien à son analphabétisme : qu’il s’agisse de lire un menu dans un restaurant, une commande dans une cuisine ou, simplement, un SMS sur un smartphone... Plus encore que le bégaiement (qui entraîne parfois la moquerie de condisciples) c’est la dure réalité de ceux, encore trop nombreux, qui sont analphabètes dans nos pays. Un handicap honteux qui empêche de communiquer.
Lila et Mo parviendront-ils à dépasser ce qui les empêche de s’exprimer et les lie entre eux ? Pourront-ils se (re)trouver ? Construire un avenir ? Apprendre à parler alors que les mots ne sortent pas ; lire ceux qui sont couchés sur le papier ? Quelles images ont-ils chacun d’eux-mêmes et de l’autre ? Que veulent-ils ? Etre en "représentation" de ce qu’ils ne sont pas ou accepter leurs fragilités pour les dépasser et vivre l’un avec l’autre, l’un pour l’autre ?
C’est donc un assez remarquable premier ilm que réalise Sara Forestier. Pas sans défauts comme nous l’écrivions plus haut. Le principal est lié à l’âge des protagonistes, en particulier Lila. L’actrice de trente ans est peu crédible en jeune en préparation de Bac. Certains (se) disaient qu’elle pouvait avoir doublé ou triplé au vu de son handicap, mais cela tient peu la route tant elle apparaît une surdouée. En réalité cela tient à peu de choses, il eut suffit, pour rendre vraisemblables les rôles et donc en adéquation avec l’âge réel des interprètes, de modifier un peu quelques données du scénario et de ne pas placer Lila dans un cadre scolaire où elle a dix-sept ans, mais de lui donner une activité professionnelle où son handicap lui poserait problème. Mais si le grief est légitime, on peut en faire abstraction en voyant essentiellement le film comme une parabole, une fable ou un conte sur la difficulté de communiquer, même sans handicap !
Bande-annonce :