➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 04 octobre 2017
Signe(s) particulier(s) :
- ce film est la suite de "Blade Runner" de Ridley Scott sorti en 1982, alors adapté du roman "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" de Philip K. Dick", et dans lequel Harrison Ford faisait la course à des robots révolus et désormais hors-la-loi (pour faire simple), dans un Los Angeles de l’année 2009 ;
- c’est en 2011 que la société détentrice des droits sur la franchise "Blade Runner" (Alcon Entertainment) a fait part de son souhait de mettre une suite ou un prequel en chantier, avec ou son Ridley Scott ;
- c’est la première fois que le compositeur attitré de Denis Villeneuve, Jóhann Jóhannsson, ne signe pas la bande-originale de l’un de ses films, et cela pour raison contractuelle, dont il n’a pas le droit de parler. C’est donc Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch qui ont ici la lourde tâche de succéder à la très célèbre musique de Vangelis du premier volet.
- Résumé : En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bioingénierie. L’officier K, récent modèle de répliquant conçu pour obéir, est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, un ancien Blade Runner qui a disparu depuis des décennies...
La critique
Ne revenons pas sur le mythe qu’est devenu le "Blade Runner" de Ridley Scott au fil des années dans le paysage de la science-fiction au cinéma. Penchons-nous plutôt sur les origines de cette suite, inouïe, plus de trois décennies après l’original (trente ans concernant les événements du film), et dans laquelle revient, qui plus est, Harrison Ford, à 75 ans, dans le personnage qu’il campait déjà à l’époque, alias Rick Deckard, un ancien policier devenu "blade runner", chargé d’éliminer les répliquants. Lorsque la nouvelle de cette suite est tombée, le monde du cinéma et tous ses cinéphiles se sont interrogés du "qui" et du "comment" qui pourraient ainsi succéder à la réalisation visionnaire de Ridley Scott, sans dénaturer son film, et donc en y étant fidélité. Car, après tant d’années, le film de ce dernier s’est taillé une réputation de chef-d’oeuvre à Hollywood, et même d’autant plus dans le reste du monde. Il était donc impensable que quiconque puisse arriver à sa cheville, jusqu’à ce qu’un certain réalisateur québécois du nom de Denis Villeneuve, fasse, film après film, découvrir ses talents indéniables de nouvel auteur contemporain du septième art, lui à qui l’on doit notamment "Incendies" (2010), "Prisoners" (2013), Sicario (2015) ou encore sa première incursion dans la science-fiction l’année passée avec le film "Premier Contact". Dès lors, cette suite n’en devient plus une erreur annoncée, mais bien l’un des projets les plus ambitieux qu’ait connu le monde du cinéma.
Aujourd’hui, les lumières de la salle s’estompent, et le générique commence, et les premières notes de musique résonnent déjà que les premiers plans voient rassurer les spectateurs, qui redécouvrent tout l’univers installé par Ridley Scott.
L’atmosphère est lugubre et étouffante, l’image est sale et pluvieuse, la lumière cherche à se frayer un chemin dans cette pénombre, somme post-apocalyptique, la musique nous traverse littérale de haut en bas tel un frisson qui nous glace le sang. Bref, nous sommes donc bien dans la suite de "Blade Runner".
N’en déplaise, "Blade Runner 2049" est, et de loin, le blockbuster qui ne ravira pas les fans de Michael Bay. Doté d’un budget très conséquent, le film se regarde comme une succession de plans hypnotisant qui nous transportent dans un monde parallèle, et inédit (oubliez "Ghost in the Shell"). On est donc happé du regard par chaque scène, qui, mises bout à bout, nous content une histoire poétique et mélancolique tout le long de ses deux heures et demi. Ici, la mise en scène est donc entièrement mise à disposition de nos émotions intérieures, ressenties à travers son visuel, et ses personnages, au travers d’une histoire dans la parfaite continuité de la précédente.
Ce n’est évidemment plus Harrison Ford le héros du film, mais bien Ryan Gosling (officier K), cependant dans un rôle similaire occupé par son mentor à l’époque, et découvrant, en mission, un secret le concernant, capable de faire imploser le monde actuel. Pourchassé, il n’aura d’autre choix que de fuir, et retrouver Rick Deckard, alors caché pour des raisons situées au cœur de ce nouveau récit. Rarement on n’avait plus vu des interprétations aussi dense et puissante dans un film de science-fiction actuel, alors que le temps de dialogue est pourtant restreint. Sans spoiler, Gosling incarne avec retenue et progression psychologique la question de l’appartenance à l’être humain avec tous ses sens, tandis qu’Harrison Ford est presque touchant en loup solitaire, dans l’optique de protéger ceux qu’ils aiment. Mais même avec ses deux rôles masculins assez puissants, le scénario, toujours adapté de l’œuvre de Philip K. Dick, propose de rôles féminins très forts, à travers les personnages d’Ana de Armas (Joi, un programme informatique holographique et petite-amie artificielle de l’Officer K), Robin Wright (le lieutenant Joshi, son supérieur), et Sylvia Hoeks (un réplicant femelle doté de facultés de combat supérieures).
Malgré sa très longue durée, le scénario, nourrit par son visuel et sa musique majeurs, à la force de nous questionner sur ses éléments de réponse durant tout son long, sans jamais nous lâcher, tandis que celui-ci fait durer son dénouement par des faux-semblants et fausses pistes qui s’y côtoient, mais que l’on ne voit pas venir, aboutissant, au final, à une sentence irrévocable, à travers de laquelle le ressenti de simples flocons de neige sur la peau représentent bien plus que tout ce qu’on a déjà pu en ressentir... Ceci dit, force est de constater que le scénario peut se résumer en quelques lignes, et que celui-ci n’usent ici que de subterfuges pour durer.
Bande-annonce :