Présentation BIFFF : Vendeur pour une marque de voiture coréenne en trois lettres, Lee Jung-soo est sur le point de terminer sa journée et de rentrer fêter l’anniversaire de sa fille. Et il a tout intérêt à être là à l’heure, puisque c’est lui qui ramène le gâteau ! Mais Lee Jung-soo ne s’en inquiète pas outre mesure : son vénérable gouvernement a cassé sa tirelire afin de construire un énooooorme tunnel en dessous d’une montagne infranchissable et, question raccourci, on ne fait pas mieux. Seulement voilà, alors qu’il se trouve en plein milieu de ce gigantesque boyau fait de ciment et d’acier, le tunnel s’affaisse dans un vacarme ahurissant, piégeant Jung-soo dans sa superbe voiture coréenne en trois lettres, réduite à l’état de Rubik’s cube. Fort heureusement, il s’aperçoit qu’il a encore du réseau (merci, la 5G) et parvient à prévenir les secours. Mais, vu l’ampleur des dégâts, les autorités vont lui demander de rationner les parts de gâteau de sa fille, car Lee Jung-soo n’est pas prêt de voir le bout du tunnel de sitôt…
En 2015, Kim Seong-hun nous avait déjà régalé avec A Hard Day. Deux ans plus tard, le nouveau golden boy du cinéma coréen nous surprend encore avec sa dernière pépite où il rehausse les standards du thriller-catastrophe après le déjà très solide The Terror Live (également au BIFFF 2015). Mais, bien plus qu’un divertissement à grand spectacle, Tunnel est une critique à peine voilée de la corruption des services publics – trois ans après le drame du ferry Sewol qui coûta la vie à 300 personnes – et de la voracité de certains médias charognards. Autant vous dire que se permettre cet important sous-texte dans un thriller de cet acabit relève du génie !
Acteurs : Dal-su Oh, Doona Bae, Jung-woo Ha, Sang-hee Lee
Tunnel a obtenu le Prix de la Critique décerné par des membres de l’UCC/UPCB.
Après A Hard Day il y a deux ans, le BIFFF nous a proposé un film qui est dans le top de cette 35e édition. Plus qu’un film catastrophe, Tunnel est un film politique et critique. On doit remercier le BIFFF de l’avoir programmé, car il est peu probable que ce film sorte en salles en Belgique alors qu’il sera projeté en France dès le début du mois de mai. Si le film n’est pas sans défauts de vraisemblance (j’y reviendrai), on passera largement outre tant le propos est intelligent et pose des questions existentielles et de société. Il y a certes un peu de Buried et Il faut sauver le soldat Ryan (Saving Private Ryan) et de film catastrophe dans Tunnel, mais toute l’intelligence du réalisateur est d’en détourner les codes. Ainsi, la "catastrophe" à savoir l’éboulement du tunnel arrive très vite pour arriver à une tout autre dynamique : comment gérer l’humain, le social, le politique, la vie et la mort annoncée ?
Stéphane Everaert (que nous avons reçu sur RCF) qui présente les films avec beaucoup de talent précisait avant la projection que les coréens n’étaient pas indemnes de la catastrophe du 16 avril 2014. Souvenez-vous du naufrage d’un ferry qui transportait environ 450 passagers près de la côte méridionale de Corée du Sud dont 300 sont morts. Triste anniversaire bientôt d’un événement qui a aussi marqué les réalisateurs et cela se ressent dans leurs oeuvres, y compris ici dans Tunnel. Le réalisateur nous montre l’incurie des autorités, la presse avide de sensations au risque de nuire aux services de secours et aux personnes à secourir, le pouvoir prêt à se mettre en avant, mais aussi les nombreuses malfaçons dans les constructions de certains marchés publics (et il y a bien sûr bien d’autres pays concernés, même en Europe). Là, nous sommes du côté "collectif"... mais Seong-Hun Kim nous offre un autre regard, un autre versant de son film qu’il consacre à l’humain, à l’intime, au relationnel tout en agrémentant le tout d’un mode survival.
Le spectateur aura droit à l’augmentation d’une tension dramatique qui ne faiblira pas durant les plus de deux heures du film : il faut gérer l’eau, la nourriture, une passagère qui sort de derrière les fagots après trois jours (ou plutôt qui est coincée dans sa voiture - dont elle ne peut s’extraire - que l’on atteint par un ventilateur) un chien qui pour le coup est un véritable animal de compagnie. Il faut aussi gérer la batterie d’un smartphone, se partager ou disputer l’eau et la nourriture avec la passagère et le chien. Et ici, nous sommes quasiment dans le mode Vault (coffre-fort) de Monolith, car il semble bien impossible de s’échapper de la montagne.
Une des questions posées : quel est le prix d’une vie humaine ? Jusqu’à quel moment faut-il chercher une vie au risque de trouver un cadavre et de perdre d’autres vies en cours de route ? Et tout cela a un impact financier énorme (et l’on sait déjà ce que coûte la recherche d’un spéléologue coincé 24 heures dans un gouffre), mais aussi peut avoir des retombées "politiques" lorsque le pouvoir se sert du drame pour sa propre propagande. Et, il faut donc rappeler combien tant les médias que les responsables politiques sont ici montrés dans leurs faces les plus sombres.
A côté de cela, outre le drame intime lié à l’épouse et à leur enfant, il y a des "faire-valoir" dans les figures de la jeune fille coincée dans sa voiture et de son chien. L’une suscite l’antipathie au contraire du cabot qui ne cabotine pas, mais apporte un peu de chaleur (pas humaine) pour Lee Jung-soo ! Il faut noter également certaines scènes quasiment humoristiques, ainsi la question de l’urine (notamment à laisser refroidir... sans compter l’utilisation d’un gobelet entre les dents...) que vous comprendrez à la vision de Tunnel ! Ou encore le coup du gâteau qui a du chien ! A noter aussi les photographes et vidéastes, les "jeux de rôles" !!! es politiques et notables... toutes choses malheureusement universelles !
Un film que l’on ne peut que recommander... et qu’il faudra attendre en "direct to video" pour la Belgique, où - rappel - il n’est pas annoncé. Il faudra cependant faire abstraction de quelques invraisemblances du film et sans tenir compte d’un désagrément lié à la projection du dimanche soir à Bozar ! C’est que le sous-titrage français/néerlandais était désynchronisé et arrivait avec une seconde de retard. Les anglophiles pouvaient se rattraper en se fixant sur les sous-titres anglais. En revanche, ceux qui le sont moins comme moi ont été irrités, même si cela a été compensé par la formidable ambiance du public dans la salle 1. Pour ne pas "divulgacher" comme disent nos amis de la "Belle Province" je poursuis en mode "spoiler" (il faut donc cliquer pour lire) :
Pas question cependant de s’arrêter à celles-ci (si vous avez cliqué malgré tout !), car c’est un bien beau film qui a été présenté là et qui aurait d’ailleurs pu faire l’ouverture du BIFFF !
Diaporama
Bande-annonce :