Bandeau
CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Kathryn Bigelow
Detroit
Sortie le 11 octobre 2017
Article mis en ligne le 13 août 2017

par Charles De Clercq

Synopsis : Pendant cinq jours, à partir du 23 juillet 1967, la ville de Detroit dans le Michigan vit l’une des plus grandes et meurtrières émeutes de l’histoire des Etats-Unis, faisant état de 43 morts, 467 blessés, environ 7200 arrestations et la destruction d’environ 2000 édifices. Le film raconte l’histoire d’un incident dans l’Argiers Motel. Alors que les émeutes raciales secouent Detroit, l’officier de police Dismukes est interrogé par ses collègues comme témoin d’un triple homicide dans l’hôtel Algiers avant d’en être accusé à tort.

Acteurs : John Boyega, Anthony Mackie, Will Poulter, Algee Smith, Jack Reynor, John Krasinski, Kaitlyn Dever.

C’est un film coup de poing que réalise Kathryn Bigelow. Elle nous montre un événement singulier qui touche quelques personnes au coeur de cinq jours d’émeutes à Detroit, il y a cinquante ans. Evénement dont on peut penser qu’ils est fictifs et illustre une mentalité et des attitudes racistes. Rien n’indique au début du film (sauf distraction de notre part) qu’il s’agit de faits réels, avec le traditionnel "basé sur une histoire vraie". Ce sont seulement les indications qui s’affichent sur l’écran qui inscrivent les images dans une "vraie réalité". Sachant cependant qu’elle a dû être reconstruite en se basant sur la mémoire et le compte-rendu qu’ont pu en faire de véritables protagonistes de l’époque.

On ne peut qu’adhérer à ce combat des Afro-Américains qui n’ont aucune place, aucun endroit où il ferait bon vivre. Quittant leurs terres d’esclavage pour remonter vers le Nord et trouver travail et havre de paix, notamment à Detroit, ils n’auront ni l’un ni l’autre, prisonniers malgré eux de l’enfermement ethnique auquel ils doivent se contraindre. Les violences sont là, exprimées à l’écran (avec parfois des images d’archives). Que dire face à une cause que nous sommes convaincus d’être juste ? Et l’on se souviendra d’autres films, d’autres situations, bien trop nombreuses où l’on prend conscience qu’il ne fait pas bon d’être afro-américain aux USA. Avant-hier, hier, et, malheureusement aujourd’hui. En effet, rien ne semble avoir changé dans un pays si prompt à défendre les droits de l’homme hors de ses frontières.

En se focalisant ensuite sur ce qu’il est quasiment obscène de qualifier d’incident, une nuit cauchemardesque qui ferait un excellent film horrifique si ce n’était vrai. Alors que l’émeute de déploie dans la ville, un banal coup de feu avec un pistolet destiné à marquer les départs de courses, fictif donc, va déclencher une apocalypse pour sept hommes noirs, des "négros", dont un groupe de chanteurs (Les Dynamics - devenus The Dramatics) qui n’a pas pu se produire sur scène du fait des émeutes, se retrouvent à l’Argiers Motel. Avec eux deux femmes blanches, pas vraiment prostituées, pas vraiment clean non plus. Dans la rue, l’armée, la police de Detroit, la garde nationale. Entre "la rue" et le motel, Dismukes (John Boyega) agent de sécurité, noir donc et, malgré cela, censé être "protégé".

Ce qui était banal, même pas provocation ou si peu, un tir avec une arme qui n’en est pas une, va déclencher une terrifiante réaction et tout particulièrement de la part de la police locale et deux de ses agents, dont l’un Krauss a déjà commis une bavure en tirant à plusieurs reprises dans le dos d’un fugitif. Il y a chez lui un racisme, presque ordinaire, oserait-on : "à fleur de peau". Et lorsque lui et son équipier prennent conscience que les deux femmes blanches auraient pu "coucher" ou pire, l’auraient fait, avec des négros, une haine terrifiante va les submerger. Nous n’allons pas décrire comment celle-ci va se déferler tout au long de la nuit où sans relâche les policiers locaux vont abuser d’un pouvoir qu’ils n’ont pas au mépris de tous les droits civiques. Bien plus l’armée et la garde nationale se retireront du "terrain de jeu" laissant l’affaire de la police à la police. Tout au plus l’un ou l’autre réagira, à titre individuel, parce que cela va trop loin. Il faut ici louer le jeu de Will Poulter, sidérant. L’acteur anglais de vingt-quatre ans a ici une telle maturité dans son jeu qu’il arrive à susciter le dégoût, le rejet, la condamnation, voire la haine, chez le spectateur par rapport à son personnage. Il arrive à lui donner une densité telle qu’elle est effrayante — comme - et plus encore - Paul Dano dans le rôle de Tibeats dans 12 Years a Slave de Steve McQueen (2013) — et fait parfois perdre confiance en l’humanité. La tension est si intense que le film pourrait paraître un thriller qui fait dans le too much.

Les émeutes terminées… place à la justice. L’enquête sera "orientée", au grand dam de l’un ou l’autre qui voudrait que la vérité soit établie. Ce sera une vérité judiciaire, celle des policiers, de leurs délégués syndicaux, de leurs avocats, du juge et des jurés blancs. Les coupables seront (ont été) acquittés. C’était il y a juste cinquante ans. Un drame, inhumain. Et le drame perdure puisque l’actualité nous rappelle, jour après jour que rien n’a (pratiquement) changé au pays de la liberté. De cela, de ce coup de poing que nous envoie le film, il faut remercier Kathryn Bigelow et son scénariste habituel, Mark Boal, de nous l’avoir asséné et aux acteurs d’avoir donné une visibilité à l’horreur...

NB : On trouvera sur Wikipedia un article détaillé (en anglais) sur "l’incident de l’Algiers Motel".



Au hasard...

Live by Night (Ils vivent la nuit)
le 14 janvier 2017
Voyage à travers le cinéma français
le 25 septembre 2016
Adama
le 1er septembre 2016
Aladdin
le 25 mai 2019
Mitra
le 28 septembre 2018
Collateral Beauty (Beauté cachée)
le 17 décembre 2016
Arthur Rambo
le 30 avril 2022
Pete’s Dragon (Peter et Elliot le dragon)
le 10 septembre 2016
The program
le 5 novembre 2015
On the Basis of Sex (Une femme d’exception)
le 13 novembre 2018
Legend
le 13 janvier 2016
Jurassic World
le 9 juin 2015
Ryû to sobakasu no hime (Belle)
le 23 janvier 2022
San Andreas
le 27 mai 2015
HHhH : The Man with the Iron Heart
le 17 septembre 2017
Burn Out
le 23 décembre 2017
Comment j’ai rencontré mon père
le 2 mai 2017
The Meg (En eaux troubles)
le 4 août 2018
Régis
le 22 octobre 2019
Bacurau
le 21 septembre 2019
Mentions légales Espace privé RSS

2014-2025 © CINECURE - Tous droits réservés
Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 5.2.1